Fadhel Khelil et Abdelkerim Zebidi s'invitent à la course pour le palais de La Kasbah Le Dialogue national donnera-t-il lieu à un deal selon lequel Ennahdha avalisera le choix de Mohameed Ennaceur en tant que futur chef de gouvernement de compétences, en contrepartie du maintien de Nadir Ben Ammou, Lotfi Ben Jeddou et Rachid Sebbagh aux postes de ministres de la Justice, de l'Intérieur et de la Défense ? La question taraude l'opinion publique et préoccupe les observateurs et les analystes suivant l'évolution de la vie politique nationale, d'autant plus que les indiscrétions évoquant ce possible marché se font de plus en plus insistantes, au point que Noureddine B'hiri, ministre auprès du chef du gouvernement, s'est trouvé obligé de déclarer, hier, sur les ondes de Radio Mosaïque «qu'il n'en est rien et qu'Ennahdha n'a jamais posé de telles conditions». Il subsiste toujours plusieurs interrogations sur les conséquences qu'aurait ce deal — au cas où il est confirmé — sur la crédibilité du prochain chef du gouvernement censé, selon la feuille de route du Quartet, former son équipe ministérielle en toute indépendance et loin de toute pression de la part de quiconque. Certains observateurs vont jusqu'à se demander quelle sera la position du Quartet dont l'objectif est d'éviter le jeu des manœuvres et des accords secrets qui risquent de vider le Dialogue national de toute signification. Reste à connaître les réactions des acteurs du paysage politique et civil national et comment perçoivent-ils les attitudes des uns et des autres, y compris parmi l'opposition qui tarde à s'exprimer sur la question. Ils ont peur des dossiers brûlants Abdelaziz Kotti, constituant de Nida Tounès, commence par souligner qu'il n'est pas personnellement au courant de ces rumeurs-indiscrétions. «Seulement, à considérer qu'elles contiennent du vrai, elles montrent qu'Ennahdha cherche à vider le Dialogue national de sa crédibilité et à s'assurer certaines garanties en maintenant au sein du prochain gouvernement les détenteurs actuels des ministères régaliens. Ainsi, l'on peut dire qu'en lâchant Mestiri, Ennahdha se ménage un dividende certain», précise-t-il. «Le prochain chef du gouvernement est entièrement libre de choisir son équipe et personne n'a à y intervenir ou à lui dicter un nom quelconque. Dans le cas contraire, on risque de retourner à la case départ et à la politique des quotas qui nous a conduits à la crise actuelle. J'ai le sentiment que les Nahdhaouis ont peur des dossiers brûlants et j'espère me tromper», conclut-il. Ennahdha est toujours gagnant «Qu'il maintienne les ministères régaliens sous sa coupe ou qu'il accepte de lâcher Mestiri pour n'importe quelle compensation, Ennahdha sortira gagnant du Dialogue national. Il abordera les prochaines élections avec un bilan vierge», commente Néji Jalloul, universitaire et membre actif de la société civile. «Son agenda est clair. Il veut garder un droit de regard sur les ministères de l'Intérieur, de la Justice et de la Défense dans l'objectif d'éviter à tout prix le spectre égyptien. Et en adoptant cette attitude, Ennahdha ne fait qu'obéir à la décision prise par l'organisation internationale des Frères musulmans à l'occasion de son dernier congrès. Pour ce congrès, il reste une seule bougie du printemps arabe et cette bougie c'est bien la Tunisie. La continuité de l'organisation internationale des Frères musulmans est en jeu et son avenir se joue en Tunisie», argumente-t-il. Le deal recherché par Ennahdha sera-t-il accepté par l'opposition et par le Quartet ? «J'ai l'impression, répond Néji Jalloul, que l'opposition finira par souscrire à ce marché. Tout simplement parce qu'il existe trop de rivalité au sein de cette même opposition, qu'il n'y a pas de position commune ni de solidarité. J'irais même encore plus loin pour avancer que l'Ugtt pourrait, elle aussi, s'y mouiller. Je pense que la Centrale syndicale s'est trop engagée dans le processus du dialogue et elle semble à la recherche d'une sortie honorable». Un marché inacceptable «Si ce marché dont parlent les médias avec insistance est confirmé, cela relèvera de pratiques politiciennes inacceptables qu'on croyait révolues à jamais. En effet, le maintien des ministères régaliens du gouvernement Laârayedh en poste constitue une bombe à retardement pour toute personnalité qui accepterait le poste de chef du gouvernement qui avaliserait ce type de combines. Pour moi, le pays a besoin d'un chef de gouvernement qui aura les coudées franches afin qu'il puisse parachever, dans les meilleures conditions, la deuxième étape de la transition démocratique», confie à La Presse, Riadh Ben Fadhl, secrétaire général du parti Al Qotb. Il est à indiquer qu'un nouveau nom s'est invité, hier après-midi, parmi les candidats au poste de chef du gouvernement. On apprend, en effet, selon une source informée, que le Quartet aurait proposé Fadhel Khelil au poste en compétition. La même source ajoute : «Ennahdha n'a pas émis d'objection sur l'ancien ministre des Affaires sociales, ancien ambassadeur à Alger, ancien P.-d.g. de la Compagnie des phosphates de Gafsa et ancien gouverneur à Jendouba». On apprend, d'autre part, que le nom de Abdelkerim Zebidi, ancien ministre de la Défense, a été avancé par certains participants au dialogue. Plusieurs parties ont donné l'impression d'accepter cette proposition. D'après un participant à la réunion, Rached Ghannouchi s'est retiré pour aller téléphoner à Moncef Marzouki «pour peut-être lui demander son aval».