L'initiation à la vie politique vient après l'acquisition du savoir, qui demeure l'objectif de la « majorité silencieuse » non partisane Les évènements désolants qu'a connus l'université tunisienne après la révolution nous interpellent à plus d'un titre. De la faculté de La Manouba à celle de Rakkada, à Kairouan, la crise de coexistence entre différents courants idéologiques a montré à quel point la montée de la violence au sein même de l'enceinte universitaire est synonyme de rejet de l'autre et de son droit à la différence. Ceux qui pensent qu'ils ont toujours raison sont, hélas, incapables de reconnaître le droit des autres à penser de manière autre. Revenant sur les évènements qui ont eu lieu mercredi dernier à la faculté de Rakkada, les étudiants d'Ennahdha et ceux de l'Uget ont donné deux versions opposées des faits. Chaque partie se présentait comme victime de la violence perpétrée par l'autre. Ainsi, les jeunes étudiants d'Ennahdha accusent leurs collègues de l'Uget d'être derrière les agressions physiques et les altercations survenues mercredi dernier. Ils affirment avoir été attaqués lors d'une manifestation sur «les qualités du Prophète» organisée à la faculté des Lettres et des Sciences humaines de Rakkada. «Les participants à cette manifestation ont subi des agressions de la part d'étudiants «communistes», armés de couteaux et de bâtons et accompagnés de personnes étrangères à la faculté qui ont fait usage de gaz lacrymogènes», a déclaré Zied Boumakhla, responsable de l'action estudiantine, lors d'une conférence de presse donnée jeudi au siège du mouvement Ennahdha à Tunis. «Nous œuvrons à diffuser la culture de la tolérance et de l'acceptation de l'autre et nous rejetons la violence», a-t-il affirmé, niant les accusations de l'Uget selon lesquelles Hichem Laârayedh, fils de l'ancien chef du gouvernement, serait impliqué dans ces évènements. De son côté, Ahmed Sebri, membre des jeunes étudiants d'Ennahdha à la faculté de Rakkada, a signalé qu'une vidéo filmant l'arrachage des affiches et les agressions subies par les étudiants venus assister à la manifestation des jeunes étudiants d'Ennahdha sera diffusée bientôt sur les réseaux sociaux. Le fils de Laârayedh pointé du doigt L'autre partie nie catégoriquement ces accusations. Contacté, M. Firas Dhouibi, secrétaire général du bureau fédéral de l'Union générale des étudiants de Tunisie (Uget), a souligné que la violence exercée sur les étudiants, enseignants et ouvriers, lors des derniers évènements de la faculté de Rakkada, est un dérapage très dangereux qui a frappé de plein fouet toute l'université tunisienne. Il accuse les jeunes du mouvement Ennahda d'être derrière la vague de violence qu'a connue aussi bien la faculté de La Manouba que celle de Rakkada. Il s'explique : Hichem Laârayedh est depuis plusieurs mois à la tête d'une milice de trente personnes dont le seul rôle est de terroriser les étudiants et imposer par la force des idées rétrogrades. Formé de bandits et de malfrats, ce groupe ne compte aucun étudiant à l'exception de son chef qui, lui-même, n'a rien à faire à la faculté de Rakkada. C'est la même personne, ajoute notre interlocuteur, qui a participé à l'agression des étudiants de La Manouba. Ce qui s'est passé dernièrement n'est qu'une reproduction du scénario qui a eu lieu à la faculté de La Manouba. Une précision de taille : les altercations se sont déroulées à l'entrée de la faculté et non dans son enceinte, comme le prétendent les jeunes étudiants d'Ennahdha. Solidaires, les étudiants ont décidé d'empêcher ce groupe d'intrus d'accéder à la faculté et d'y semer la zizanie. La violence a dégénéré lorsque l'un de ces bandits a giflé une jeune étudiante tout simplement parce qu'elle lui a expliqué qu'il n'a pas le droit d'entrer dans la faculté, n'étant pas étudiant. Firas Dhouibi nous apprend également que quatre étudiants de l'Uget sont actuellement hospitalisés. Il a saisi cette occasion pour nous réaffirmer que tous les étudiants progressistes rejettent la violence tout en restant déterminés à interdire à toute personne étrangère l'accès à la faculté, pour imposer ses convictions idéologiques. Sus à la violence Loin des accusations et des calculs des uns et des autres, les étudiants, toutes sensibilités politiques confondues, sont appelés à préserver l'intégrité de l'institution universitaire et à sauvegarder l'un des plus précieux acquis de la Tunisie moderne, à savoir la liberté. Une liberté qui doit être également promue au sein de nos facultés, premier espace d'apprentissage de la politique. Cet acquis précieux ne peut en aucun cas être sauvegardé dans un climat de tension, d'agression et d'hostilité. En témoigne l'intervention des forces de l'ordre afin de mettre fin à ces violences. Espérons bien que cela ne continuera pas pour ne pas donner « une légitimité » au retour de la présence policière au sein de nos différentes facultés. Car cet éventuel retour ne fera qu'étouffer dans l'œuf le projet d'une université ouverte et tolérante qui offre toutes les conditions de l'apprentissage et de l'initiation à la vie politique après l'acquisition du savoir, qui demeure l'objectif de la « majorité silencieuse » non partisane.