A l'occasion du Mois du patrimoine, Le Kef a exhibé ses atouts... façon aussi de faire du pied à tous ceux qui pourraient être tentés par l'aventure de nouveaux projets dans le domaine du tourisme culturel. Trois jours durant, l'association «Les amis du Kef» a fait de cette ville du nord-ouest tunisien une capitale rêvée du tourisme culturel. En effet, elle a organisé, du 9 au 11 mai, la manifestation «Le Kef chante la Tunisie». Le programme proposé allie spectacles de musiques traditionnelles locales, visites des monuments de la ville et découverte de la gastronomie kefoise. La journée du vendredi avait commencé à la place «Cheikh Ali Ben Aissa», où la troupe les Snadid de Dahmani a attiré les premiers visiteurs. Pendant ce temps-là, d'autres participants pouvaient découvrir, groupe par groupe, le musée des arts et traditions populaires, situé juste en face. Pour l'occasion, un fonctionnaire du musée est venu prêter main-forte aux guides. Le musée est situé dans les murs du mausolée de cheikh Ali Ben Aissa Bouhjar. Dans la pièce principale où se trouve la tombe du saint, sont exposés costumes et bijoux de la mariée kefoise. La pièce d'à côté est une petite mosquée où sont exposés aujourd'hui une tente et des ustensiles de bédouins qui venaient jadis de l'intérieur et du sud du pays à la saison des récoltes. Après un patio, le visiteur pénètre dans une salle réservée aux arts équestres et qui servait autrefois d'école coranique du mausolée. «On peut deviner la vocation de cette salle grâce à ses propriétés acoustiques», explique le guide. Une stratégie claire et durable pour le tourisme culturel Le musée des arts et traditions populaires explique pourquoi l'événement «Le Kef chante la Tunisie» a vu le jour. Il est à la fois témoin de la richesse culturelle et du potentiel touristique de la région. Son état de conservation est témoin de tout ce qui reste à faire pour que la ville puisse devenir un pôle de tourisme culturel. «Des travaux sont en cours, mais il faudrait qu'ils aboutissent le plus tôt possible», nous déclare le guide qui nous affirme que le flux des visites est assez bon en ce qui concerne ce monument. A la fin de la journée, la basilique de la ville, située à quelques mètres du mausolée de Sidi Ali Ben Khlifa, a accueilli une conférence sur l'histoire et les spécificités culturelles de la région. Elle a eu comme intervenants l'historienne Hayet Aloui, le porte-parole de l'événement Adnene Tebessi et le professeur en musique Ali Aouadi. Leurs exposés sur les richesses du Kef, en monuments, en patrimoine immatériel, en produits bio et en artisanat pointent vers le potentiel dont elle dispose pour attirer touristes tunisiens et étrangers. Mais ces intervenants n'ont pas manqué de souligner les freins à ce rêve commun dans la région. «Il faut fixer les habitants des régions frontalières par la création d'une zone de libre-échange et songer à développer le tourisme alternatif (sportif, de chasse, sanitaire...)» pense Hayet Aloui, alors que Adnene Tebessi se plaint du manque d'infrastructures et de stratégies claires en matière de développement. Une journée haute en couleur Après la visite du musée, en suivant les Snanid, tout de blanc vêtus sur leurs chevaux, les visiteurs ont longé une Kasbah en parfait état de conservation, qui domine la ville. Les coups de feu des chevaliers étaient rythmés par les youyous et la musique du tambour (t'bal), la flûte (zukra) et le mézoued. En descendant vers la Médina, un autre saint et un autre type de musique ont accueilli les visiteurs. Le célèbre mausolée de Sidi Ali Ben Khlifa. «Le Kef est une ville sainte qui abrite 53 marabouts», avait affirmé le guide du musée. Dans la place dédiée à ce saint, la musique soufie locale de la Aissaouia enchante les présents, entre locaux et visiteurs. Ces derniers sont invités à déguster les mets traditionnels comme la Refissa, habituellement consommée en petit-déjeuner, dont la semoule peut servir de base pour la préparation de biscuits en forme de rectangle, communément appelés «Abraj». De nombreux visiteurs ont répondu présents pour l'événement. La plupart d'entre eux venaient au Kef pour la première fois. Parmi eux, Samir, un entrepreneur tunisien vivant en Suisse : «Je suis venu parce qu'il y a eu beaucoup de pub et que je ne connaissais pas la région», nous déclare-t-il. Et d'ajouter : «J'ai étéimpressionné par les guides, par la richesse de la région et par l'accueil des habitants ». Ce visiteur, séduit par la ville, trouve malgré tout frustrant le manque d'investissements. «Je drainerai des projets suisses si je peux», affirme-t-il. Selon lui, il faut installer un tourisme culturel durable. «Les touristes étrangers adorent les produits du terroir et l'authenticité, mais exigent la sécurité», dit-il. Il n'était pas le seul à trouver également qu'il manquait à cette visite un guide de poche pour la région.