Le ministre de l'Intérieur désigne trois départements ministériels des gouvernements de la Troïka sortante qui n'ont guère brillé par leur diligence dans la lutte antiterroriste : les Affaires religieuses, les Technologies de la communication et l'Agriculture Après plusieurs semaines de silence, le ministre de l'Intérieur a enfin daigné parler de l'opération antiterroriste de Raoued. Tout en révélant des bribes de vérité sur la lutte antiterroriste et l'assassinat de Chokri Belaïd. Et en éludant soigneusement la question de la liquidation terroriste de Mohamed Brahmi. Dans l'interview publiée hier sur les colonnes de notre confrère d'Alchourouk, Lotfi Ben Jeddou n'a pas tout dit. Bien évidemment. Un ministre de l'Intérieur, ça ne révèle pas tout. Forcément. Ce que l'on doit en retenir, c'est ce qu'un certain nombre d'observateurs avertis révélaient jusqu'ici moyennant l'animosité non feinte des gouvernants. Dans la lutte antiterroriste, l'Etat tunisien évolue à deux vitesses. D'un côté, ceux qui luttent, de l'autre ceux qui temporisent ou traînent la patte pour diverses considérations. Celles-ci tiennent autant de la compromission que des étroits calculs politiciens et électoralistes. Le ministre de l'Intérieur a désigné trois départements ministériels des gouvernements de la Troïka sortante qui n'ont guère brillé par leur diligence dans la lutte antiterroriste : les Affaires religieuses, les Technologies de la communication et l'Agriculture. Malgré les réunions tenues avec les ministres, a-t-il révélé, aucun d'eux n'a facilité la tâche du ministère de l'Intérieur. Il parle aussi de l'absence de volonté et de motivation dans la lutte antiterroriste durant les gouvernements de la Troïka. Ce qui, à l'en croire, tranche net avec l'état d'esprit ambiant depuis l'avènement du gouvernement Mehdi Jomâa. Soit. Un mea culpa à moitié. Même si on aurait tant souhaité entendre ces révélations alors que la Troïka gouvernait encore. Car c'est bien beau de parler après coup. En fait, étrangement, trois anciens ministres de la Troïka ont donné, hier précisément, des révélations critiques sur leur défunt gouvernement. L'ancien chef du gouvernement, Ali Laârayedh, a regretté le gouvernement englobant seulement trois partis politiques. Mohamed Abbou s'en est pris au laxisme dans la préservation du prestige de l'Etat et Lotfi Ben Jeddou a pointé les ministères réfractaires dans la lutte antiterroriste. Révélations tardives, certes, mais non moins instructives. Et bien qu'elles semblent sélectives et en pointillé, elles révèlent quand bien même des bribes amères d'une triste vérité. Soyons clairs: l'Etat tunisien a bien été pris en charge, voire noyauté, par des gens qui n'en avaient cure. Leur motivation demeure secrète, ou non déclarée. Certains ont agi avec la chose publique et les institutions en termes de butin, d'autres mus par un esprit de revanche ou des calculs de boutiquier électoraliste et politicard. Dans l'horreur et les forfaitures aussi, il y a une hiérarchie des normes. La compromission, sous quelque label que ce soit, avec le terrorisme est condamnable. Aucune considération ne saurait le justifier. En se confiant, le ministre de l'Intérieur a levé un coin du voile. Parce que ses propos mêmes camouflaient des questions embarrassantes. Telle l'incurie du ministère de l'Intérieur proprement dit dans la prévention de l'assassinat du député du Front populaire, Mohamed Brahmi. Un bref rappel des faits s'impose. Il y a des mois, Lotfi Ben Jeddou avait bien concédé que la CIA avait informé ses services, le 14 juillet 2013, d'un projet d'assassinat par des salafistes du député d'opposition Mohamed Brahmi. Celui-ci avait été tué onze jours plus tard, le 25 juillet 2013, par un commando terroriste. Le ministre l'Intérieur a même authentifié, vendredi 13 septembre 2013, un document interne de ses services daté du 15 juillet, et qui faisait état de cette menace. Mais l'alerte de la CIA ne lui avait pas été communiquée, a affirmé le ministre qui avait indiqué avoir ouvert une enquête interne. Il est utile de savoir que le document avait été divulgué par l'Irva, une association qui cherche à établir la vérité sur le meurtre terroriste d'un autre opposant, dirigeant du Front populaire, Chokri Belaïd. Et dire que dans sa longue interview d'hier, Lotfi Ben Jeddou n'en a pas soufflé le traître mot. Pourtant, c'est la séquence qui pèsera pour toujours dans son bilan, voire sur sa conscience. Maintenant que des langues officielles semblent déliées, ne fut-ce qu'à moitié, devra-t-on d'aventure escompter d'autres bribes de vérités à plus ou moins brève échéance ? De sorte que les petits ruisseaux des demi-mots formeront une grande rivière de semi-vérités ? Tout porte à le croire. Au grand dam de la vérité une et indivisible.