Par Hamma HANACHI Les secrets de fabrication des livres ont été explorés, publiés dans les journaux littéraires, dans les revues spécialisées, à la radio et à la télévision. Dès le début du XIXe siècle, les mémoires, les carnets fusent, les uns parlent de leurs soucis de santé, reprennent les méchancetés sur leurs collègues. Jules Renard (1864-1910)) décrit les écrivains de son époque avec aigreur et mépris, il évoque ses difficultés de terminer un texte, le traumatisme, l'abattement, le désespoir «j'arrache avec mes ongles des cailloux polis: je ne construirai jamais rien» (Journal). Les flèches de Paul Morand (1888-1976) contre ses contemporains sont venimeuses, d'autres parlent de leurs difficultés financières, du désintérêt des éditeurs, les reproches de Céline à Gallimard sont éloquents, les ennuis rencontrés pendant et après l'écriture. Les lecteurs de toutes catégories aiment à savoir ce qui se passe dans la tête des écrivains qui décrivent leur ville, les rivières, la campagne, les odeurs de la terre où ils habitent, leurs parents, enfin tout ce qui est utile à leur roman et au développement de leurs histoires, leurs problèmes, leur logements, leurs angoisses. Le lecteur veut s'assurer en somme que ceux qui nous transportent, nous font rêver ou pleurer sont comme nous : des humains. Le journal donne des éclairages, il occupe les biographes, Georges Simenon par Pierre Assouline en est un fameux exemple. La télé, toujours à l'affût de ce qui fait le succès d'un auteur, s'est forcément intéressée au phénomène, s'en est emparé. François Busnel, producteur et animateur de l'émission littéraire La Grande Librairie, stimulé par son succès des «Carnet de voyages» réalisé aux Etats Unis, quitte de nouveau son studio et nous invite à un autre voyage moins lointain, aussi excitant. Il prend tout le monde à bord pour une escapade en Angleterre. L'animateur s'évertue à nous faire voyager dans les romans, il aime également voyager dans les pays où vivent les auteurs qu'il choisit, et nous les fait découvrir dans leur environnement, dans leur gîte. En Angleterre, il a choisi la crème des auteurs vivants, direction les Cotswolds pour commencer où l'attend Ian McEwan, (plusieurs prix). Très affable, il ne ressemble pas aux personnages de ses romans où le sordide le dispute à la cruauté. L'interviewer demande la source d'inspiration et le secret des énigmes, l'auteur répond qu'il n'était pas préparé à l'écriture, il a vécu hors de l'Angleterre, fils d'officier, il a notamment vécu en Libye, en Allemagne, pas de livres à la maison, pas de musique savante, mais il reçut une éducation convenable. Besoin de lire, d'écrire, de transmettre. Suivent des romans qui se rapprochent du policier, simulacre, énigmes et les ingrédients qu'il faut. Liverpool, rencontre avec Jonhatan Coe (Testament à l'anglaise, prix Fémina étranger 1995, La pluie avant qu'elle tombe), qui l'amène à Newport, maisons cossues, une balade au cimetière où est enterré son grand-père, une halte devant la tombe, une réflexion «Je pense que le rôle de l'écrivain est d'écrire le meilleur livre qui soit pour aider le lecteur à penser plus librement, pour proposer une alternative à tous les discours qui existent, politiques ou journalistiques». Dans les Middlands, l'animateur nous fait rencontrer David Lodge, un grand auteur à suspense qui invente des histoires à tiroirs. Question de Busnel : «Y a-t-il de la vanité chez l'écrivain ?». L'auteur de la trilogie Changement de décor, Un petit monde, et Jeu de société, un peu hésitant, répond «Je crois qu'il y a quelque chose de vaniteux, sinon comment expliquer que parmi toutes les productions artistiques, le roman est le plus épuisant par le nombre d'heures qu'il exige. Pour offrir à quelqu'un le plaisir et la satisfaction de dix heures de lecture, cela peut demander deux, sinon trois ans de travail». Brusnel continue sa route, une halte Stratfort-Avon, ville de naissance de William Shakespeare, des librairies côtoient des commerces divers, pâtisserie, magasins de jouets, fleuristes ...tous portent le nom du plus célèbre poète, dramaturge, écrivain anglais. Cocasse. Quatrième écrivain rencontré, Graham Swift (J'aimerai tant que tu sois là), qui nous emmène à l'île de White, embruns et vagues, immeubles face à la mer, lui il a lu, beaucoup lu, apprécié et admiré les écrivains, parce que, enfant, il n'a pas connu la télévision, dit-il, son seul divertissement était la lecture et la radio. Il conclut «J'aimais ce matériau magique que je trouvais dans les pages et, pour je ne sais pas quelle raison, je me suis dit: «Ce serait formidable d'être l'un de ces magiciens qui produisent cela... ».