L'augmentation des salaires des affiliés à la Cnrps risque d'alourdir le déficit de la Caisse en raison de la revalorisation automatique des pensions de retraite si la péréquation est appliquée Face à l'augmentation croissante des dépenses publiques, le gouvernement Mehdi Jomaâ a annoncé une série de mesures au cours du Conseil ministériel restreint tenu le vendredi 2 mai au Palais de La Kasbah. Entrant dans le cadre de la maîtrise de ces dépenses, une de ces mesures prévoit notamment de convertir les bons d'essence délivrés chaque mois aux hauts cadres et fonctionnaires du secteur public en une prime compensatoire. Si cette réduction des dépenses de l'Etat va permettre de réaliser des économies, on ignore, par contre, si cette prime sera comptabilisée ou non dans les salaires bruts des fonctionnaires. Dans ce cas, l'augmentation des salaires de ces affiliés à la Caisse nationale de retraite et de prévoyance sociale (Cnrps) va automatiquement se répercuter sur les pensions de retraite qui vont être à leur tour augmentées, comme le stipule le mécanisme de péréquation spécifique au régime de retraite de la Caisse. En effet, ce dernier prévoit une revalorisation des pensions de retraite à chaque fois qu'une augmentation d'un des éléments permanents du salaire d'un actif est décidée ou qu'une indemnité permanente est intégrée dans ce salaire. Si cette augmentation est prévue, elle risque d'alourdir davantage le déséquilibre financier de la Cnrps qui traverse déjà une crise sévère et chronique. Selon Sami Remadi, président de l'Association tunisienne de la transparence financière, le gouvernement doit réfléchir aux modalités pratiques d'application de cette prime. Celle-ci ne doit pas être comptabilisée dans les salaires sur la base desquels sont calculés les cotisations de retraite. «Il s'agit, en effet, d'une mesure intéressante, car il est préférable que les hauts fonctionnaires de l'Etat perçoivent une prime à la place des bons d'essence pour éviter le gaspillage et le mauvais usage de ces derniers. Chaque fonctionnaire reçoit un nombre très important de bons d'essence qu'il n'arrive pas à utiliser. Il distribue, de ce fait, un grand nombre aux membres de sa famille et en vend d'autres à des kiosques à essence. Les remplacer par une prime est plus judicieux. Cela va aussi permettre à l'Etat de réaliser des économies de carburant. Il s'agit, ainsi, d'une mesure qui a, également, une dimension écologique». Du côté de la Cnrps, difficile d'avoir une déclaration ou un témoignage sur l'éventuel impact de ces mesures au niveau des pensions de retraite et de l'état financier de la Caisse. Et pour cause : «On ne peut pas juger une hypothèse comme c'est le cas pour ces mesures qui ne sont pas encore des décisions effectives», nous apprend le bureau de presse. Toutefois, la crainte est perceptible et on ose espérer que «dans le cas de l'adoption de ces mesures, une décision complémentaire viendrait exclure la péréquation». Préparer le terrain à des mesures plus douloureuses Sami Remadi désapprouve, par ailleurs, la mesure qui prévoit de supprimer les voitures de fonction jugeant qu'elle est pénalisante pour les hauts cadres et fonctionnaires de l'Etat. «Les voitures de fonction représentent seulement 30% du parc automobile en Tunisie, il n'y aura donc pas d'économies considérables réalisées à partir de l'application de cette mesure. C'est une mesure pénalisante pour ces fonctionnaires qui travaillent beaucoup, leur expérience et leur abnégation ont permis à notre pays d'éviter la dérive». L'économiste Moez Joudi pense, quant à lui, que ces mesures serviront davantage à donner l'exemple aux citoyens qu'à combler un déficit budgétaire estimé à 15 milliards de dinars. «Il s'agit plus de mesures symboliques qu'autre chose, elles sont peu conséquentes sur un déficit qui s'élève à 15 milliards de dinars. Elles ont surtout été prises pour préparer le terrain à des mesures plus douloureuses qui vont toucher le citoyen. L'adoption de ces mesures représente une arme à double tranchant. En supprimant certains avantages, l'Etat risque de pousser vers la porte de sortie des hauts cadres qui sont loin d'être grassement payés dans le cadre de leur fonction. Or, les hauts fonctionnaires représentent de grandes compétences au service de l'Etat. Une telle mesure pourrait les pousser à abandonner leur poste et à s'orienter vers le privé».