La capitale du Kurdistan irakien — et capitale du tourisme arabe en 2014 — se dote de son premier festival international... Avec un programme de films en compétition très marqué par la réalité kurde... Un hasard, assurent les organisateurs, qui promettent un éventail plus ouvert lors des prochaines éditions... Du 30 mai au 3 juin, la capitale du Kurdistan d'Irak, Erbil, a vu naître son festival international consacré au 7e art. La direction du festival et les membres du jury ont tenu une conférence de presse, le 3 juin, dans un hôtel d'Erbil, quelques heures avant la cérémonie de clôture. Tout d'abord, pourquoi le Festival international du film d'Erbil a-t-il vu le jour ? Le président du festival, Anouar Yasseri, nous répond que le cinéma local est développé et que les films kurdes obtiennent des prix partout dans le monde. Il est donc temps que la région ait son propre festival international. Selon le journaliste kurde Dillshad Abdullah, la production cinématographique dans la région était prospère dans les années 60 et 70. Elle a été interrompue ensuite à cause de la guerre et, aujourd'hui, elle revit et se développe à nouveau. De plus, Erbil est la capitale du tourisme arabe en 2014, et le festival a été créé dans le cadre de cette manifestation. La cause kurde Les films participant à la compétition internationale viennent principalement des pays du grand Kurdistan. Ce n'est point un parti pris du comité d'organisation. Anouar Yasseri tient à le préciser pendant la conférence, en justifiant cela par le petit nombre de films reçus en cette édition fondatrice. «Nous n'avons aucun agenda et les critères de sélection sont purement artistiques», a-t-il déclaré. La plupart des films de la compétition sont quand même axés sur la cause kurde et sur les problèmes sociaux dans la région, comme l'a remarqué l'actrice syrienne, membre du jury, Mouna Wassef. La présidente du jury, la cinéaste et productrice iranienne Tahmineh Milani, a, quant à elle, exprimé sa fierté de participer au lancement de ce festival. «En tant que personne active dans le domaine cinématographique depuis 35 ans, je peux vous assurer que les festivals qui réussissent sont ceux qui laissent les considérations politiques de côté», a-t-elle témoigné. Selon elle, un tel festival est important pour permettre aux réalisateurs kurdes d'échanger et de confronter leurs expériences avec d'autres cinéastes. 52 longs métrages ont fait partie du programme de la première édition du festival international du film d'Erbil, toutes sections confondues. Des films kurdes, arabes, européens et hollywoodiens, dont le film d'ouverture, 12 years a slave (Esclave pendant 12 ans) de Steve McQueen, qui a reçu un grand nombre de récompenses, dont des Oscars et un Golden Globe. Le public local est un habitué des films hollywoodiens, qui sortent dans les salles à Erbil le même jour qu'aux USA, dans la multitude de multiplexes et de centres commerciaux de la ville. Le festival permet à ce public de découvrir une autre vision du cinéma, celle, par exemple, du cinéaste turc d'origine kurde Yilmaz Güney (1937 – 1984), primé à Cannes en 1982, pour son film Yol. Le festival consacre à ce cinéaste, décédé à Paris dans l'exil et la clandestinité, une rétrospective et un prix qui porte son nom. Les défis de la prochaine édition «Nous avons essayé d'inviter des stars arabes, mais la plupart sont retenus par les tournages des feuilletons ramadanesques», révèle le réalisateur kurde Nasser Hassan, directeur artistique du festival. Les organisateurs ont quand même pu inviter l'actrice Mouna Wassef en tant que membre du jury. Celle-ci a expliqué qu'elle voulait depuis un moment visiter Erbil après en avoir entendu parler dans les médias arabes. «Peu de gens le savent, mais je m'appelle Mouna Wassef Jelmran et je fais partie des kurdes de Syrie», a-t-elle ajouté. Juste avant son arrivée à Erbil, l'actrice a été victime d'une rumeur selon laquelle elle serait décédée. Selon elle, il ne s'agit pas d'un hasard. La première édition du festival international du film d'Erbil est passée par de nombreuses difficultés. Le festival a été reporté deux fois. Le conflit entre Erbil et Bagdad, qui bloque le budget de la région depuis 6 mois, a failli avoir des retombées sur l'événement. Ce dernier a été soutenu par de nombreux sponsors privés de la ville, entre banques, opérateurs téléphoniques et groupes industriels. Cela n'a pas empêché des défaillances au niveau de l'organisation, avec des retards, des changements de programmes et autres imprévus. Pendant la conférence de presse, le cinéaste kurde Ali Reysan, invité du festival, a mis le doigt là où ça fait mal en invitant les organisateurs à ne pas tomber dans la complaisance dans le choix des films et à mieux gérer l'organisation, base de tout festival réussi selon lui. Il a également insisté sur des éléments, comme les ateliers et les rencontres, pour enrichir le programme et pour l'échange d'expériences, surtout pour les jeunes. Leurs courts métrages, projetés dans le cadre du festival, sont importants et adoptent un langage universel, comme il en a témoigné. «Le festival est en construction, ne nous en demandez pas trop», a répondu Anouar Yasser. Et d'ajouter : «La prochaine fois, il y aura plus de films et un meilleur festival, qui se tiendra au printemps». La prochaine édition comptera peut-être, dans son programme, des films tunisiens, absents de cette première édition... Surtout qu'Erbil est, depuis peu, à 4 heures de vol de Tunis, grâce à l'ouverture d'une ligne directe par Tunisair.