Douze ans après, les Djerbiens reviennent par la grande porte Trois journées avant la fin du play-off, les Djerbiens ont mis les deux pieds en Ligue 1. Le plus beau dans ce grand exploit, c'est qu'il n'a pas été inscrit comme priorité des priorités dans le projet de départ de la saison en cours et qu'il a pris de court pratiquement tout le monde surtout quand on pense que l'ASD a sauvé sur le fil sa place en Ligue 2 la saison écoulée après un match barrage où elle a connu tant de frayeurs. Surtout quand on sait aussi que ce club, qui ne nage pas dans le fric, a souvent eu grand mal à arrondir ses fins de saison et à tenir ses multiples engagements financiers à temps. Terminant deuxième de la première phase de ce championnat derrière l'ASG, les insulaires se sont trouvés devant un grand challenge à relever, le play-off, sans être dotés de gros moyens financiers pour avoir des chances réelles de réussite. Premier match, première défaite devant le même ASG et déjà le doute qui s'installe et la grève des joueurs qui entament un bras de fer avec un comité directeur honnête, mais impuissant devant le tas de charges qui se sont accumulées et une caisse pratiquement sans un sou. L'entraîneur, Samir Jouili, déclare avoir pensé, après ce premier rendez-vous manqué, au jour du 12 août 2013 où il a pris son bâton de pèlerin et débarqué à Djerba pour une tâche qui n'était pas de tout repos et une aventure pratiquement sans lendemain. «J'ai gardé ma valise toute prête et j'ai failli rebrousser chemin illico presto faute de projet assez clair et de moyens disponibles, avoue-t-il. Ce même sentiment, je l'ai eu après notre défaite lors du 1er match du play-off. Nous étions dos au mur et moralement à plat tant que l'essentiel nous manquait : les moyens de ce nouveau challenge. Je n'avais pour arme pour ramenter la troupe que de changer de langage et de discours avec les joueurs dans l'espoir de trouver le déclic psychologique qui nous éviterait de sombrer et de capituler avant l'heure devant la montagne de difficultés. Je leur ai adressé un seul message, un message-clé, à savoir que chaque match est pour nous non seulement un match de coupe mais une véritable finale et que nous n'avons rien à perdre mais tout à gagner en faisant tout pour redresser la barre. C'était un message à pile ou face, un coup de dé...». Esprit de famille et mérite des joueurs Par miracle, ce message est passé, les «Vert et Blanc» ont mis leurs soucis et préoccupations au placard et fait contre mauvaise fortune bon cœur. Le résultat ne s'était pas fait attendre, les succès vont se succéder à partir de la 2e journée et les adversaires succombent l'un après l'autre devant un groupe animé d'un nouvel état d'esprit, un esprit de famille, un esprit de commando. Le SSS paie le premier les frais de ce réveil tonitruant (2-1) puis l'ESZ (1-0), JS (1-0), l'USBG (3-2), l'ASG (1-0) et le SSS de nouveau (1-0, match retour). Un bal de six victoires consécutives que tout laisse penser qu'il est loin d'être terminé surtout que la pression et la tension des matches ont baissé de plusieurs crans du fait que l'accession est mathématiquement assurée. Une série rose derrière laquelle il y a bien entendu Samir Jouili et son staff de l'ombre composé de l'entraîneur-adjoint Wedaii Ouecheni, du préparateur physique Ahmed Bouricha et de l'entraîneur des gardiens de but Hakim Dridi. Mais le mérite revient également et avec un même degré d'importance au gardien de but Mehrez Hosni qui est les yeux et les oreilles du staff technique et du comité directeur dans le groupe. Détenteur d'un joli record en nombre de matches joués (25 sur 25) et de cartons reçus (zéro), il a su être un véritable leader et un capitaine-référence. Sur le terrain, ses prouesses techniques comme dernier rempart sur la ligne du but ont découragé ses adversaires et donné confiance à ses partenaires. Dans les vestiaires, il a réussi à être l'homme de liaison et un bon médiateur entre ses coéquipiers inquiets pour leurs salaires, primes de matches et tranches de primes de rendement impayés et leurs dirigeants qui ne savaient à quel saint se vouer. «En tant que capitaine de l'équipe, je ne pouvais et je ne peux agir que pour le bien du club et des joueurs réunis, affirme-t-il. Assurer une parfaite cohabitation entre des joueurs qui ont évolué dans plus d'un club des Ligues 1 et 2 et le difficile équilibre devoirs-droits, les performances et les résultats avant les revendications n'est pas une mince affaire. Je m'en réjouis de m'en être acquitté et je remercie tous mes coéquipiers pour avoir reçu le message cinq sur cinq. Mehrez Hosni signale ainsi le grand mérite d'une formation-type stable, solidaire et unie pour le meilleur et pour le pire avec Koutaïeb Yaâcoubi, Bassem Mkaouem, Maher Khémis et Anis-Matar Bacha en défense, Nabil Ben Saïd, Seïfeddine Kanzari, Zouhaïer Attia et Kinda Boubacar au milieu et Youssef Fouzaï, Ahmed Hosni et Chiheb Zoghlami en attaque». Pas de grands noms comme on le constate ni de gros calibres dans la liste de ces joueurs qui ont fait l'événement mais suffisamment d'expérience et une soif de jeu qui ont forgé un collectif discipliné et homogène qui a su faire face à toutes les tempêtes et transformer l'utopie en réalité. Les supporters à la rescousse Le faible budget du club, l'un des plus modestes des clubs de la Ligue 2, n'autorise aucune folie en matière de recrutement, de salaires et de primes de victoires qui varient entre quatre cents et cinq cents dinars alors qu'elles avoisinent, voire dépassent les mille dinars pour d'autres équipes. Depuis le décès de l'ex-président, Ali Amane, qui a tant fait pour l'ASD et à la mémoire duquel cette accession est dédiée en premier, c'est le comité de soutien présidé par Anis Hamrouni qui gère les difficultés financières. Sans la montée au créneau de ce comité avec notamment chèques de garantie personnels mis à la disposition des joueurs via leur capitaine pour les rassurer sur leurs arriérés et la main-forte prêtée à ce soutien tous azimuts par Habib Turki, Jamel Mzabi, Fadehl Zarraâ, Haïthem Ben Ghorel, Azzeddine El Cadhi, Habib Berrajah, les frères Hamouri et René Trabelsi, l'ASD ne serait pas à coup sûr parvenue à surmonter ses déboires financiers actuels et assurer ce qui, il y a peu de temps, n'était qu'un petit espoir sans plus, caressé sans trop de conviction par une minorité de fans fidèles et dévoués à savoir ces jolies retrouvailles avec le football d'élite. A une saison touristique qui promet, s'ajoute une saison sportive non moins prometteuse. Toutes les raisons pour que Djerba soit en liesse.