Les constituants persistent dans leurs désaccords, allant jusqu'à renier les compromis convenus Finalement, les constituants sont revenus, hier après-midi, à de meilleurs sentiments et ont repris la discussion du projet de la Constitution. Ce retour intervient à la suite de la grande polémique ayant opposé, lundi soir, les constituants du bloc démocratique à ceux de la Troïka sur l'article 103 relatif à la désignation des hauts responsables au ministère de la Justice par le pouvoir exécutif ( le ministre de la Justice sur proposition du Conseil supérieur de la magistrature). L'article de la discorde a été relégué à la réunion des chefs des groupes parlementaires pour en décider. L'article 103 étant jusqu'ici bloqué. Et comme pour ramener le calme dans l'hémicycle et imposer l'apaisement, Mustapha Ben Jaâfar a repris son poste à la tribune pour diriger les débats, comme si Meherzia Laâbidi appelée la veille par Samia Abbou à céder sa place à un responsable plus expérimenté, avait réellement failli à sa mission bien qu'elle ait défendu sa position bec et ongles, estimant à plusieurs reprises qu'elle n'a fait qu'appliquer le règlement intérieur de l'ANC. La justice militaire en débat Hier, le volet relatif à la justice militaire a accaparé l'attention des constituants entre ceux qui considèrent que cette justice reste exceptionnelle et qu'il n'y a pas lieu qu'elle soit constitutionnalisée, d'une part, et ceux, à l'opposé, qui acceptent l'article 107 (relatif à la création des tribunaux) mais désirent y introduire quelques rectificatifs comme par exemple le terme «crimes militaires» et son remplacement par le terme «crimes ayant un rapport avec les affaires militaires». Au moment où l'on s'apprêtait à passer au vote après avoir écouté les avis pour et les avis contre les amendements à introduire sur les articles en question, Sahbi Attig, chef du groupe parlementaire d'Ennahdha, soutenu par Mohamed Hamdi, président du groupe de l'Alliance démocratique, a demandé la levée de la séance pour consultation. Retour mouvementé au bout de 30 minutes de discussions et peut-être d'accords derrière les caméras de la télévision et à l'abri des regards des journalistes. Larbi Abid, deuxième vice-président de l'ANC, ayant remplacé entre-temps le Dr Ben Jaâfar, tentait tant bien que mal de faire reprendre le dialogue. Habib Herguem, le premier à prendre la parole, s'est élevé contre les «pressions des magistrats qui menacent de débrayer pour nous obliger à adhérer à leurs exigences excessives, exigences auxquelles les constituants ne se plieront jamais». Khemaies Ksila (Nida Tounès) revient aussitôt à la charge pour dénoncer : «Les constituants démocrates ne permettront jamais que les magistrats et leur association soient humiliés par quiconque. Nous avons tous souffert et il n'est pas question de promouvoir une justice à la solde d'un parti». Enfin, l'amendement de l'article 107 est rejeté. L'article 108 passe à la loupe pour que les constituants insistent sur l'exécution des jugements rendus par les différents tribunaux, plus particulièrement ceux émanant de la justice administrative. Pierre d'achoppement de l'ensemble du système judiciaire, la non-exécution des jugements demeure toujours de mise. Le pouvoir judiciaire a-t-il les moyens d'assurer le suivi de l'application des jugements qu'il rend ? La question est posée. Malheureusement, personne ne pouvait y répondre. Beaucoup de rectifications ou d'améliorations des dispositions de l'article 108 ont été avancées et on s'est retrouvé face à une joute juridique complexe et compliquée sur les réelles causes qui sont derrière le blocage de l'application des jugements. Tous ont insisté sur l'essence même de la justice dont la consécration réside en l'application des jugements. Seulement, les joutes oratoires n'ont rien proposé de concret pour que justice soit faite et que les justiciables accèdent effectivement à leurs droits. Le vote a abouti au rejet de l'article 108 puisque 119 ont voté contre. Une décision qui a suscité la colère du constituant Mabrouk Hrizi, rapporteur adjoint de la Constitution, qui estime que «les compromis convenus n'ont pas été respectés et qu'en agissant ainsi, les constituants n'envoient pas de messages rassurants à l'opinion publique». L'ANC reprend aujourd'hui, mercredi 15 janvier, ses travaux pour la poursuite de la discussion du projet de la Constitution. En parallèle, la commission des compromis et les chefs des groupes parlementaires se réunissent de nouveau.