La salle de cinéma Le Rio a accueilli, mercredi dernier, l'avant-première des deux derniers films signés Exit productions. La projection a ainsi inclus le court-métrage Précipice de Nadia Touijer, suivi du long métrage documentaire Hecho en casa (fait maison) de Belhasen Handous. Née en 2005, Exit compte déjà à son actif «12 films en tous genres et de toutes durées dont plus de la moitié sont soit totalement auto-produits soit des premiers films », comme l'explique le communiqué de l'évènement. La société se veut de plus «aux avant-gardes d'une expression cinématographique singulière et novatrice en misant sur une totale liberté de création, de point de vue et de forme». Cela fait que ses films sont à chaque sortie très attendus par les cinéastes et les cinéphiles à la fois. Le Rio en était d'ailleurs plein pendant la projection de Précipice et de Hecho en casa. Rupture et continuité Introduits par l'universitaire et critique de cinéma Ikbal Zalila, les deux réalisateurs ont pris la parole pour présenter leurs films au public avant de lui faire découvrir les images. Nadia Touijer, monteuse de formation, signe avec Précipice (19') son troisième court métrage, après le documentaire Le refuge (2003) et la fiction Traversée (2008). Précipice vient marquer à la fois une rupture et une continuité. Après Le refuge qui est filmé au cimetière du Jellaz et donc en ville, et Traversée dont l'action se passe entre Tunis et sa banlieue, Précipice s'installe dans un milieu rural du Sud tunisien, un village où l'on distribue des moutons pour l'Aïd. Touhami et Mongi sont les derniers de la liste et se retrouvent avec un seul mouton à partager. «Ne se connaissant pas, les deux hommes empruntent des routes montagneuses pour rentrer chez eux et c'est ainsi que le chemin du retour devient un espace de naissance d'une nouvelle relation entre les deux hommes». Le conflit entre les deux personnages est présent dès le départ puisque chacun a une motivation différente de l'autre pour s'approprier le mouton. Cela va conditionner leur périple où ils se confrontent, entre eux, à eux-mêmes et à la nature. Le thème de la traversée revient donc dans Précipice mais d'une manière plus extrême. La continuité réside aussi dans l'écriture en plans fixes, avec très peu de dialogues, et la présence du personnage «ovni» interprété par Mohamed Sassi Ghorbal, qui semble, autant dans Traversée que dans Précipice, hors du temps et de l'espace. Dans ce dernier court métrage où Nadia Touijer sort des sentiers battus, la caméra, même fixe, semble chercher ses repères dans un espace nouveau. Une quête essentielle puisqu'elle prépare actuellement son premier long métrage. Dans la tête de Belhassen Handous Belhassen Handous s'y prend autrement. Il réalise avec Hecho en casa (78') autant son tout premier film que son premier long-métrage. Ce photographe et ancien membre de la Fédération tunisienne des cinéastes amateurs a passé 4 années à se filmer avec son portable. Il a donc eu le temps d'explorer et d'essayer. C'est cette démarche qui constitue le noyau du film, monté par Ismaël (Babylon) qui a sûrement été d'un grand apport dans l'écriture du documentaire. Tout part de la personnalité du réalisateur qui se livre à sa petite caméra corps et âme. Il se filme entre l'Espagne, où il étudie la biologie, et Tunis, ville de sa famille et de ses amis. Le documentaire ne suit pas une structure chronologique, il suit plutôt l'évolution de Belhassen Handous pendant la période filmée, qui va de l'avant à l'après-14 janvier 2011. La caméra est comme un oscilloscope qui mesure le quotidien du réalisateur. Il s'y passe parfois des choses intéressantes, parfois non. Mais tout est mis au service de la narration. On a l'impression d'être dans la tête de Belhassen Handous. Une tête remplie de rêves et de questions que le réalisateur se pose, pose aux gens qu'il filme (amis, famille, inconnus) et au spectateur. Ces questions sont forcément accompagnées d'états d'âme et d'humeurs qui sont exprimés par la parole, mais aussi par la longueur des plans et des séquences et par la focalisation sur des éléments comme la mer. Personnel et intime, Hecho en casa est aussi très extraverti. Il marque une expérience filmique unique dans le documentaire tunisien, d'autant plus qu'il est en noir et blanc. De quoi nous ramener à l'essentiel du cinéma où, au-delà des images que l'on a, cet art reste déterminé par des choix esthétiques et une force d'écriture.