La liste définitive n'est pas encore établie A l'issue de sa rencontre avec le nouveau ministre de la Justice, des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle, M. Hafedh Ben Salah, la commission médicale chargée du remboursement des frais des soins des blessés de la révolution a tenu, hier au siège de ministère au Bardo, une conférence de presse pour faire le point de la situation. Trois ans déjà passés, ce dossier qui traîne en longueur est encore d'actualité brûlante. D'autant plus que les victimes de la journée du 14 janvier, des plus mémorables dans l'histoire du pays, continuent à souffrir dans leur chair. A cela s'ajoute une amère déception par rapport à de fortes attentes et promesses. Même en termes d'effectif des martyrs et blessés recensés, la liste finale n'a pas encore été établie. Il n'en reste pas moins que des chiffres provisoires sont là. En fait, d'après M. Hechmi Jegham, président du Haut comité des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, on a enregistré environ 321 martyrs et quelque 3.727 blessés dont la majorité est issue de Sidi Bouzid, Thala et Kasserine. Ces données ont été recueillies au bout de neuf mois au cours desquels autant de dossiers ont été examinés dans leurs moindres détails. Et ce n'est pas tout, la commission en charge veille à ce que la liste définitive, une fois bouclée, soit publiée dans le Journal officiel de la République tunisienne (Jort). Toutefois, constate M. Jegham, la finalisation de ce travail nécessite bel et bien encore du temps, pour des raisons purement techniques et aussi au niveau des régions dont sont issues les victimes. C'est que les flux des demandes de remboursement des frais médicaux viennent des différentes régions du pays. Cette affluence massive des dossiers n'est pas aussi facile à gérer qu'avec précaution et rigueur. A noter ici que l'enquête s'inscrit dans un intervalle temporel bien déterminé couvrant la période allant du 17 décembre 2010 au 28 février 2011. Au-delà de cet intervalle, on n'est pas considéré comme blessé de la révolution. Autrement dit, pas de remboursement des frais, pas de dédommagement. Cette mission a été ainsi confiée à une commission médicale composée de neuf membres représentant plusieurs ministères (Justice, Santé, Intérieur, Défense, Affaires sociales...). Son président, M. Adel Amri, maître de conférences en médecine de travail a bien tiré les choses au clair. Il s'agit d'une commission qui œuvre sous les bons auspices de ministre de la Justice, des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle. Sa philosophie consiste essentiellement à fournir aux blessés les soins nécessaires et leur assurer une prise en charge médico-psychique intégrale. Cela demande un diagnostic profond de la situation des malades, cas par cas, mais aussi un accompagnement de proximité. Car, a-t-il expliqué, l'étude des dossiers de remboursement des frais de soins nécessite un traitement technico-médical spécifique. Sans pour autant oublier les cas critiques auxquels sont consacrés des efforts supplémentaires. Et Dr. Amri de faire remarquer que jusque-là sept blessés ont été qualifiés de cas très graves ayant besoin d'une prise en charge spécifique (lits orthopédiques, chaises roulantes, matelas anti-escarres..). Bien plus, ceux-ci vont bénéficier d'un logement social beaucoup plus adapté à leur état de santé, a-t-il encore relevé. Cette multidisciplinarité de la prise en charge revêt également un aspect psychologique. A ce propos, Dr. Zouhaier Hechmi, professeur de psychologie et chef de service hospitalier à l'hôpital Razi à La Manouba, est intervenu sans trop s'étendre là-dessus. L'encadrement qu'il prodigue aux malades vise essentiellement à faire du blessé-victime un héros historique. Comment réussir cette métamorphose psychique ? Pour le psychiatre thérapeute, l'essentiel est de vaincre la phobie de l'oubli chez le blessé de la révolution, tout en lui redonnant confiance en soi. Car, a-t-il analysé, sous l'effet du stress post-traumatique fortement ressenti, le malade pourrait subir des troubles de comportement qui risquent de mener à des tentatives de suicide. «C'est en réalité un appel à la vie et pas à la mort à travers lequel le blessé veut s'exprimer. C'est un message contre l'oubli...». Un tel cas est si vulnérable qu'il fait tout pour susciter l'intérêt des autres. Et pour cause, le malade devrait faire l'objet d'un suivi médico-psychique permanent. « Bien qu'on ait pris le train en marche, notre expérience en matière d'encadrement médical est en mesure d'être un modèle à suivre. Et c'est là un motif de fierté..», se félicite-t-il.