De bourdes en maladresses gouvernementales et présidentielles, nous avons fini par perdre le cap des repères de notre diplomatie traditionnelle. Au point de créer des inimitiés là où il ne fallait pas et de susciter des allégeances douteuses ailleurs En politique plus qu'ailleurs, les premières initiatives sont instructives. La première visite à l'étranger du nouveau chef du gouvernement, Mehdi Jomâa, a été prompte. Et elle a lieu en Algérie. Il y passe même une nuit. Dans la bonne tradition de la diplomatie tunisienne. Le deuxième voyage devrait se faire au Maroc. Toujours dans la droite lignée des fondamentaux de la diplomatie nationale depuis des lustres. Mehdi Jomâa semble avoir été bien briefé à ce propos. Il me l'a assuré de vive voix. On lui a conseillé d'agir ainsi lors du vaste tour de table préfigurant la formation de son gouvernement. Il avait même pris contact avec Habib Ben Yahia, S.G. de l'Union du Maghreb arabe et ministre des Affaires étrangères du temps de Ben Ali. Et puis l'Algérie a joué un rôle non des moindres lors des phases du récent Dialogue national. Outre Hamma Hammami (et peut-être d'autres hommes politiques), les dirigeants des deux principaux partis de la place avaient fait à deux reprises le déplacement d'Alger. Ils y avaient même été reçus en grande pompe par le président Abdelaziz Bouteflika. Et puis il nous faut consentir beaucoup de bonnes initiatives pour pardonner aux vieilles offenses. Durant les deux gouvernements de la Troïka, notre politique suiviste vis-à-vis des pays du Golfe, Qatar en prime, avait fait de l'ombre à notre enracinement maghrébin. De bourdes en maladresses gouvernementales et présidentielles, nous avons fini par perdre le cap des repères de notre diplomatie traditionnelle. Au point de créer des inimitiés là où il ne fallait pas et de susciter des allégeances douteuses ailleurs. Témoin, notre politique à l'égard de l'Egypte au lendemain de la destitution de Mohamed Morsi ou notre engagement démesuré, aveugle et navrant dans le conflit syrien. Aujourd'hui, les choses semblent évoluer. Le nouveau ministre des Affaires étrangères semble soucieux de rééquilibrer la donne. Le chef du gouvernement s'y attelle de plain-pied. Les partenaires diplomatiques et financiers internationaux nous donnent des signes encourageants. Ils consentent même des initiatives, dons et apports fort louables. Et tellement — et vainement — escomptés auparavant. Lorsque, en 1944, Paris avait été libéré de l'occupation allemande, le général de Gaulle avait déclaré que la France était rentrée chez elle. Vivement que la diplomatie tunisienne retrouve ses repères et ses fondamentaux. Autrement, nous continuerions à végéter au gré des humeurs de gouvernants malhabiles, lunatiques et sous influence. En fait, paradoxalement, nous sommes en manque d'un positionnement en conformité avec les évolutions géostratégiques en cours, un peu partout dans le monde. Pourtant, nous avions initié le concert des ruptures et des repositionnements internationaux à travers notre révolution, début 2011. L'incompétence et la navigation à vue de nos dirigeants de la Troïka I et II aidant, nous avons choisi les mauvais camps ainsi que les mauvaises bannières, inappropriées et contre-productives de surcroît. Et ici plus qu'ailleurs, l'ignorance, pas plus que l'incompétence, n'est pas un argument. La Tunisie est outillée aujourd'hui en vue d'une mue géostratégique louable. La volonté y est. La réceptivité dans notre entourage immédiat et lointain aussi. Il faudrait y rajouter la disposition des moyens de la politique. Nul n'ignore que notre dispositif diplomatique est truffé de nominations douteuses et partisanes. Il s'y trouve beaucoup d'hommes qu'il ne faut pas à la place qu'il ne faut pas. Le gouvernement gagnerait à assainir ses structures adéquates à ce propos. Et le plus tôt sera le mieux.