Les décideurs se doivent d'apporter les solutions qu'il faut aux défaillances identifiées La conformité du système de sécurité sociale tunisien aux principes des droits de l'Homme a fait, récemment, l'objet d'un travail d'observation et d'analyse, fourni par le bureau du Haut Commissariat aux droits de l'Homme des Nations unies en Tunisie. Un travail au bout duquel un rapport détaillé et objectif vient d'être publié, à l'occasion de la célébration de la Journée mondiale de la justice sociale. Le rapport consiste à étudier le système de sécurité sociale tunisien de par son respect des droits de l'Homme et son efficience en matière d'épanouissement social des Tunisiens, toutes catégories confondues. Relevant les points forts et faibles du système, il tend à inciter les décideurs à apporter des solutions adaptées et applicables aux défaillances identifiées. Il se veut, en outre, une panoplie d'outils logistiques nécessaires à l'élaboration d'un contrat social tunisien, fondé sur l'accord effectif entre gouvernement, Ugtt et Utica et visant à hisser le système au niveau de perfectionnement requis. Il faut rappeler que le système de sécurité sociale tunisien repose sur deux volets capitaux : un sous-système contributif, comprenant la Cnss (consacrée au secteur privé), la Cnrps (destinée au secteur public) et la Cnam ; et un sous-système non contributif, consacré aux catégories sociales vulnérables. Ce dernier comprend un programme national d'aide aux familles nécessiteuses ( Pnafn) et un programme d'accès aux soins dans les établissements publics ; un accès gratuit ( AMG1) ou encore à tarif réduit ( AMG2). Tous ces systèmes sont censés répondre à un besoin crucial : permettre aux Tunisiens de bénéficier des services de sécurité sociale, leur garantissant une vie digne, dans le meilleur et dans le pire. Cependant, la satisfaction des Tunisiens quant à l'efficacité des prestations fournies laisse, souvent, à désirer. Le présent rapport expose, en effet, les hics du système en matière de respect des principes des droits de l'Homme, et par conséquent du droit des Tunisiens tout court. Les droits de l'Homme en matière de sécurité sociale exigent un ensemble de principes basiques, comme la transparence des programmes mis en place, le contrôle et le suivi des acteurs impliqués dans ce système, l'absence de toute forme de discrimination dans les programmes de sécurité sociale et la participation de la population cible à l'élaboration desdits programmes. Par ailleurs, le principe non discriminatoire implique, de son côté, quatre normes à respecter, notamment l'adéquation des prestations au niveau de vie, l'admissibilité aux programmes sociaux selon des critères clairs et non discriminatoires, l'accessibilité au système de protection sociale et la couverture garantie pour les personnes vivant dans la précarité. Pour ce qui est de la sécurité sociale en matière de santé, le rapport relève maintes défaillances dont la complexité législative desservant l'admissibilité aux programmes et l'adéquation des prestations avec le niveau de vie. En effet, le coût réel des soins s'avère être assez élevé par rapport au niveau de vie standard. Les tarifs conventionnels ne sont pas pour autant respectés. Le plafond de remboursement est faible. Aussi, les prestations sanitaires sont-elles caractérisées par une nette discrimination économique et régionale ainsi que par une certaine opacité. Le présent rapport recommande ainsi la synchronisation des actions ministérielles afin de moderniser le système. Imposer le respect des tarifs conventionnels représente une garantie du droit à des coûts étudiés en matière de sécurité sanitaire. Par ailleurs, l'identification des causes du déficit budgétaire qui menace le système et l'instauration d'une législation claire et applicable sont de mise. Toujours dans le registre sanitaire, le présent rapport examine le dossier des maladies de longue durée en Tunisie. Il met l'accent sur l'impératif d'établir des critères clairs sur les maladies de longue durée et d'en élaborer une liste actualisée pour une meilleure admissibilité aux services appropriés. Le rapport appelle les commissions détentrices du pouvoir décisionnel relatif à ce créneau de faire preuve de plus de transparence. Il convient, par ailleurs, d'encourager les travailleurs informels, jusque-là privés des prestations relatives à l'invalidité, de cotiser, désormais afin de jouir de leur droit à la sécurité sociale en cas d'inaptitude au travail. Ce qui contribuerait également à l'amélioration de la couverture sociale. S'agissant de la maternité, le travail d'analyse a permis de signaler l'absence illogique de la notion du congé prénatal ce qui vient contrecarrer le droit des futures mamans à des soins prénataux. Encore faut-il souligner que le secteur privé et celui public ne sont point d'accord sur ce point, ce qui crée d'ailleurs une certaine discrimination entre les Tunisiennes. D'où l'impératif d'y remédier par la détermination d'un congé prénatal. Sécurité sociale et vie active Concernant la vie active et son autre revers, à savoir le chômage, le présent rapport dévoile des défaillances desservant l'amélioration des conditions de vie des Tunisiens. Pour ce qui est du chômage, par exemple, l'acception du chômeur en tant que citoyen ayant le droit de bénéficier du programme se sécurité sociale adapté est conditionnée par des critères restrictifs. Quant à l'aide matérielle légitime, elle reste bien en deça des besoins élémentaires puisqu'elle ne dépasse pas le SMIG. Quant aux actifs, leurs droits sont souvent bafoués au profit d'une législation discriminatoire. Aussi, les salariés agricoles sont-ils exclus du système. Les travailleurs précaires et tous ceux qui relèvent du secteur informel ne bénéficient pas de la sécurité sociale. Pour remédier à ces lacunes, le rapport appelle à la création d'un système d'assurance, basé sur la cotisation. Un système qui bannirait la discrimination entre régime agricole et celui non agricole, et qui sera fondé sur des prestations dégressives, respectant le principe des trois tiers, à savoir le salarié, l'employeur et l'Etat. Quant au volet relatif aux accidents du travail, le rapport souligne la non-affiliation du secteur public à l'Agence tunisienne des maladies professionnelles. Le secteur informel est, également, exclu du système. L'efficience de la prévention laisse encore à désirer. D'où la nécessité tabler sur une stratégie de prévention efficace et un suivi rigoureux. Purement social Le volet des aides familiales connaît un sérieux problème de ciblage et de perfectionnement : non-actualisations des données depuis plus de trois décennies, absence de services spécifiques aux personnes porteuses de handicap. Ce système a besoin d'une approche participative, permettant l'identification des besoins de la catégorie-cible. Le présent rapport recommande aux parties concernées de réévaluer les prestations et de conjuguer leurs efforts pour garantir aux Tunisiens des services d'une qualité optimale. Il convient, également, de mettre en place des aides spécifiques aux personnes porteuses de handicap et de créer un statut propre aux réfugiés. Pour ce qui est de la vieillesse, le présent rapport suggère la réforme du système ; une réforme qui inclurait la création d'une pension universelle (socle social), le contrôle rigoureux des sous-déclarations et la révision du mode de calcul des indicateurs statistiques. Il est recommandé, également, de prendre en compte les cotisations faibles, notamment celles des salariés dont le revenu est inférieur aux deux tiers du SMIG. Quant aux survivants et orphelins, améliorer les prestations de sécurité sociales qui leur sont destinées passe par un meilleur ciblage, notamment dans le système non contributif, l'élaboration d'une approche participative visant une meilleure identification des besoins ainsi que la révision des conditions de stage pour les actifs.