Encore une fois, les magistrats tunisiens ont décidé d'observer, à partir d'aujourd'hui, une grève générale de trois jours dans tous les tribunaux du pays. Ce débrayage intervient en réaction au refus du pouvoir politique d'avaliser le mouvement du corps des magistrats opéré en décembre dernier, et ce, pour le motif que la composition de l'Instance provisoire de l'ordre judiciaire ne serait pas en parfaite harmonie avec la loi. D'après Mme Raoudha Karafi, récemment élue à la tête de l'Association des magistrats tunisiens (AMT), le problème vient d'une intervention inadmissible du ministère de tutelle, qui s'est traduite, le 14 octobre dernier, par un mouvement parallèle, opéré partiellement dans le corps des magistrats, ce qui est contraire à la loi de ladite instance et à celle organisant les pouvoirs publics: « Sans justification aucune, monsieur le ministre de la Justice a dépassé toutes les limites, en procédant à la mutation des deux magistrats membres de l'instance, le président du tribunal foncier et l'inspecteur général». Aujourd'hui, avec cette mainmise politique préjudiciable à l'intégrité du corps et à l'indépendance de la profession, le ministre de la Justice, a-t-elle déclaré, continue de faire pression sur les magistrats pour les dissuader d'accepter les résultats du mouvement judiciaire opéré dernièrement au cours du mois écoulé. Voilà les raisons d'une grève qui coïncide avec le départ imminent du gouvernement démissionnaire. C'est ce qu'a déclaré, de son côté, Mme Raoudha Laâbidi, présidente du syndicat des magistrats tunisiens (SMT) lors d'une conférence de presse tenue hier matin à Tunis. Elle a estimé qu'il n'est pas si fructueux d'observer une grève en pareil contexte, alors que le gouvernement en place s'apprête à plier bagages. Tout en formulant quelques réserves au sujet de cette grève décrétée par l'AMT, elle a fait remarquer qu'une telle décision nécessite la présence d'une partie prenante dans la négociation. Ce qui n'est pas tout à fait le cas. Et d'ajouter : «On se trouve aujourd'hui face à un gouvernement partant qui a perdu malheureusement toute confiance». Mais, malgré ces réserves, a-t-elle encore affirmé, le syndicat n'a pas l'intention de mettre des bâtons dans les roues. Le SMT n'est pas un casseur de grève, pour ainsi dire. Elle insiste au contraire sur la persévérance du militantisme et du combat afin de gagner la bataille de l'indépendance de la justice.