Celui qui vient de renoncer à Los Angeles pour rejoindre à Baltimore Bowman et... Phelps prépare Rio 2016 dans la sérénité. Le plus grand athlète tunisien de tous les temps est parmi nous. Dans un pays où l'échelle des valeurs est totalement biaisée, cela passe parfois inaperçu et c'est un peu le cas aujourd'hui avec Mellouli et la Tunisie. Comme si les champions olympiques et du monde couraient les rues, quand on sait que la Tunisie sportive aura attendu plus de quarante ans pour glaner une médaille olympique. Et quand on sait aussi qu'à ce rythme, il faudra sans doute attendre autant pour voir flotter un drapeau tunisien dans une joute olympique ou alors mondiale. Mais si, du côté de chez nous, on continue à fêter les petits footeux du week-end et les fausses stars du ballon rond, ailleurs, on sait reconnaître un vrai champion d'un faux. Et pas seulement, puisqu'on essaie d'en tirer le maximum de profit... sur le double plan sportif et celui de l'image. Peu importe le fait qu'il ne porte pas la nationalité du pays en question : l'essentiel, c'est de réussir son coup et de booster le sport. Tenez, il y a peu de temps, le Qatar inaugurait l'académie de natation Oussama Mellouli, un projet en discussion et en gestation depuis près d'un an, soit du temps d'un passage fracassant de notre champion planétaire aux Jeux panarabes de Doha en 2011. Impressionnés, les Qataris, par autant de talent et par les 15 médailles d'or raflées par Oussama Mellouli. D'où l'idée d'en faire une locomotive, une icône et en profiter pour lancer ce sport au Qatar. Promu ambassadeur du sport olympique scolaire dans ce pays, notre Oussama Mellouli national. Pas moins que ça. «Il s'agit, selon notre champion, de capitaliser mon image pour lancer la natation au Qatar, à travers l'organisation de séminaires, stages et journées de promotion. Je serai disponible selon mon programme de compétition d'ici Rio 2016». Qu'a-t-on fait de Mellouli en Tunisie? Rien ou alors très peu de chose, alors que l'homme est disponible et ne perd pas une occasion de venir se ressourcer au pays. Heureusement qu'il y a les sponsors qui profitent à chaque fois de son passage parmi nous pour organiser des «coups» comme on dit. Et voilà notre champion au village SOS Gammarth et à inviter les gosses au critérium national qui vient de s'achever à la piscine de Radès. L'insoutenable indifférence de la FTN et de... l'Espérance Ce critérium, parlons-en. Oussama Mellouli n'était pas obligé de le faire, mais il a tenu à y être présent avec, au passage, 5 médailles d'or raflées, certaines pas du tout dans sa spécialité. Tels les 100 et 200 m brasse ou encore le 200 m papillon. Avec ses deux autres médailles d'or au 400x4 nages et le 400 m crawl. Un critérium dans une piscine même pas équipée de lignes d'eau anti-vagues et avec une programmation chaotique. Sur fond de démission de la Fédération tunisienne de natation et de son directeur technique national. Le premier «allergique» au succès de Oussama Mellouli, le second qui n'a fait faire qu'acte de présence à Radès pour constater que notre natation est au plus bas. Puis il y a l'Espérance dont Mellouli porte le maillot mais qui ne s'en soucie pas outre mesure. Voilà un club à la recherche de gloire et de reconnaissance, nationale et étrangère, qui dit travailler sur son image mais qui ne se soucie même pas de capitaliser l'effet Oussama Mellouli. Un champion olympique et du monde, effigie de son club, mais qu'est-ce que les Espérantistes et les experts de l'Espérance attendent pour faire cela et pour le vendre aux sponsors?! Nous savons que Hamdi Meddeb en personne a reçu Oussama il y a quelque temps mais qu'il n'y a pas eu de suivi. Mais il n'est jamais trop tard et les Jeux olympiques ne sont plus très loin. Une grande opération marketing s'impose! De Los Angeles à Baltimore A 30 ans bien sonnés, Oussama Mellouli entame une seconde carrière. Il est passé du soleil et des plages californiennes de Los Angeles au froid et à la brume de Baltimore. Pourquoi ce choix humain et sportif? «Depuis mars 2012, le courant ne passait plus entre mon entraîneur David Salo et moi. Il s'en foutait un peu et nous n'avions visiblement plus les mêmes objectifs. De plus, notre groupe de travail était devenu hétérogène et l'ambiance n'était plus la même. J'ai pensé un premier temps partir pour l'Australie puis j'ai connu Bob Bowman, l'entraîneur de Michael Phelps. J'ai effectué un stage avec lui au Colorado et le courant est vite passé entre nous. De surcroît, son groupe est excellent. J'ai donc décidé de le suivre à Baltimore en décembre dernier. Au début, j'ai squatté chez Michael Phelps jusqu'en février avant de trouver un appartement. Il a été d'une grande gentillesse et d'une grande disponibilité, lui le plus grand nageur de tous les temps. D'ailleurs, lui aussi a décidé de remettre cela et de prolonger sa carrière. Baltimore, c'est pas Los Angeles. Il fait froid et il ne s'y passe pas grand-chose. Ma vie a complètement changé. Plus de contacts et dépaysement. J'en ai profité pour m'inscrire en line pour un MBA (Master Business Administration) à l'Université d'Essex en Angleterre». Entamer une nouvelle carrière à 30 ans, quitter le soleil de Los Angeles pour la brume de Baltimore et pousser encore plus les études : nos sportifs et surtout nos footeux devraient vraiment lire cela, même si nous n'avons aucune illusion sur leur capacité à faire de tels choix! Avec Phelps pour Rio! Même s'il ne nourrit pas de complexes, on sent Mellouli heureux d'être dans le groupe de l'immense Michael Phelps (18 médailles d'or en 3 olympiades!). Comment cela se présente pour notre Oussama national? «Sur le plan sportif, tout change avec un nouvel entraîneur et un nouveau groupe. L'approche est plus méthodique et je suis beaucoup plus concentré sur mes objectifs. Pour Bob Bowman qui n'a pas eu de résultats en demi-fond, c'est motivant, d'autant qu'il n'a jamais disposé d'un nageur en eau libre. Sur un autre plan, j'en ai profité pour revenir à une spécialité que j'ai abandonnée, le 400-4 nages. En plus bien sûr du 10 km». Comment on se prépare et on se motive à 30 ans ? «Je suis beaucoup plus tranquille, ce n'est que du bonheur. Je me mets aussi moins la pression. Sur le plan physique, je fais beaucoup de physiothérapie pour soigner mes blessures. Maintien, gestion des blessures et une bonne hygiène de vie, voilà mon quotidien, même si je me lâche parfois un peu». (En fait, en débarquant chez moi, affamé, Oussama a ingurgité une pizza, une boisson gazeuse et s'est même permis quelques petits gâteaux tunisiens). En s'apprêtant donc à repartir pour les Etats-Unis et Baltimore, Oussama Mellouli reste sur quelques petites déceptions au pays. L'Espérance dont il défend les couleurs (on dit que Slim Riahi est prêt à le faire signer !), la FTN et sa médiocrité et les médias qui ne jurent que par le football. Aussi un certain Mohamed Ajroudi, patron d'Al Janoubia, qui s'est carrément foutu de sa gueule. Mais tout cela ne le détourne pas de son objectif sportif ultime et suprême : les Jeux olympiques de Rio 2016.