L'art au service d'une cause... Un film et une pièce de théâtre ont été présentés au public, en début de semaine, dans le cadre d'un projet auquel prennent part plusieurs associations. Le projet s'intitule "Une Nouvelle Vision pour la Justice". Il est soutenu par l'organisation internationale Freedom House et a vu la participation de bon nombre d'associations et d'acteurs de la société civile. La maison de la culture Ibn Rachiq a abrité, récemment, un des programmes de ce projet se rapportant au secteur pénitentiaire. L'événement culturel, qui venait par la même occasion marquer la fin de ce projet, comportait la projection-débat du film documentaire «La Tunisie parle des prisons», réalisé par Néjib Belhédi, ainsi que la présentation d'une pièce de théâtre intitulée «Essyloun», produite par l'Association «Thala Masrah Al-Haqiqah» et mise en scène par Akram Rékik. Le film de 40 minutes, qui fait plus documents que documentaire, et qui a mis du temps à être lancé en raison de problèmes techniques récurrents, liés visiblement à une lacune organisationnelle, est une sorte de synthèse d'une vaste opération de «micro-trottoir » menée pendant deux ans par les associations (une douzaine en tout) partenaires du projet. L'on ne va pas s'attarder sur la forme, qui souffre de beaucoup de problèmes : parlons plutôt du fond. Le film est composé de plusieurs témoignages de différents profils : juge, sociologue, psychologue, ancien détenus, parent d'un détenu, ancien agent pénitentiaire et autres citoyens, qui se sont exprimés sur le système carcéral et judiciaire tunisien. Les détenus - un politique et un droit commun - évoquent, dans de brefs témoignages (au montage un peu trop expédié), des souvenirs de leur séjour, des maltraitances, des abus, des tortures... Il est question de nos institutions pénitentiaires qui sont loin d'aider à la réhabilitation et à la réinsertion du détenu une fois libéré. Ce dernier, une fois qu'il s'y trouve, perd toute citoyenneté et toute dignité humaine en raison des mauvaises conditions de détention : insalubrité, manque d'hygiène, surpopulation, absence de suivi psychologique, restrictions des visites, absence de formations ou de programmes de recyclage et, surtout, mauvais traitements, viols et toutes sortes de tortures morales ou physiques exercées par d'autres détenus ou des agents. «Tout cela renforce, explique un psychologue, le sentiment d'injustice, d'humiliation et d'insécurité chez le détenu et fait de nos prisons des bombes à retardement». Habib Rachdi, ancien secrétaire général du syndicat des agents de prison, évoque, de son côté, les états d'arrestation avant procès, qui ne font qu'aggraver le surpeuplement dans les prisons et les mauvaises conditions de travail. Ce qui s'ajoute au manque de formation et d'encadrement, aux problèmes du recrutement qui ne prend pas en considération des critères tels que la compétence et la qualification. Le juge Amor El Oueslati s'attarde, quant à lui, sur le rôle de la justice et de la société civile dans la réforme du système carcéral. Sur l'impératif d'une réforme au niveau des textes de lois et du Code pénal. «Il faut effectuer un diagnostic, distinguer les priorités et établir un plan de réforme sur le long terme», affirme-t-il dans ce sens. Un sociologue s'explique sur l'après-prison qui est complètement occulté chez nous à cause de l'absence de programmes de réinsertion. Il évoque les petits délits, à l'instar de la consommation de drogue douce, délits pour lesquels les peines sont lourdes et doivent être revues. Les pays scandinaves reviennent, dans différents témoignages, comme exemple à suivre, à l'instar de ce code thérapeutique, en lieu et place du Code pénal, qu'ils ont adopté et qui en dit long sur la volonté de réhabilitation du détenu. Rien de plus éloquent que l'image pour sensibiliser sur ce sujet, ô combien délicat, qui nécessite une vraie volonté de réformes, de vraies prises de position basées sur une vision globale de l'Etat. L'initiative de ce programme est louable, même si on déplore, encore une fois, les problèmes d'organisation, qui donnent l'impression de faire les choses pour les faire, quitte à bâcler. Le théâtre aussi était mis au service de cette cause, avec la pièce de théâtre intitulée «Essyloun», produite par l'Association «Thala Masrah Al-Haqiqah» et mise en scène par Akram Rékik.. On n'a pas trop misé sur les moyens (scénographie écolière et naïve) ni sur la qualité d'ailleurs... La qualité et les programmes de sensibilisation ne doivent pas nécessairement faire deux, messieurs !