Les Keffois gardent encore vivants les signes et les symboles de la Révolution ; en témoignent, les murs de leur ville tous chargés de graffitis et de slogans contre l'ancien régime, gravant ainsi des moments historiques vécus par l'une des régions du nord ouest tunisien, à l'instar de toute la Tunisie, du nord au sud et de l'est à l'ouest. Le Kef est une ville de montagne, perchée à 780 mètres d'altitude, une ville qui conserve les traces de la colonisation romaine entre les anciens remparts qui l'enserrent ; les trois religions abrahamiques y ont bâti chacune, un ou plusieurs lieux de culte, entre le mausolée Sidi Bou Makhlouf et la mosquée El Qadriya pour l'Islam, la synagogue de Ghriba pour le judaïsme et l'ancienne basilique romaine pour le christianisme. C'est aussi, une ville où ont toujours régné la pauvreté et l'exclusion, sous le règne de Ben Ali et même avant ; une région où les jeunes ont été forcés d'émigrer vers les villes côtières et autres, à la recherche d'un emploi, souvent avec très peu de succès. L'émigration clandestine en solution de rechange Fief de nombreux martyrs, suite à la Révolution, la ville du Kef a abrité lundi dernier, le démarrage des festivités pour la mise en valeur de son patrimoine ainsi que de celui de la Tunisie en général. Des festivités qui ont eu lieu dans un climat de contestation sociale car les Keffois qui étaient présents partout où nous nous rendions, se plaignaient de la lenteur du Gouvernement provisoire à trouver des solutions urgentes à leur situation. « Nous avons besoin tout d'abord, de manger et de trouver du travail , sinon, on va opter pour l'émigration clandestine et brûler jusqu'à Lempadusa», nous dit Bilel Mejri, un jeune chômeur, titulaire d'une maîtrise en économie qui donne un délai d'un an pour que l'Etat investisse dans la région et crée de nombreux projets dont : un hôpital universitaire, une faculté de médecine avec toutes les spécialités, une autoroute et une infrastructure hôtelière, car les seules réalisations dont est dotée la ville, datent de l'époque coloniale, selon ses dires. Halte au pillage du patrimoine A l'instar de la communauté internationale, la Tunisie a fêté donc, le 18 avril et pour la première fois, la Journée internationale des sites et monuments, instituée par le Conseil international des monuments et sites (ICOMOS). Dans une déclaration rendue publique à cette occasion, le ministère de la culture rappelle que ce projet adopté par la conférence générale de l'Unesco en 1983, et qui a été approuvé par la Tunisie, n'a jamais été célébré ; le régime déchu a marginalisé cette échéance culturelle internationale à travers des activités inscrites dans le cadre d'un "mois du patrimoine" sans prévoir un programme digne d'une journée (18 avril), déclarée celle de la solidarité internationale, vis à vis de la protection du patrimoine. Plus grave encore, selon les sources du ministère de la Culture, le pillage du patrimoine par le régime déchu a sévi durant des années, sous la cape des instructions présidentielles, arbitraires et illégales, pour le déclassement des sites de Carthage en vue de les rendre des terrains constructibles, ce qui constitue auprès des spécialistes et des services de l'Unesco, un crime contre l'humanité et son patrimoine. Un musée pour les femmes keffoises Pour cette nouvelle ère post- révolutionnaire, le choix a été porté donc, sur la ville du Kef où nos responsables du Gouvernement provisoire ont déclaré la date du 18 avril, journée nationale du Tourisme culturel rappelant que cette ville de par son histoire, représente l'un des plus beaux sites de la Tunisie. Il était aussi question de mettre l'accent sur la nécessité de protéger les monuments historiques et les sites archéologiques afin de les exploiter dans le tourisme culturel et favoriser ainsi la création de nouveaux postes d'emplois. Ezzedine Beshaouch et Mehdi Houas , respectivement ministres de la Culture et du Tourisme et Commerce, ont invité à cette occasion, les créateurs et les intellectuels de la région à présenter des propositions pour assurer la dynamisation de l'action culturelle et du tourisme archéologique. Ils étaient accompagnés de Lilia Labidi, ministre des Affaires de la Femme et d'une délégation formée de journalistes et du corps diplomatique des pays comme, l'Italie l'Algérie, le Maroc et l'Espagne. Tous conviés à une visite guidée et commentée par Mohamed Tlili, archéologue et universitaire, dans les dédales des différents sites historiques dont (la Kasbah, le musée des coutumes et traditions, la basilique romaine, le monument de Sidi Bou Makhlouf, Dar El Kahia…). Interrogée sur la possibilité de créer un musée pour les femmes, Lilia Labidi, ministre des Affaires de la femme a évoqué devant l'assistance, le grand rôle joué par la femme keffoise dans l'histoire du mouvement national tout en rappelant que cette région est aussi le berceau de grandes dames artistes et poètes dont, Saliha pour le chant, Zohra Faiza pour le théâtre et Zoubeida Bchir pour la poésie. L'idée de leur consacrer un musée est très intéressante dans la mesure où son département ,aidé par le CREDIF pour la documentation, va étudier prochainement le projet. Pourvu qu'on passe à l'acte pour que le citoyen keffois retrouve sa dignité et que sa région ne sera plus classée parmi les zones d'ombre en Tunisie.