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La révolution tunisienne : du temps des cerises au temps des noyaux
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 04 - 03 - 2013


Par Ali HAMDI*
Il n'est pas besoin d'être un grand clerc pour dire que la Tunisie va mal. En revanche, il n'est pas facile de condenser en quelques lignes les problèmes, ne seraient- ce que les urgences que vit le pays. Eu égard à ces limites, je me proposerais de :
1- Faire un descriptif de la situation en quelques points focaux ;
2- Faire état des priorités les plus urgentes ayant un impact direct sur la vie sociale et économique ;
3- Proposer modestement une réflexion pour un début de redressement.
1- L'évidence des faits
Deux ans après la révolution, les retombées sociales, économiques et, dans une certaine mesure, politiques se font attendre. Tout pratiquement reste à faire. Pour faire court, je me limiterais à quatre points fondamentaux.
- La constitution, rouage refondateur d'un pays apaisé, tarde à venir, alors que le temps presse. C'est comme si l'ANC laissait le temps au temps. Par l'absentéisme de ses membres, les reports répétitifs des séances, les querelles de boutiquiers et les invectives personnelles, cette assemblée – avec tout le respect que je lui dois nous renvoie souvent l'image d'une cour d'école.
Aux balbutiements de cette instance de haut niveau décisionnel, s'ajoutent les relations par moments conflictuelles entre les trois Palais, les trois pouvoirs à la tête de l'Etat.
- Les partis politiques se livrent allègrement à une guerre de tranchées. Même les partis de la coalition qui sont à la barre. Ce spectacle de bassin à friture n'arrange pas les choses.
Les discours de l'excès, de l'outrage, de la démesure, de l'outrance, des surenchères et même de la menace ne font que plonger le pays dans le désordre et la paralysie.
L'esprit critique est certes un progrès. Mais la liberté sans ses corollaires de responsabilité et d'autodiscipline porte atteinte à l'intérêt national. La démocratie n'est belle et n'est porteuse d'avenir que lorsqu'elle est apaisée et sereine.
- L'insécurité se répand, les pulsions destructrices se propagent, l'esprit de corps et les contentieux tribaux ressurgissent. Plus inquiétant encore, certains partis sous-traitent, semble-t-il, la violence politique. Tout cela s'accompagne le plus souvent d'impunité. L'assassinat de Chokri Belaïd a provoqué une onde de choc dans le pays. Peut-être susciterait-il un sursaut sécuritaire ? Car, hélas, il n'y a rien de mieux que ces phénomènes pour conduire le pays au choc social ; ce qui mettrait en échec le projet démocratique. Car la liberté ne peut s'exercer pleinement que dans la sécurité physique.
- L'économie peine à redémarrer. Les problèmes qu'elle traverse demeurent entiers. D'où la baisse des investissements, l'insuffisance de la croissance et le déficit en créations d'emplois. Ces difficultés économiques sont aggravées par les grèves, les sit-in, les différentes formes de chantage .... Et les augmentations massives et mal étudiées des salaires.
De tout cela, résultent deux constats essentiels :
Au niveau national, un hiatus de plus en plus grand entre la Tunisie politique et pensante et la Tunisie crispée et souffrante. La Tunisie réelle perd ses repères. Elle va à vau-l'eau, tel un bateau ivre. Traduction : l'opinion nationale se méfie, s'interroge et doute ; la crédibilité de l'Etat recule et s'effiloche ; la grogne sociale ne retombe pas ; la société se fracture et l'économie s'englue dans les difficultés.
Au niveau international, ces problèmes renvoient une image écornée du pays. Notre capital de sympathie est raboté et notre capital de confiance est rogné.
Forcément incomplet, ce raccourci succinct rappelle une fois de plus l'extrême gravité de la situation et l'impérieuse nécessité d'en sortir rapidement. Il y va de l'avenir du pays qui doit être au-dessus des intérêts partisans et des destins personnels des chefs.
2- Deux priorités fédératrices :
Dans cette Tunisie à l'épreuve de la liberté, nous sommes nombreux à le relever, la raison a du mal à se faufiler dans l'amoncellement des discours. Mais au-delà des paradigmes de pensée et des clivages politiques et devant l'urgence des problèmes, ne sommes-nous pas une majorité dans ce pays à partager au moins deux vérités fédératrices ?
1- N'avons-nous pas en commun la nécessité de redonner confiance à la société, réactiver ses potentiels de création, réarmer sa volonté de dépasser ses souffrances et d'aller de l'avant, et ce faisant, raviver l'espoir en chacun ? Cela implique nécessairement que l'on travaille ensemble de temps en temps et que l'on agisse prioritairement et de manière déterminée sur le chômage, les disparités sociales et le développement local et régional. Ces lignes d'action doivent faire partie clairement d'un modèle de développement réajusté : plus fortement inclusif, résolument participatif, spatialement plus équilibré, socialement plus équitable et stratégiquement durable. Si l'on prend de la hauteur, il n'y a pas plus urgent que ce dossier. Car à partir d'une certaine ampleur, les disparités sociales et les écarts territoriaux deviennent désocialisants. Ils détruisent ainsi le sentiment d'appartenance, les valeurs de la citoyenneté et même les valeurs démocratiques. Qu'on ne s'y trompe pas.
Au-delà des libertés formelles, les gens revendiquent plus fortement des droits réels. Pour répondre à ces attentes, il faut parler peu et écouter beaucoup pour bien agir.
Le grand art en politique, ce n'est d'entendre ceux qui parlent (une minorité), mais plutôt ceux qui se taisent (une majorité).
Sauf à continuer à considérer le peuple, pourtant source de légitimité, comme un éternel mineur. Tout juste une variable d'ajustement électoral. Sans plus.
2- N'avons-nous pas en commun la nécessité de redonner confiance aux opérateurs économiques nationaux, aux investisseurs étrangers, aux marchés et aux bailleurs de fonds ? Malgré les timides signes de reprise, l'économie tunisienne n'est pas sortie du rouge. Certes les données économiques et sociales sont largement controversées. Mais ce qui est certain cependant, c'est que la croissance peine à repartir. Elle se situe, selon les sources, entre 2,7 et 3,6%. Elle est insuffisamment créatrice d'emplois. De même qu'elle est fragile et non soutenue du fait qu'elle est tirée artificiellement durant cette période par la revalorisation des salaires et les recrutements abusifs dans le secteur public.
D'autres paramètres mettent également l'économie en difficulté :
Les tendances haussières du déficit budgétaires (8,2 %), l'endettement extérieur (48%) et l'inflation (5,9%).
Pour une économie tournée vers l'exportation, l'inflation non maîtrisée ruine l'activité économique et aggrave par conséquent le déficit en création d'emplois. D'où un chômage qui caracole à près de 17%.
A ces facteurs économiques, s'ajoutent les facteurs politiques. L'absence de visibilité économique et de solutions à apporter aux affaires en contentieux freinent l'investissement et les initiatives et paralysent gravement l'économie nationale.
Sur le plan international, ces difficultés économiques, sanctionnées par les dégradations successives de la note souveraine, grèvent lourdement la crédibilité de l'économie tunisienne.
D'où l'accès de plus en plus difficile et de plus en plus cher au financement sur les marchés de capitaux.
Par ailleurs, il faut se rendre bien compte qu'en somme, l'économie n'est pas propulsée uniquement par des forces matérielles, mais également par des forces symboliques. D'où la nécessité de la jonction entre les ressorts économiques et les ressorts psychologiques. Dans un pays déprimé, l'économie ne marche pas. C'est dire encore une fois l'importance de la confiance en matière économique.
3- Des actions prioritaires à sublimer
Pour redresser cette situation, il faut d'urgence des politiques intégrées pour une stratégie d'avenir. Cette stratégie doit indiquer le sens, tracer les finalités, rassurer les acteurs économiques et sociaux, inculquer les schémas positifs d'attitude; c'est ainsi qu'on place la société en tension vigilante en lui assurant le maximum de visibilité.
Parce qu'elle bannit les peurs, le pessimisme, les replis, les cloisonnements et les violences sociales, une telle stratégie rassure, stimule, mobilise, ouvre des perspectives et met en mouvement les synergies pour des choix collectifs.
Le lien économique est tout aussi fondamental que le lien social. C'est à ce titre qu'il faut sortir de l'ambiguïté et de la méfiance et indiquer clairement la centralité du secteur privé dans le processus de développement en restaurant un climat d'affaire favorable, des relations de confiance réciproque entre l'Etat, le patronat et les syndicats.
Dans le même ordre d'idées, cette stratégie économique doit également englober une pédagogie de conciliation entre la société et le secteur privé. Là-dessus, le rôle du gouvernement est d'encourager les réussites personnelles par le travail au grand jour, les initiatives, les talents, la prise de risque et d'en favoriser l'exercice. Ce sont ces besoins d'affirmation et de dépassement qui ont constitué les ressorts profonds des progrès humains.
Au-delà des valeurs politiques et des valeurs sociales, la société démocratique et aussi des valeurs économiques.
Au fond, la nature des sociétés de progrès et la nature humaine de manière plus générale sont ainsi faites.
Ces différents éléments sommairement évoqués permettraient de sublimer, au-delà des divergences politiques, un choix de société et une gouvernance au centre prenant appui sur trois fondamentaux:
- D'abord une société moderne, démocratique consensuelle sur l'essentiel et ouverte sur le monde ;
- Ensuite, une économie sociale de marché, concertée, régulée et encadrée par l'Etat permettant la promotion et l'accompagnement des initiatives et des excellences, et le développement des nouvelles solidarités.
- Enfin, une économie au service de la société ayant pour finalité suprême le progrès de l'homme dans toute sa plénitude.
Ayant à l'esprit l'expérience sociale-démocrate de l'Europe du Nord, une telle gouvernance au centre permettrait l'instauration d'un principe triangulaire de confiance réciproque : Etat/ patronat/ syndicats. Ainsi, la démocratie avec son volet social et son volet économique n'en sortirait que grandie.
Pour finir, il faut admettre que les élucubrations, les surenchères et les illusions d'optique ne font que nous éloigner des solutions souhaitables et réalistes. De nous faire passer – à Dieu ne plaise — du temps des cerises au temps desnoyaux.
Pour remettre le pays en mouvement, on n'a pas besoin de surhommes, mais d'hommes sûrs. Et disons, comme Jacques Cœur il y a plus de six siècles : «A cœur vaillant, rien d'impossible».
*(Sociologue)


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