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Itinéraire entre réalité personnelle et collective
Poésie — Rencontre avec Moez Majed
Publié dans La Presse de Tunisie le 02 - 03 - 2014

Poète mais aussi biologiste, Moëz Majed, digne fils de son père Jaâfar Majed, écrivain et poète aujourd'hui disparu, est l'auteur de trois recueils et d'un long poème en dix chants intitulé «Chants de l'autre rive». Poème qu'il a écrit après trois ans de silence, le déclic s'étant amorcé «suite à l'impact de tous les événements vécus, ces derniers temps, dans la foulée de la révolution». Il raconte, ici, son rapport à la poésie, ses choix et parti pris poétiques. Entretien.
Vous êtes biologiste, comment en êtes-vous venu à la poésie?
Depuis ma plus tendre enfance, j'ai grandi dans une maison de poésie et de littérature, avec une grande bibliothèque au centre de la vie familiale. Naturellement, j'ai eu un penchant des plus nets vers la littérature en général, et vers la poésie en particulier.
En fait, quand j'étais au lycée, j'allais m'orienter vers «la section Lettres», mais mon père m'en a empêché, arguant que «c'est une section vers laquelle s'orientent en général les élèves les moins brillants». Il avait bien senti mon intérêt pour la poésie et m'a dit: «Quel est ton problème? Si tu veux écrire de la poésie, personne ne te demandera un diplôme de poète, alors que pour être médecin, on te demandera forcément un diplôme de médecine». Ajoutant : «Si tu veux vraiment écrire comme tu l'entends, il vaudrait mieux ne pas vivre de ce que tu écris et de subvenir à tes besoins sans l'aide de personne et sans l'épée de Damoclès de la rémunération qui conditionnera, à coup sûr, ce que tu écriras». Cela dit, sachez que la biologie et la poésie ont beaucoup en commun.
Quoi donc?
La poésie et la biologie sont la vie même et constituent aussi un questionnement fondamental. La science et la poésie apportent deux réponses différentes à un questionnement commun : la recherche de la vérité de la vie. La première s'arme de méthodologies claires et bien définies pour atteindre la vérité scientifique. La deuxième s'arme d'instinct pour atteindre la vérité. Ce sont deux démarches différentes pour la quête de la vérité : l'une scientifique, l'autre instinctive et poétique. Dans son discours, le Prix Nobel de littérature de 1960, Saint-John Perse, avait affirmé que «le scientifique et le poète sont deux aveugles-nés, à la recherche de la vérité». Par conséquent, être biologiste et poète sont deux facettes d'une même pièce.
Votre recueil s'intitule «Chant de l'autre rive». S'agit-il de la rive d'Orient ou de celle d'Occident?
Ce texte n'est pas un recueil, mais un seul poème en dix chants, contrairement aux trois premiers, «L'ombre... la lumière», paru en 1997, «Les rêveries d'un cerisier en fleurs» (2008) et «L'ambition d'un verger» (2010). Ce poème est une prise de position : il s'agit de nous par rapport à l'Occident, ou le contraire.
C'est un texte écrit sur une période assez longue, trois ans, et qui, en réalité, prend possession d'une réalité personnelle et collective, et la retrace dans une démarche d'écriture différente de celle d'une poésie écrite sous forme de recueil. Quelque part, c'est un texte qui a eu du mal à voir le jour. Il est né à son rythme et a été enfanté dans la douleur. Il a pris possession de ma démarche d'écriture : je ne sais pas si je vais poursuivre cette démarche ou amorcer une rupture, afin de revenir à la forme du recueil.
Dans certains de vos chants, on décèle comme un souffle mystique. D'où vous vient-il ?
Mes anciennes poésies sont également porteuses d'un souffle mystique. Cela vient du terreau kairouanais. Il a une part d'invocation et de mysticisme. Ce rapport à la terre et à la métaphysique n'est pas nouveau. C'est un texte où il existe des références littéraires bien de chez nous, soit une forme de digestion du back ground arabo-musulman.
Pourquoi ce parti pris pour la langue de Molière?
Il y a deux réponses à cela : l'une convenue et diplomatique, du genre «la poésie s'affranchit de la langue et n'est juste qu'un outil d'expression», et c'est là une part de la vérité. Je me suis posé la question, a posteriori, et mon interprétation personnelle est la suivante : j'écris en langue française pour des raisons œdipiennes. Surtout que mes premiers écrits, du temps où j'étais encore au lycée, étaient en langue arabe. A un moment donné, j'étais dans cette situation : trouver une place et un moyen d'exister dans cette sphère d'écriture en langue arabe, et me faire un prénom, alors que le terrain était déjà occupé. Donc, il fallait ou «tuer le père», ou être écrasé sous le poids de la référence au Père.
Et je pense qu'instinctivement, j'ai occupé un autre territoire linguistique, lexical, en choisissant d'écrire dans la langue française, et par là, c'est une manière de finir le combat.
En fait, j'ai dû me battre pour prendre possession de cette langue française, lui faire dire ce que je suis et élire domicile dans le génie de la langue française. Mais, en apportant quelque peu ma panoplie de Kairouanais, de Tunisien, d'Arabe, plutôt que de la violer pour la forcer à dire des choses qu'elle n'était pas destinée à dire. C'était là tout le défi : l'amener à exprimer des choses sans que cela ne soit une écriture exotique ou accidentée. C'est en épousant cette démarche que j'ai réussi à exister dans le champ de l'écriture sans souffrir des références au père.
Mais le choix de la langue française ne vous coupe-t-il pas, quelque peu, d'un plus large public, vous confinant dans la sphère de l'élite?
En écrivant en langue française, au risque de vous choquer, je n'écris ni pour l'élite ni pour la masse. Etre publié aujourd'hui est pour moi une chance en soi, même si le nombre de lecteurs potentiels n'est pas aussi large. Mais, aujourd'hui, on ne peut présager de ce que sera demain la vie de cette poésie, une fois publiée et diffusée sous nos cieux et ailleurs : c'est comme une bouteille à la mer.
Mais ne serait-il pas plus intéressant de traduire vos recueils afin d'éviter la coupure avec le public arabophone ?
En fait, «Chants de l'autre rive» est en train d'être traduit en langue arabe par le poète Mohamed Ghozzi.
Vos deux derniers textes poétiques ont été édités par des maisons d'édition françaises, l'Harmattan et Fata Morgana. Pourquoi ce parti pris ?
Mes deux premiers recueils ont été édités en Tunisie, respectivement chez «Arabesques» et «Contraste éditions». Je commençais à être lu dès le 2e recueil. Un ami français m'a proposé de m'introduire auprès de l'Harmattan. Il a fait les démarches et ils ont accepté d'éditer mon 3e recueil.
Pour «Chants de l'autre rive», lors d'une lecture de poésie au club Taher-Haddad, Bruno Roy, directeur de Fata Morgana, était dans le public. Après avoir écouté les extraits que j'ai lus, il m'a proposé de me publier, ce que j'ai accepté.
Le plasticien Nja Mahdaoui est intervenu par des dessins calligraphiques dans ce livre. Quel est le rapport avec votre poème ?
C'est encore Bruno Roy qui m'a fait la proposition que j'ai appréciée. Avant la sortie de ce livre-là, il y a eu la sortie d'un autre, en grand format, comportant les cinq premiers chants du poème, sous le titre de Gisants. C'est une sorte de dialogue entre ces chants et les graphèmes de Nja Mahdaoui.
Peut-on dire enfin, d'une certaine manière, que vous appartenez à «l'école poétique de Kairouan» ?
Il est difficile de l'affirmer, car cette appellation «d'école kairouanaise» est née dans les décennies 70 et 80. Je suis Kairouanais et, certes, apparenté à cette écriture-là, mais je ne peux en revendiquer l'appartenance.


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