La gestion des ressources hydriques se fait par le ministère de l'Agriculture même pour des questions qui intéressent les régions. Une nouvelle gouvernance est proposée pour appliquer la décentralisation de la décision La rareté de l'eau dans notre pays nécessite la prise de dispositions radicales en vue de limiter le gaspillage et l'utilisation rationnelle des ressources disponibles. D'après les prévisions établies, la Tunisie est classée parmi les 17 pays sur un ensemble de 118 qui seront en situation de rareté de l'eau absolue d'ici à l'horizon 2025. Le climat de notre pays est considéré, en effet, comme semi-aride caractérisé par des périodes de sécheresse et d'autres pluvieuses. D'où la nécessité de prendre les mesures nécessaires en vue d'assurer une meilleure gestion des ressources hydriques disponibles. Lors de la table ronde sur «Le cadre légal de la gouvernance locale de l'eau en Tunisie : évolution et effectivité», organisée par le Centre de recherches et des technologies des eaux (Certe) du technopôle de Borj Cédria dans un hôtel de la place, la situation actuelle en matière de gestion des ressources en eau a été examinée minutieusement. Mme Souhyr Kaddachi, experte en législation et droit de l'environnement, ex-conseillère des services publics au ministère de l'Environnement et du Développement durable et, actuellement, avocate, a parlé de la gouvernance et de la gestion appropriées des eaux en prenant en compte la rareté des ressources disponibles. L'examen du Code des eaux relève, cependant, dans son article 4, que le domaine public hydraulique est administré par le ministère de l'Agriculture, sauf dérogation par décret. Recherche des eaux souterraines C'est dire que la gestion des eaux est centralisée. L'oratrice a mis en exergue, par ailleurs, les principes de la bonne gouvernance des eaux qui se basent essentiellement sur une meilleure gestion quantitative de l'eau en misant sur l'économie des ressources. Il s'agit de développer les ressources non conventionnelles comme l'eau épurée. L'eau est considérée par l'article 86 du Code des eaux comme une richesse nationale à développer et à utiliser d'un façon rationnelle. La législation en vigueur consacre un article pour la gestion durable de l'eau. Même la Constitution de janvier 2014 donne à l'eau un principe à valeur constitutionnelle, soulignant la nécessité de «garantir l'accès à l'eau pour tous. La conservation et la rationalisation de l'utilisation de l'eau est désormais un devoir partagé entre l'Etat et la société. En plus, le domaine public hydraulique est garanti contre les risques d'empiètement et de dégradation. L'oratrice a cité certaines exceptions à la règle de la bonne gouvernance des eaux comme, à titre d'exemple, le régime de la concession qui fait suite à une autorisation de recherche des eaux souterraines par puits ou forage de plus de 50 mètres. Cette autorisation ne donne aucun droit à l'utilisation de l'eau. Toutefois, les demandes de concession peuvent être refusées si elles sont contraires à l'intérêt public ou au droit des tiers. Les systèmes d'incitation sont utilisés à travers le Code d'investissement dont la révision a été faite. Mme Kaddachi rappelle que le domaine public hydraulique est géré par le ministère de l'Agriculture, assisté par le Conseil national de l'eau et la commission spécialisée dans ce domaine. L'eau est considérée comme un élément de production agricole. Le cadre institutionnel relatif à la conservation de l'eau et la rationalisation de son utilisation se réfère ainsi à la production agricole et à la sécurité alimentaire. Valoriser les eaux traitées Le Conseil national de l'eau émet un avis sur les stratégies et les objectifs fixés dans le cadre d'un mission consultative. La gouvernance locale de l'eau est totalement absente. Même les commissariats régionaux de développement agricole (Crda) travaillent sous la tutelle du ministère de l'Agriculture pour la gestion du domaine public hydraulique et la mise en valeur agricole au niveau régional. Le Crda n'a donc pas de pouvoir décisionnel. La mission consultative de la commission régionale des organismes professionnels, présidée par le gouverneur, la prive, elle aussi, de tout pouvoir décisionnel qui revient au ministère de l'Agriculture. La décentralisation de la gestion de l'eau est presque absente dans la mesure où la décision se prend sur le plan central par le ministère de l'Agriculture. De son côté, Mme Souad Dkhil, ingénieur, a évoqué «les aspects juridiques dans la gestion des eaux usées traitées». L'Etat a choisi de valoriser les eaux usées traitées dont le potentiel est de 240 millions de m3 en 2012 provenant de 110 stations d'épuration. En 2021, ce potentiel devrait être portée à 500 millions de m3. Durant les dernières années, plusieurs superficies agricoles ont été irriguées par ces eaux. La gestion de ces ressources est effectuée principalement par le ministère de l'Agriculture. Un cadre juridique a été mis en place pour prévenir les risques liés à l'utilisation de ces eaux. La norme NT 106-002 relative au rejet des affluents et la norme NT 106.03 relative à l'utilisation des eaux usées traitées à des fins agricoles constituent une garantie de qualité. Un décret a également fixé les conditions d'utilisation de ces eaux pour l'agriculture alors qu'un arrêté a défini les cultures qui peuvent être irriguées par les eaux traitées selon un cahier des charges élaboré. Ces eaux servent aussi à l'irrigation des espaces verts en dehors des heures de visite du public. Certaines contraintes ont été constatées lors de l'utilisation de ces ressources. La qualité de l'eau tout juste moyenne est mise en cause. Certains agriculteurs n'utilisent pas toujours une eau conforme aux normes et ne portent pas la tenue exigée dans les opérations d'aspersion. En outre, le cadre législatif n'est pas bien appliqué par tous les intervenants.