Les Tunisiens optent, désormais, pour les marques de renom, sinon pour la friperie. Cela fait trois semaines que les vitrines des boutiques affichent grandement des autocollants propres aux soldes d'hiver. Des réductions à la caisse, allant pour la plupart de 20% à 50%, suscitent pourtant chez certains une indifférence inhabituelle. La crise socioéconomique intrigue plus d'un, au point de s'inquiéter quant aux répercussions du gaspillage. La fièvre des achats est, par conséquent, mise en veilleuse. Il semble que la bousculade devant les boutiques de prêt-à-porter et celles de cuir et chaussures soit passée de mode. Les soldes d'hiver ne ressemblent point, cette année, aux soldes des dernières années. Alors que généralement, les tailles moyennes et les pointures les plus standards s'épuisent dès la première semaine, l'on découvre actuellement une panoplie de choix et de tailles disponibles qui n'attendent qu'un client pour les sauver d'un imminent stockage. Ouassila Fazaoui, gérante d'une boutique de prêt-à-porter masculin, trouve que la période des soldes est pire que l'année précédente ; laquelle n'était pas pour autant terrible. «Dès la première semaine, j'ai compris que les affaires n'allaient pas bon train. Avant, nous enregistrions, durant les premiers jours des soldes, des recettes quotidiennes qui vont de 5.000 à 9.000dt. Cette année, la recette journalière se situe entre 300 et 500dt. Dernièrement, il nous est arrivé de passer des ‘‘jours néants'', où les ventes sont carrément nulles», confie-t-elle, déçue. Elle, qui espérait pourtant des jours commerciaux meilleurs pour compenser la stagnation endurée depuis quelques mois. «Notre clientèle est exclusivement masculine. Aussi, avions-nous pris l'habitude de recevoir bon nombre de clients qui profitent de la période des soldes pour renouveler, une bonne fois pour toutes, leur garde-robe. Aujourd'hui, seuls quelques clients viennent dénicher deux ou trois articles tout au plus. Les costumes, les parkas et les blousons en cuir ne sont plus demandés», ajoute Ouassila. Déception et inquiétude Nombreux sont les commerçants qui endurent cette situation inconfortable. C'est le cas, par exemple, de Mme Latifa qui a dû congédier sa vendeuse pour alléger ses charges. A défaut de ventes et de recettes satisfaisantes, elle a modulé ses habitudes, dans l'attente d'un éventuel dénouement de la crise. «Cette année, je n'ai même pas pris la peine de m'approvisionner, comme à l'accoutumée, auprès des fournisseurs étrangers. Avec la montée de la valeur de l'euro et la chute de celle du dinar tunisien, mais aussi vu la baisse significative de la demande, il m'aurait été encore plus difficile d'arrondir mes fins de mois et de subvenir aux charges de la boutique», avoue-t-elle. Bien avant les soldes, et dans le but d'inciter les clients à s'offrir de nouveaux vêtements, Latifa avait procédé à une remise à la caisse de 15%, une tactique qui avait porté ses fruits. Aujourd'hui, et malgré les grandes affiches de prix tentants, dont des manteaux parka pour femme à seulement 25dt, la caisse reste vide. Faire du shopping, les yeux fermés ! La déception touche également le commerce spécialisé. Ilhem Oueslati est vendeuse, responsable d'une boutique de chaussures pour enfants. Pour séduire les clients, les responsables de cette boutique ont choisi de procéder à des réductions dépassant même le plafond fixé par l'institution de tutelle. Ces offres sont communiquées directement au client et concernent des produits bien déterminés. S'agissant de l'échec des soldes d'hiver, Ilhem, ainsi que Ouassila et Latifa y apportent une raison logique : les Tunisiens ont, de plus en plus tendance à préférer les marques de renom et la friperie. Preuve à l'appui : dans une boutique de marque située à Tunis, des clients, hommes et femmes de tout âge, profitent des produits soldés à 50%. «J'ai l'habitude de dénicher des vêtements sportchic à des prix assez raisonnables pour une qualité quasi irréprochable. Je suis déjà venu le deuxième jour des soldes pour acheter une paire de chaussures et deux pantalons. Aujourd'hui, je reviens pour choisir des tee-shirts et des chemises pour la demi-saison», indique Jamel. Il ajoute : «Je préfère me fier à une marque que me hasarder à acheter des vêtements locaux ou importés dont la qualité peut se révéler médiocre». Dans cette boutique, tous les rayons sont sens dessus dessous. Des clients, ravis de faire de bonnes affaires, n'hésitent pas à se munir d'un caddy pour un shopping bien mérité. Alors que d'autres se tiennent déjà en deux files indiennes devant les deux caisses. Dans une autre boutique, spécialisée cette fois-ci dans le cuir et les chaussures, les pointures standards des chaussures soldées se font rares. «Dès le premier jour, indique Hinda Hitana, les clients ont afflué en grand nombre pour profiter des réductions allant de 20% à 50% et qui comptent en outre la nouvelle collection». Pour cette boutique, le rendement des soldes est plus que satisfaisant par comparaison avec l'année précédente. Ce n'est pas, hélas, le cas pour tous...