Par Walid KALBOUSSI (Commissaire général du Forum de l'Atuge) L'Association tunisienne des grandes écoles a choisi, pour fêter ses vingt ans, un thème lourd de signification : « Enseignement et employabilité ». Par le biais de ce thème, l'association fait l'état des lieux d'un système éducatif qui a permis à ses différents membres de partager les mêmes désirs et envies d'excellence et joue par la même occasion son rôle d'association citoyenne, consciente des challenges auxquels la Tunisie doit faire face. Une première approche consiste à étudier l'adéquation entre les programmes enseignés, leur contenu, leur qualité et les besoins de la vie active en compétence et en savoir-faire, mais, la combinaison de ces deux dimensions, enseignement et emploi en passant par l'employabilité, est complexe et donne rapidement lieu à d'innombrables questions « existentielles» : d'une part, la politique en matière de définition de programme et d'orientation d'élèves doit tenir compte des besoins du pays en ressources et en compétences, mais elle doit d'autre part, et surtout, répondre à l'objectif premier et universel de l'école : la transmission du savoir. Au-delà de la rhétorique apparente de cette dualité se cache l'un des débats les plus fondamentaux auquel se livre l'institution éducative. Car en faisant abstraction des moyens et de la qualité de l'enseignement dispensé, la pertinence du résultat fini dépend de la réponse à cette question : quel rôle et quel système éducatif souhaitons-nous proposer ? Un système efficace répondant aux exigences et aux besoins d'un environnement en perpétuelle évolution ? Ou un système qui mène sa mission universelle en faisant abstraction des exigences et du dictat de l'économie ? Un tour d'horizon nous laisse croire que le choix a été fait par plusieurs institutions universitaires (et pas uniquement en Tunisie) au bénéfice de l'efficacité. En prônant l'ouverture sur le monde de l'entreprise et en se mettant au diapason avec celle-ci, certaines institutions font presque du sur-mesure. Il suffit juste de voir l'évolution des options dans les écoles d'ingénieurs pour s'en apercevoir : après l'inflation des génies industriels, la ruée vers les cursus financiers et la fièvre des nouvelles technologies, nous sommes aujourd'hui réduits à proposer des cycles de formation pour opérateur marketing. Certains secteurs se passent même du système éducatif et mettent en place leur propre formation diplômante pour être plus près de leurs besoins... En aucun cas, nous ne voyons ceci d'un mauvais œil mais nous voulons juste attirer l'attention que l'enseignement est autre chose qu'un contrat pré-emploi. Que c'est une chance unique pour former les têtes et les esprits. Que c'est une fabrique des éléments de cohésion nécessaires à tout projet de société. Que c'est un outil au service de la République, dédié à la formation des citoyens de demain. Nous sommes encore plus réconfortés dans cette position car nous pensions qu'un système éducatif plus orienté sur ces fondamentaux et sa mission de formation de l'être répondrait encore mieux et plus efficacement aux besoins des entreprises. En effet, et en posant la problématique d'adéquation de l'offre et la demande sur le marché de travail à plusieurs recruteurs en Tunisie, nous nous apercevons que le déficit se trouve plus au niveau de la formation citoyenne et la formation au savoir-être que dans les compétences techniques. Tous les chefs d'entreprise nous confirment leurs difficultés à retrouver certaines qualités comportementales parmi leurs jeunes embauchés. A force de rechercher des raccourcis pédagogiques, éliminer le superflu et se concentrer sur l'essentiel, nous risquons le hors sujet ...C'est l'un des aspects de l'employabilité que nous souhaitons évoquer avec des experts, des penseurs, des philosophes, des enseignants et des représentants du monde de l'entreprise lors de la 19e édition de notre forum.