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A la recherche des temps perdus
Restauration du waqf en Tunisie
Publié dans La Presse de Tunisie le 26 - 11 - 2013


Par Abdelhamid LARGUÈCHE
Restaurer le waqf ou Habous, aboli depuis 1957 dans la foulée de la décolonisation, voici une proposition qui interpelle l'histoire et le présent, le droit et la société.
Le waqf, cette vieille institution qui a traversé les siècles en Tunisie et dans l'ensemble des pays d'Islam, appartient au passé, tout simplement parce qu'elle ne répondait plus aux objectifs initiaux pour laquelle elle fut adoptée.
Qu'est-ce que le waqf ? Tout simplement un acte par lequel un dignitaire décide de constituer une partie (ou la totalité) de son patrimoine en un bien inaliénable pour affecter son produit au bénéfice d'une œuvre sociale ou de culte.
Etait donc une noble institution qui répondait aux besoins croissants des sociétés d'Islam en Orient comme au Maghreb, mais pas uniquement, puisque les fondations pieuses à vocation publique étaient connues dans le monde chrétien dès l'époque byzantine.
Waqf public et waqf privé
C'est ainsi que les édifices publics dans les grandes Cités d'Islam, du Caire à Kairouan et de Tunis à Istanbul, ont pu être entretenus. Mais pas uniquement, ces œuvres pieuses avaient servi à secourir les pauvres et les malades, à subvenir aux besoins des étudiants et des imams des mosquées. La société tunisoise garde encore la mémoire de Aziza Othmana, petite-fille de Othman Dey, et qui constitua, vers la fin du XVIIe siècle, ses biens acquis en héritage en Habous au profit de plusieurs œuvres dont le «Maristan» de Tunis (Hôpital).
Mais, au cours des siècles, l'institution a changé, surtout avec l'irruption des Habous privés par opposition aux Habous publics. Les écoles juridiques en Islam ont fini par admettre que le waqf pouvait être constitué au profit de la descendance du constituant et ce jusqu'à extinction de cette descendance pour que les rentes de ces biens soient ensuite réaffectées au profit des œuvres sociales ou pieuses désignées dans l'acte initial.
Une véritable généralisation du waqf privé s'ensuivit avec le déploiement de stratégies sociales et familiales des plus insolites. Détournement des règles successorales habituelles pour privilégier des héritiers (les mâles) et exclure d'autres (généralement les femmes), souci de conserver les patrimoines familiaux intacts au risque de les immobiliser et de les stériliser.
Dans le monde rural, si la pratique du waqf a fonctionné chez les communautés villageoises et tribales comme une forme de défense des territoires occupés contre les confiscations et exactions des pouvoirs successifs, les réalités montrent que les grands domaines (des centaines de milliers d'hectares en Tunisie) constitués en Habous mixtes (généralement au profit d'un saint local et de ses descendants) ont maintenu les populations occupantes dans un statut de précarité et de dépendance sans pour autant alléger le poids des prélèvements des pouvoirs sous des formes multiples.
Au fil des ans, le Habous était devenu synonyme de sous-exploitation des biens urbains et ruraux, de mauvaise gestion, d'une bureaucratie improductive et nonchalante, les administrateurs des Habous (muqaddim et nadhir). Plusieurs, parmi les princes éclairés étaient tentés de déclasser tel ou tel bien constitué en Habous et devenu sétrile et anti-productif.
L'invention des contrats d'enzel (location à bail) ou de muawadha (échange d'un bien habous contre un autre libre) ou encore le contrat de mugharassa (coplantation) ont servi à faire bouger cet énorme glacis qu'étaient devenus les terres et biens de mainmorte.
En 1858, avec la naissance de la municipalité de Tunis, le bilan des Habous était lourd, celui dressé par les premiers présidents des conseils ; Kheireddine trouva une première solution pour en assainir la gestion et rentabiliser ce patrimoine en créant l'administration des Habous en 1874 (Jamiyyat al-ahbas). Malgré un effort soutenu pendant les premières années de l'administration.
Le général Hussein, président du conseil municipal, dressa lui aussi un lourd bilan de l'état de la ville de Tunis, non seulement du point de vue de l'hygiène et de l'insalubrité, mais aussi sur l'état du bâti, il organisa le premier recensement des bâtiments de la ville en dénombrant les ruines et en mentionnant les causes de cet état : au centre de cet état, les biens waqf dont la plupart mal entretenus sont devenus une plaie, un fardeau pour la cité, c'est à ce moment qu'il proposa de généraliser la pratique de l'enzel ( la location des biens ) afin de dynamiser la vie urbaine.
Quelques années plus tard Kheireddine prit l'initiative de réorganiser les Habous, en créant l'administration des Habous (Jamyiyyat al-ahbas en 1874) ; ainsi est entamé progressivement le mouvement qui allait mettre sous la tutelle de l'Etat un secteur qui échappait auparavant à tout contrôle rationnel.
La période coloniale sera dure et décisive pour le système du waqf dans son ensemble.
Tout d'abord la colonisation agricole va s'en servir pour mettre des terres à la disposition des colons ; pour cela l'administration du protectorat va user des possibilités qu'offrait le droit tunisien du waqf, notamment la clause du enzel qui fera l'objet d'interprétation assouplie pour racheter les terres à la colonisation ou bien directement auprès de la jamiyya.
En quelques années, des centaines de milliers d'hectares sont transférés au profit de la colonisation agricole. Mais le plus important se situe à un autre niveau.
En quelques décennies, l'agriculture coloniale a complètement bouleversé le paysage rural et agricole en Tunisie. Un secteur nouveau est né : la ferme coloniale, hautement mécanisée, à fort rendement avec les apports en engrais et techniques nouvelles, se dressait face à un secteur devenu traditionnel, sous-développé, souvent sans statut foncier défini, exploité de façon primaire, surtout s'il participait du régime des Habous.
C'est ainsi que les élites nationalistes commencèrent à découvrir les véritables maux dont souffrait le monde rural traditionnel.
De son côté, l'administration des Habous se rétractait dans une attitude défensive, multipliait les déficits et voyait sa bureaucratie gonfler et ses recettes s'affaiblir au rythme lent de la vie de ses protégés.
Le mouvement national avec ses novelles élites politiques, culturelles et syndicales va poser la question de la lutte anticoloniale en des termes nouveaux, ce n'était plus la résistance de la tradition contre le conquérant qui était à l'ordre du jour, mais bien celle de l'émancipation nationale au nom des valeurs nouvelles, celle de la lutte contre la misère et le sous- développement.
Profitant de la nouvelle législation relative aux associations, les membres éclairés de l'élite tunisienne commencèrent à fonder dans les grandes villes, et surtout à Tunis, des sociétés de bienfaisance et de solidarité sociale. Les Habous des zawiyas et ceux publics tombaient en ruine et la société inventa de nouveaux cadres et instruments de solidarité : al-jamiyyat al-khayriyya (associations caritatives).
Le vaste mouvement associatif où j'inclurais le mouvement syndical tunisien dès sa naissance avec Mohamed Ali Hammi et son idée géniale des coopératives et mutuelles, ce mouvement était l'une des composantes de base du mouvement national dans son acceptation culturelle la plus large.
C'est ainsi que le concept même d'Etat social apparut comme une dimension immanente de la pensée réformiste moderne et une option inscrite dans la logique même de la décolonisation.
Ce que l'Etat colonial a tenté de faire à une grande échelle, en transformant le soldat en laboureur en Algérie, et le colon en fermier moderne en Tunisie, l'Etat de l'indépendance va le tenter en libérant la terre des Habous pour faire du jeddari (occupant précaire) un paysan propriétaire capable d'y investir techniques nouvelles et travail.
Contradictions cumulées
C'est à mon avis le sens qu'il faut donner à cette première grande réforme des structures agraires ; libérer la terre de toute contrainte qui empêche le paysan de la transformer tout simplement parce qu'il ne la possédait pas.
Dans la ville, la liquidation des Habous privés et mixtes insufflait une nouvelle dynamique urbaine. Déjà, lors des premiers recensements des biens urbains fait à la suite de l'abolition de 1957, la plupart des zawiya, mesjed, ou medersa et fondouk des waqf étaient de fait occupés par des familles issues de l'exode ou d'artisans paupérisés. L'institution de la zawiya agonisait déjà bien avant la nationalisation des ses biens.
Le waqf était en voie d'extinction et la loi n'a fait que sanctionner une marche irrésistible d'une société qui formulait un nouveau projet.
La fin des Habous n'était pas un simple acte volontariste ou à caractère idéologique, elle était inscrite au même titre que le Code du statut personnel, ou la généralisation de l'enseignement moderne ou la prise en charge de la santé, de l'éducation, et du social par l'Etat nouveau, l'Etat-Nation au sens moderne.
Mais par définition, l'Etat-Nation est dirigiste parce qu'il a une vocation développementaliste.
Et c'est dans ce sens que l'Etat a besoin de reconnaître aujourd'hui à la société ses droits, non seulement la démocratisation du politique mais aussi du juridique.
Mais ce n'est surtout pas en restaurant une institution morte que nous réussirons à réactiver une culture de la solidarité sociale. La proposition de loi telle qu'elle est présentée condense toutes les contradictions cumulées à travers les âges : légiférer en même temps pour les habous publics qu'en faveur de ceux privés (qui constituent un détournement de la vocation première du Habous), instituer le Habous et permettre de le grever des fameux enzel et mughrassa (législations tardives censées en atténuer les inconvénients), cela est tout simplement anachronique.
Un vide juridique est lisible aujourd'hui. Mais que faire pour combler ce vide, revenir à l'ancien régime ? Je crois que le droit qui a servi à réformer l'état beylical, ensuite à construire l'Etat-Nation est à même de nous orienter pour redonner à la société son droit d'initiative autonome. La «fondation» au sens moderne qu'elle soit à but caritatif, d'assistance ou de promotion de toute autre initiative est la voie possible et souhaitable pour faire avancer la société vers plus de liberté, de justice et de rationalité.


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