En Inde, la maison d'édition Penguin a accepté de retirer la semaine dernière un livre sur l'hindouisme publié en 2011. L'affaire remonte à 2010, lorsqu'une organisation appelée Shiksha Bachao Andolan, le «mouvement pour sauver l'éducation», a manifesté contre la sortie du livre de Wendy Doniger intitulé The Hindus. Plusieurs organisations indiennes basées aux Etats-Unis s'étaient jointes à cette campagne, accusant la chercheuse américaine de dénigrer l'hindouisme et de se livrer à une interprétation quasi-pornographique de la religion. Il faut rappeler que l'ouvrage est présenté par son auteur comme une «histoire alternative de l'hindouisme». Cette dernière est considérée comme une spécialiste du Sanskrit et de la mythologie hindoue. Elle a écrit plusieurs livres sur le sujet, même si son approche a souvent fait polémique, même parmi ses paires. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que Wendy Doniger est la cible d'attaques de groupes hindouistes et nationalistes. La semaine dernière, un tribunal de Delhi a finalement tranché en faveur de ses censeurs. Les réactions ne se sont pas fait attendre dans les cercles intellectuels et dans les médias en Inde, où de nombreuses personnes accusent Penguin d'avoir abandonné le combat un peu prématurément. En effet, ceux qui défendent la liberté d'expression dénoncent la lâcheté de la maison d'édition, qui a opté pour un règlement à l'amiable. Penguin a accepté, non seulement le retrait du livre de la vente, mais également de détruire tous les exemplaires en stock. L'écrivain et activiste Arundhati Roy, qui a remporté le prix Booker de littérature en 1997 pour Le Dieu des Petits Riens, a critiqué Penguin, regrettant que son éditeur n'ait pas portée l'affaire devant la Cour suprême. Deux intellectuels indiens ont également décidé de poursuivre Penguin en justice, affirmant que le groupe avait cédé devant une minorité, bafouant les droits de ses lecteurs. De son côté, Penguin a défendu sa décision dans un communiqué, affirmant qu'il se voyait dans l'obligation de respecter la loi indienne, aussi mal faite soit-elle, ajoutant qu'il se devait de protéger ses employés de menaces sans préciser s'ils en avaient déjà reçues. Wendy Doniger a elle-même pris la défense de Penguin ces derniers jours, rappelant que l'éditeur avait mené la bataille pour elle devant les tribunaux pendant 4 ans. Ce n'est pas la première fois que des livres sont censurés en Inde, au prétexte de ne pas heurter les sentiments d'une communauté religieuse. Il existe bien une loi dans le code pénal indien qui a permis l'interdiction de la vente de The Hindus. Cet article de loi, créé au départ pour protéger les droits des différentes communautés religieuses, prévoit jusqu'à trois ans d'emprisonnement pour quiconque « cherche à insulter une religion de manière malicieuse et délibérée ». Cette loi a notamment été utilisée pour interdire la publication des Versets Sataniques de Salman Rushdie ou encore les livres de Taslima Nasreen. Il existe de nombreux autres exemples d'ouvrages qui ont été interdits, au niveau national ou régional en Inde, pour avoir soi-disant porté atteinte à une communauté religieuse, mais aussi pour s'être attaqués à des figures historiques, telles que Nehru, ou encore la présidente du Parti du Congrès au pouvoir, Sonia Gandhi. Mais c'est bien souvent les groupuscules de la droite nationaliste hindouiste qui combattent toute version et interprétation de l'hindouisme différente de la leur, qui mènent la bataille de la censure. L'an dernier encore, un texte sur le Ramayana, un des écrits fondateurs de l'hindouisme, a été retiré du cursus de l'université de Delhi, à la demande du même groupe qui a obtenu gain de cause face à Wendy Doniger.