La statuette de Ganymède a été dérobée au musée paléo-chrétien de Carthage. Un vol qui vient s'ajouter à une série d'affaires dont la majorité demeure non élucidée. Et pour cause, les moyens électroniques, mécaniques et humains font encore défaut Etant donné les trésors patrimoniaux dont ils regorgent, nos musées et sites sont devenus les champs d'action privilégiés des pillards. Selon des sources dignes de foi, on estime qu'il y a 5 à 10 fouilles sauvages entreprises chaque jour en Tunisie. Et nos musées, censés être des « coffres-forts», sont facilement délestés de leurs biens. Des pièces, d'une valeur inestimable, sont arrachées de leur contexte d'origine pour alimenter un trafic illicite de biens culturels et, à terme, pour orner les intérieurs d'habitations privées. Le plus grave, c'est que les profits réalisés grâce au trafic de biens culturels volés servent parfois à financer d'autres activités criminelles, telles que le terrorisme. Spoliation, pillage et vols Ce n'est pas la première fois que notre patrimoine est victime de pillage. En effet, ce genre de spoliation a débuté, à titre de rappel, au VXIIIème siècle par la célèbre affaire du vol de la stèle avec inscription libyco-punique du temple de Dougga, en 1842. Cette pièce unique au monde est toujours exposée au British Museum de Londres. Depuis, notre pays n'a jamais été à l'abri de ce genre de prédation. Ces dernières années, les autorités n'ont pas cessé de broyer du noir, à cause de la multiplication des affaires de ce genre. En effet, plusieurs sculptures ont été dérobées, en l'occurrence la tête de Neptune ( à Sidi Khlifa), la sculpture du dieu Mars (à Chemtou). Des mosaïques, des trésors de numismatique, des épigraphies, des stèles figurées, des bijoux, des céramiques et des manuscrits ont été volés. Autre fait saillant, les vols par effraction dans les musées se sont multipliés (toute une série au musée de Raqqada, Sbeïtla, Lamta, Carthage...) et même au siège de l'INP, où un trésor monétaire dit d'Hannibal et des sculptures romaines ont disparu sans retour. Plusieurs feuillets du Coran bleu, pièce unique au monde, ont été volés en 2008, alors que la ville sainte vivait au rythme des festivités de «Kairouan, capitale islamique». On retrouvera la trace de quelques feuillets exposés à Paris, à Londres, au Koweït et même à Los Angeles. Au total, 43 pages ont disparu du plus vieux manuscrit islamique, à l'insu des responsables. En 2007, une feuille du Coran bleu de Kairouan a été vendue pour 48.000 euros à la Salle Drouot à Paris. Cependant, le plus grand scandale de l'archéologie a éclaté au grand jour au moment où le peuple a forcé les portes blindées des résidences des familles Ben Ali-Trabelsi qui étaient de véritables musées privés. Près de 647 pièces archéologiques saisies ont révélé l'ampleur de ce pillage criminel. Des failles Ces vols avaient révélé les failles de notre système de conservation. Si l'on apprend que le dernier inventaire au musée de Raqqada remontait à plus de 22 ans et que plus de 80 pièces retrouvées dans les villas des Ben Ali-Trabelsi, portaient l'estampille de l'INP, il y a de quoi s'arracher les cheveux. Aujourd'hui encore, faute d'inventaire mis à jour, personne ne sait ce qu'il y a dans les réserves. Le comble est que parmi les inculpés dans plusieurs vols, on retrouve le personnel muséal. Après le 14 Janvier, un cri de détresse a été lancé par les archéologues et les chercheurs du patrimoine pour sauver un secteur en péril. En effet, les musées détiennent des témoignages de premier ordre pour constituer et approfondir la connaissance. Ils gèrent les collections, les conservent dans l'intérêt de la société et de son développement et contribuent à la connaissance, à la compréhension et à la gestion du patrimoine naturel et culturel. C'est pourquoi, il leur incombe d'être les premiers acteurs de la lutte contre le trafic illicite en adoptant des règles scrupuleuses à l'égard des objets qui leur sont proposés. N'empêche, une obligation de diligence devrait amener nos responsables à veiller attentivement aux trésors et biens nationaux. Or, pour lutter contre vols et pillage de biens culturels, le renforcement des mesures de sécurité dans les musées et la mise en place de normes pour les inventaires des collections sont les premières actions à entreprendre pour la sauvegarde des objets. Sur ce plan, nous sommes en droit de nous interroger sur le niveau actuel de la sécurité dans nos musées et nos sites archéologiques. Car, il n'y a pas que les actes criminels qui s'érigent comme menaces redoutables. Les catastrophes, d'origine humaine ou naturelle, représentent autant de risques potentiels qu'encourent nos collections. Il convient donc de porter une attention particulière à l'élaboration de politiques visant à protéger les biens historiques afin de contribuer à la sauvegarde du patrimoine naturel, culturel et scientifique. L'autorité de tutelle, qui est investie de cette mission, est appelée à assurer une sécurité adéquate pour protéger les collections contre le vol et les dommages pouvant survenir dans les vitrines, expositions, réserves, espaces de travail ou même en cours de transport. A cet égard, des archéologues et les historiens en attestent, une obligation de diligence est impérative pour établir l'historique complet de l'objet, depuis sa découverte ou sa création jusqu'à sa conservation.