Les facteurs de l'éradication du terrorisme sont connus : un peuple qui rejette en bloc et avec fermeté ce cancer, et des brigades spéciales et antiterroristes réputées dans le monde pour leur professionnalisme. L'attaque perpétrée mardi soir contre la maison du ministre de l'Intérieur à Kasserine, ville du centre-ouest, se soldant par la mort de quatre agents de sécurité et deux blessés, dont un grave, soulève bien des questions. La première, cette attaque pouvait-elle être évitée ? Oui et non. Beaucoup ont déjà été déjouées, grâce à l'action antiterroriste des forces de sécurité ou de l'armée. Grâce parfois à l'amateurisme des terroristes eux-mêmes. Cependant, statistiquement parlant et au regard des expériences à traves le monde, il n'y a pas de bouclier antiterroriste parfait. La raison : il peut toujours y avoir des initiatives individuelles, des cellules dormantes, des loups isolés, par définition plus difficiles à cerner. Deuxième question qui a été soulevée depuis hier, et qui laisse entendre qu'il aurait fallu que la garde du domicile de la famille du ministre soit plus professionnelle et mieux préparée. Le fait est qu'il y aurait au moins, par un calcul sommaire évident, dans les 500 cibles potentielles; ministres, hauts gradés, députés, endroits sensibles, ambassades, banques, grandes surfaces, aéroports, écoles, personnes ayant reçu des menaces. Il faudrait 5.000 à 10.000 gardiens armés jusqu'aux dents, mobilisés à plein temps. Autre interrogation soulevée par les médias et analystes : est-il vrai que les terroristes sont nombreux, bien armés, et qu'on n'arrivera pas à bout. Selon toute vraisemblance, la réponse est non. Puisque les facteurs de risque sont maintenant connus : le voisinage avec l'Algérie et la Libye où se trouvent des groupes terroristes bien entraînés et lourdement armés; le discours de radicalisation désormais bien étudié par les scientifiques, le même qui a semé ses graines pendant les années Troïka ; l'inconscience de confrères ou de responsables politiques qui ont légitimé le discours terroriste en pensant que l'on pouvait dialoguer avec eux. Mais les facteurs de réussite de la guerre antiterroriste sont connus aussi : un peuple qui rejette de la manière la plus ferme le terrorisme ; des forces de sécurité dont les brigades spéciales et antiterroristes sont réputées dans le monde pour leur professionnalisme. Autre interrogation posée de manière récurrente : le terrorisme est-il un legs de la Troïka ? Les Tunisiens ne s'y trompent pas. Ils sont nombreux, citoyens lambda et observateurs avertis, à pointer du doigt, bruyamment, la Troïka 1 et 2, dès qu'un événement tragique se produit. L'accueil réservé au député du parti Ennahdha Walid Bannani devant la maison attaquée du ministre n'est qu'un signe de plus de cette colère populaire. Tout compromis serait de la compromission De quoi sera fait demain ? C'est la question que nombre de Tunisiens se posent avec angoisse. Il est un fait qu'Ennahdha semble avoir compris qu'aucun compromis n'est possible avec les terroristes. Dans tous les cas, Rached Ghannouchi le dit maintenant et l'assume. Après le fameux « les salafistes sont nos enfants et me rappellent ma jeunesse», il semble avoir fait un virage à 180 degrés. En est-il de même pour le président de la République ? Après avoir professé un compromis historique avec l'islamisme politique, Moncef Marzouki avait reçu à plusieurs reprises des chefs radicaux au Palais de Carthage. Plus récemment, au moment où on pouvait penser qu'il aurait tourné la page de cette erreur, il leur a offert l'amnistie dans un discours mystique prononcé au pied du mont Chaâmbi, devant les soldats tunisiens qui comptent plusieurs martyrs. Le reste des forces politiques semble au contraire désormais convaincu que tout compromis avec les terroristes serait de la compromission. Dernière question, le terrorisme est-ce vrai ? Il y aura toujours quelqu'un pour mettre en doute les évidences. Les complotistes en premier. Tous les problèmes viennent de l'étranger, d'Israël, des Etats-Unis, de l'Occident, d'après eux : « Nous ne sommes responsables de rien, nous autres ». Il y aura les sceptiques, ceux qui ne croiront jamais ce que dit l'Etat, et qui cultiveront a contrario toutes les complaisances à l'endroit des terroristes. Ceux-là, même si le pays était réduit en cendres, jusqu'au dernier jour, nieront l'évidence. Il y aura les «légitimistes», certains militants, certains avocats, certains confrères et consœurs qui légitimeront les terroristes et leurs discours, en réalisant telle ou telle interview d'un chef terroriste ou d'un kamikaze, au nom de la liberté d'expression, et en parleront avec fierté ! Cependant, contrairement à plusieurs dossiers en suspens, la guerre contre le terrorisme a réussi à unir les Tunisiens contre un seul et unique ennemi identifié, sauf une minime proportion dont il serait permis de douter du patriotisme.