Ce roman de Caroline Bongrand, qui ressemble fort au «Journal de Bridget Jones», best-seller d'Ellen Fielding, est utile pour les raconteurs d'histoires. Refaire sa vie. Changer de jeu. Redistribuer les cartes. Devenir quelqu'un d'autre. Choisir un lieu où l'on serait anonyme, pour être enfin soi-même. Qui n'y a pas songé ? Mais, généralement, on sait ce qu'on fuit, on ne sait pas toujours ce que l'on cherche. Lorsqu'on ose faire le pas, on découvre souvent, à mi-chemin, que la vraie vie est celle qui existe déjà, avec ses bonheurs — même s'ils sont rares —, ses injustices, ses doutes et ses blessures. C'est cette vie-là qui fait de nous ce que nous sommes et ce que nous serons. Prendre conscience qu'on est le pionnier de soi-même, c'est le voyage à faire. Et pour cela, on n'a pas besoin de prendre l'avion. Cette leçon de vie est tirée d'un roman de Caroline Bongrand intitulé «Pitch» et qui «met en pages» une jeune scénariste française en quête d'une nouvelle vie. Le port d'arrivée que cette dernière s'est choisie n'est autre que Los Angeles. «Mais si, Hollywood, c'est possible» est l'un de ces cours qui lui apprendra à produire, à budgéter, et surtout à écrire. Car «Pitch» est aussi une leçon d'écriture de fiction. En se racontant, l'héroïne nous livre les secrets d'un bon script à l'américaine. Elle nous apprend beaucoup sur les gourous de la structure de scénario, tels que le Tchèque débarqué aux Etats-Unis, Frank Daniel (de son vrai nom Daniel Frantisek). C'était lui qui avait trouvé la formule «Somebody wants something badly and is having difficulty getting it *» qui précipite le personnage principal du film dans la tourmente, jusqu'au dénouement. L'héroïne du roman nous apprend également à «pitcher». A Hollywood, les « exécutives » des studios n'ont pas le temps de lire les scripts. Ils demandent alors aux scénaristes qui les sollicitent de pitcher leurs histoires. C'est-à-dire qu'en six minutes maximum, si possible quatre, et idéalement deux, le scénariste doit raconter son histoire de la façon la plus alléchante possible. Il doit savoir dégager les grandes lignes de l'histoire — racontées en trois temps, pour marquer la séparation entre les actes —, évoquer trois scènes visuellement très marquantes, raconter le tout avec rythme et passion communicative, et être aussi sûr de lui qu'un présentateur télé improvisant un direct. Caroline Bongrand a raison de dédier son roman, si drôle, si cocasse et si malicieux, à tout le monde, car tout le monde y trouve son compte. *La formule de Frank Daniel : «Quelqu'un désire très fort quelque chose et trouve des difficultés pour l'obtenir».