Par Sihem BENSEDRINE La mise en place de l'Instance Vérité et Dignité (IVD) continue de déranger certains lobbies médiatico-sécuritaires liés à l'ancien régime, qui voient en ce mécanisme prévu par la loi sur la justice transitionnelle, une menace de voir déterrer des vérités peu glorieuses les concernant. Ils multiplient les campagnes ciblant les personnalités qui leur font peur par leur indépendance et leur intégrité et s'invitent à la commission de tri pour tenter de dicter leurs choix, portés sur ceux qui risquent de les gêner le moins. Leur campagne s'est concentrée ces derniers temps sur ma personne, servant encore une fois les litanies éculées du temps de Ben Ali, et faute d'aligner des preuves tangibles, ils promettent encore une fois de «lever le voile» sur mes prétendues «implications avec des parties obscures». Leur dernière trouvaille a été de dénicher un ancien détenu condamné à 10 ans de prison pour trafic de drogue (affaire 20849) et qui a purgé ses 10 ans entre 1994 et 2004 : ils l'ont revêtu du label révolutionnaire de «messager de la Kasbah» pour s'indigner de ma présence à l'IVD et menacer de faire une grève de la faim sauvage si j'y suis maintenue ! Ses marionnettistes lui ont organisé une conférence de presse, tenez-vous bien... au local du syndicat des journalistes (Snjt) dont les portes se sont grandes ouvertes pour accompagner dans sa mission désinformatrice un individu condamné à une peine infamante qui ne l'autorise pas à diriger une quelconque association ! Ce qui est regrettable, c'est qu'il s'est trouvé des médias «établis» pour colporter la marchandise du dealer et lui donner du crédit, sans procéder aux vérifications d'usage qu'impose le professionnalisme. Ceux-là devraient garder à l'esprit que de telles pratiques sont passibles de poursuites judiciaires. Ces campagnes ne m'intimideront pas davantage que les précédentes. J'aurais été plus gênée par les louanges nauséabondes distribuées à tour de bras, tels de faux certificats de probité par les chefs d'orchestre de la désinformation. Leur hostilité me réconforte. Savoir résister aux intimidations, menaces, pressions, flatteries serviles et autres procédés visant à déstabiliser est un gage d'indépendance. Je rappelle que la mission prioritaire de l'IVD est d'établir la vérité, préserver la mémoire, restituer les droits, pointer les dysfonctionnements et convaincre les responsables des violations de collaborer et de s'impliquer en vue de leur réhabilitation réelle, préférable à une dégradante quête d'impunité. C'est à ces conditions que l'on peut définitivement tourner la page d'un passé douloureux et prévenir toute forme de retour à une dictature avilissante.