L'effet dissuasif tant espéré a fait défaut dans plusieurs cas de détenus ayant bénéficié de la grâce présidentielle et qui ont tôt fait de se retremper dans la criminalité et...le terrorisme. Psychose ! Le président de la République provisoire, Mohamed Moncef Marzouki, a décidé, vendredi dernier, d'accorder une grâce à 1.039 détenus «répondant aux critères de la grâce spéciale», et ce, à l'occasion de la fête de l'Aïd El Idha. «Aucun détenu impliqué dans une affaire de terrorisme n'est concerné par cette grâce présidentielle», a précisé le ministre de la Justice, Nadhir Ben Ammou, dans une déclaration pour le moins qu'on puisse dire «inédite», parce que tranchant avec celles, classiques et plates, qui ne faisaient jamais allusion à ce genre de précision. Faut-il comprendre par là que l'Etat a enfin regretté les erreurs d'un passé récent qui a vu des prisonniers impliqués dans des affaires de terrorisme retrouver aussitôt leur geôle, après avoir bénéficié de la fameuse grâce du Palais de Carthage ? Nous sommes tentés de répondre par oui, car c'est maintenant, semble-t-il, qu'on s'est aperçu de l'ampleur des dégâts occasionnés par ces erreurs. Et pour être encore plus optimiste, disons sportivement que «mieux vaut tard que jamais», et que «la leçon est enfin retenue». Souvenirs, souvenirs... Pour revenir à ces erreurs, il faut souligner qu'elles furent catastrophiques, voire désastreuses. Le malheur, rappelons-nous, a commencé au lendemain même de la révolution, avec la libération de milliers de prisonniers, dont plus de 300 intégristes impliqués dans des affaires de terrorisme, et à leur tête l'inévitable Abou Iyadh. L'on sait que, quelques mois après leur grâce, près de la moitié des détenus de droit commun, loin de s'assagir, se sont rapidement retrempés dans la criminalité. D'où leur retour en prison au même moment où les ex-jihadistes islamistes graciés ont tôt fait de... reprendre les armes pour... s'enhardir à «créer» la sanglante bataille de Jebel Chaâmbi», après avoir, au passage, provoqué des tsunamis (assassinats de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, liquidation physique d'agents et cadres de la sécurité, postes de police et de la Garde nationale incendiés, attaques en règle contre les artistes et les journalistes, menaces de mort à profusion, égorgement de soldats, entassement d'armes et de munitions et que sais-je encore...) Ce qui est encore plus grave, c'est que le pire est à venir, quand on sait que, selon une source sécuritaire bien informée, plus de la moitié des dangereux islamistes «sauvés» par le Palais courent toujours et sont en connivence avec la redoutable organisation terroriste Aqmi (Al Qaïda au Maghreb islamique) dont les visées destructrices sur les pays de l'Afrique du Nord ne sont plus à démontrer. Dernier épisode en date de cette série de tragédies : le meurtre de Rouhia commis le jour même de l'Aïd par un ancien détenu qui venait (encore un) de bénéficier de la grâce présidentielle. Selon les premiers éléments de l'enquête, il ne s'agit pas d'un banal fait divers, dans la mesure où son triste héros qui a tué sa femme aurait développé, pendant sa détention en prison, une... mentalité d'intégriste jihadiste pour qui une femme qui ne porte pas le hijab ou le niqab est une mécréante et une apostate ! Zones d'ombre Le crime de Rouhia nous impose... d'imposer les points d'interrogation suivants : la politique pénitentiaire qui focalise sur la formation professionnelle des détenus et leur préparation à la réinsertion dans la vie active au sortir de la prison a-t-elle fait son temps ? Le moment n'est-il pas venu de la réviser de fond en comble? Pourquoi un prisonnier gracié retrouve facilement le chemin de la geôle ? Qui fait quoi dans nos prisons ? Et puis cette question tout à fait mystérieuse, un vrai casse-tête celle-là : au nom de quels critères accorde-t-on la grâce à un dangereux criminel au casier judiciaire plein comme un œuf, ou à un intégriste imbu de terrorisme et de fanatisme religieux? Et dire que, dans les deux cas de figure, c'est la société qui en subit les conséquences douloureuses qu'on sait. En est-on vraiment conscient ? Reste à préciser qu'on a beau essayer de contacter le directeur général des affaires pénales au ministère de la Justice, Riadh Belkadhi, pour en avoir le cœur net, peine perdue, ce dernier étant décidément injoignable.