Par M'hamed JAIBI Le futur gouvernement Jomâa, s'il arrive à confirmer sa vocation d'équipe réduite, efficace et indépendante, et s'il obtient effectivement la confiance de l'Assemblée, conformément aux accords du Dialogue national, se devra de ménager ses interventions prioritaires pour ne pas éparpiller les maigres ressources dont dispose l'Etat en ce début d'exercice 2014, suite à la suspension des nouvelles taxes et aux appréhensions entourant d'autres dispositions fiscales prévues par la loi de finances. Ce gouvernement à vocation consensuelle est appelé, en tout premier lieu, à rétablir la confiance. Confiance du peuple en sa classe politique, confiance réciproque entre les différentes forces politiques et sociales, confiance des bailleurs de fonds, des investisseurs, des entreprises et des citoyens en l'Etat et en l'avenir. Pour ce, il se devra d'éradiquer d'emblée toute défaillance en matière de sécurité et tout laxisme en matière de lutte contre le terrorisme, le trafic d'armes et la contrebande. Une entreprise qui exigera, à la fois, un contrôle effectif de la situation dans les départements concernés et le recueil de l'adhésion des forces sociales majeures, des régions, des professions, des réseaux associatifs et de l'ensemble de la société civile. C'est seulement s'il s'adosse à un véritable consensus actif autour du Quartet et des partis engagés dans la feuille de route, que le futur gouvernement pourra rétablir la discipline sociale et rehausser la production, donnant ainsi corps à un nouveau contrat social impliquant toutes les énergies actives du pays et bénéficiant de la bienveillance des observateurs étrangers. Ainsi pourra redémarrer la production de phosphate et se normaliser la vie dans les régions minières. Ainsi les ports et les frontières pourront jouer convenablement leur rôle. Ainsi les porteurs de projets croiront de nouveau à leurs chances et les salariés cesseront d'avoir cette peur de l'avenir qu'a suscitée en eux l'exacerbation des luttes idéologiques, la montée de la violence, le marasme économique, la flambée des prix et la crise financière. C'est seulement s'il arrive à réussir cette amorce d'un climat social propice bien sécurisé que Mehdi Jomâa et son équipe seront en mesure de se parer de la crédibilité indispensable à un véritable renflouement du pays. Car c'est seulement alors que l'argent montrera de nouveau le bout de son nez et que l'investissement sera de nouveau à l'ordre du jour, qu'il soit local ou en provenance de l'étranger. Mais, à supposer que cette amorce favorable fonctionne, cela voudra-t-il dire que notre économie va carburer à fond, que les régions vont se développer, que les chômeurs vont travailler ? Que nenni ! Parce que ce gouvernement de compétences n'est pas prévu pour durer et que la relance n'est malheureusement pas une affaire de quelques mois. L'apport que l'on attend du gouvernement Jomâa, c'est de rétablir le pays dans un fonctionnement correct et de donner ses chances à une approche consensuelle qui puisse réhabiliter la cohabitation pluraliste et donner corps à une édification démocratique viable. Du temps de Ben Ali, malgré les méfaits de «la famille», la croissance de notre économie nationale se situait autour des 5%, et l'on estimait qu'il était indispensable de gagner deux points de croissance au moins pour garantir le plein emploi. Depuis la Révolution, tant de points de croissance sont partis en fumée. Il s'agit maintenant de remettre la machine en marche sans trop de prétentions mais dans les normes. Pour être en mesure de reconquérir les cœurs des investisseurs, des banquiers, des institutions financières internationales et des touristes du monde entier. Et d'abord, les cœurs des Tunisiens de tout bord, autour de ce projet ancestral de modération, de convivialité et de juste milieu qu'a toujours porté notre pays.