Par Hassen CHAARI* «Ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que nous n'osons pas, c'est parce que nous n'osons pas que les choses sont difficiles». (Sénèque) Après la révolution, il y a trois choses qui ont été cassées et qui seront très difficiles à reconstruire : le prestige de l'Etat, la solidarité sociale et la valeur noble du travail. Avec ou sans les islamistes au pouvoir, cela va être très difficile de résoudre les problèmes sociaux et économiques du pays y résultant (chômage, pauvreté, violence et terrorisme), auxquels même les Etats les pus riches n'ont pas pu trouver des solutions-miracles. Il aurait fallu établir une véritable réconciliation nationale et remettre l'ensemble des Tunisiens au travail. Il aurait fallu veiller à la souveraineté absolue du pays en repoussant toute ingérence politique et confessionnelle étrangère. Il aurait fallu s'attaquer immédiatement aux causes objectives de cette convulsion sociale, c'est-à-dire le chômage des jeunes et surtout des diplômés de l'université, créer les conditions politiques et sociales nécessaires pour, non seulement rassurer les entreprises étrangères présentes en Tunisie, mais attirer davantage d'investisseurs extérieurs pour absorber nos jeunes chômeurs. Idem, il aurait fallu exiger des hommes d'affaires et des grosses fortunes du pays qui ont bien profité des largesses de l'ancien régime, exiger d'eux d'investir la moitié de leur patrimoine financier dans la création d'emplois dans les régions déshéritées, plutôt que de financer tel ou tel parti politique. Cette Tunisie, accueillante, moderne et aux allures de bon élève auprès des organismes internationaux, a une forte volonté — grâce à sa révolution et à l'instar du monde moderne — de s'émanciper de ses décennies de dictature et le pays d'Hannibal de montrer, enfin, son attachement aux valeurs universelles de démocratie et de liberté individuelle, pour parfaire son développement humain durable. Les Tunisiens y croient et pensent, désormais, que l'œuvre réformatrice de Bourguiba, son projet de société, sa politique d'éducation et la modernisation de l'économie du pays depuis l'indépendance, sont des préalables suffisants pour permettre à la Tunisie de s'inscrire sans gros dégâts, dans cette dynamique démocratique, nécessaire désormais, pour garantir un développement économique et social durable. Avec ces milliards partis dans des dépenses futiles, on aurait pu créer au moins 100.000 emplois pour secourir les désespérés de Sidi Bouzid et d'autres régions de l'intérieur. Aujourd'hui, notre patrie a besoin de tous ses hommes, y compris nous-mêmes, pour sortir de sa situation inextricable. Et si nécessaire, imitons les Occidentaux pour trouver des solutions au lieu de nous plaindre constamment sur notre sort, car les remords ne nous permettent nullement d'avancer. Dans tous les cas de figure, la Tunisie ne ressemblera plus jamais à ce qu'elle fut ces cinquante dernières années. Ajoutons à sa douceur de vivre légendaire, la paix civile, la méritocratie sociale et la volonté de réussir, la frugalité, la solidarité, l'amour de la Patrie... L'économie tunisienne montre, aujourd'hui, des indicateurs désastreux avec l'accroissement du chômage et de la précarité sociale. Pire encore, avec le terrorisme croissant, notre activité touristique et industrielle est compromise, malgré la reprise soutenue des exportations phosphatières. Les stratèges attendaient le succès du Dialogue national et de la fixation de l'agenda électoral pour rassurer les investisseurs étrangers et susciter de nouveaux IDE. Tout n'est pas perdu pour autant. Cela dépend de la classe politique, à commencer par Carthage, La Kasbah, Le Bardo et les partis politiques. En prêtant attention aux aspirations profondes des Tunisiens, en rabotant les ambitions partisanes et personnelles, en rétablissant la confiance sur la base de preuves tangibles et de garanties irréductibles, en renonçant à l'arrogance et à l'esprit dominateur, en interdisant les milices, en consolidant l'indépendance des appareils sécuritaire et judiciaire, en remettant le gouvernement entre les mains, essentiellement, de compétences indépendantes, en recentrant le rôle de l'Assemblée nationale constituante (ANC) sur sa fonction constitutionnelle et en limitant son mandat à une échéance très proche, l'amorce d'une sortie de crise aura alors toutes ses chances effectives. Bref, seul un véritable sursaut national, fondé sur l'esprit du consensus et hissant l'intérêt supérieur de la nation au-dessus de tout le reste, sera salutaire et salvateur pour le pays.