Après le fiasco mondialiste de l'équipe de Tunisie, la cohésion de façade de l'équipe fédérale s'est profondément fissurée Sous les coups de boutoir de l'autorité de tutelle, l'équipe de Wadii El Jary ne présente plus l'image d'un effectif homogène et capable de se serrer les coudes dans les moments difficiles. Evitons d'abord tout quiproquo : cette fédération est sortie des urnes en mai 2012 et traduit bon an mal an le choix des clubs. Pourtant, si elle n'a rien usurpé, elle n'en accuse pas moins de graves carences parfaitement illustrées par une série de K.O. retentissants (Can 2013, Chan 2014 et Mondial du Brésil). Ce bilan lourdement déficitaire et clairement accablant aurait en d'autres circonstances largement suffi pour faire chuter de son piédestal le staff fédéral. Naguère, du temps de l'omnipotence du pouvoir politique et de l'ingérence à tout bout de champ du ministère de tutelle, de B.F. aurait sauté dans la foulée de la débâcle du stade Ahmadou Ahidjo. Si ce n'est plus le cas aujourd'hui, c'est tout simplement parce que la Fédération internationale veille au grain et surveille de près toute incartade des pouvoirs publics. Elle avait déjà d'une certaine façon désavoué la malheureuse initiative du ministère qui voulait sonder l'instance faîtière du foot mondial au sujet d'une éviction de l'équipe d'Al Jary. On se rappelle l'effet boomerang suscité par une telle démarche. Mais depuis Yaoundé, que d'eau a coulé sous le pont de la fédé installée à El Menzah! Certains fédéraux étaient sortis des rangs. Sur le ton de la confidence, ils appellent à une démission collective qui débloquerait une situation de plus en plus tendue, estimant que l'intérêt du foot national serait de partir. «Autrement, le sport-roi subirait les contrecoups d'une subtile politique d'asphyxie pratiquée par le ministère qui fermerait le robinet par lequel sont financées les activités des sélections, des centres de formation, des arbitres... Nous ne pourrions pas résister dans un tel contexte cela est impossible», avertissent de plus en plus de fédéraux. On peut, par conséquent, imaginer à quel point le comité exécutif de la FTF se trouve actuellement décimé et divisé quant à l'attitude à observer dans l'immédiat. «Une force destructrice» Revenant à la charge, la tutelle entend porter l'estocade finale. Elle a visiblement prôné le durcissement en avouant clairement que si cela devait passer par une sanction du foot tunisien par la FIFA, elle était prête à en assumer le prix. Tarak Dhiab admettait avant-hier sur le ton du défi : «Si je dois choisir la réforme du système du foot avec le gel des activités, je suis pour les sanctions de la FIFA». Le ministre des Sports ne mâche plus ses mots; d'ailleurs, cela fait déjà un certain temps qu'il a tiré à boulets rouges sans gêne ni retenue : «Le Bureau actuel représente une force destructrice qui refuse la réforme du foot(...) son président œuvre plus contre le ministre des sports que pour le foot». Clair et net : la guerre est déclarée. Chaque jour ajoute à l'incompréhension entre les deux parties. Arc-bouté contre sa légitimité institutionnelle, le bureau d'El Jary a promis d'examiner dans sa prochaine réunion s'il devait ou non passer le témoin, s'il assumait une quelconque responsabilité dans la déliquescence technique de l'équipe de Tunisie. Celle-ci va observer de fait une pause de réflexion qui touchera l'ensemble des volets d'un foot malade de réformite. Ce n'est pas au fond la première fois que l'on appelle, dans un accent unanimiste, à procéder à une «profonde réforme». Pourtant, le nœud gordien, ce sont des mentalités anachroniques, un certain pathos qui ouvre la voie, sans scrupules, à une bataille sur les primes la veille même d'un match décisif pour l'avenir de ce sport. A l'issue duquel, celui-ci, saigné à blanc, perd stupidement le bénéfice non négligeable de la manne financière du Mondial. Une prime vitale pour sa survie.