Le gouvernement aurait-il réussi sa rentrée en tenant coup sur coup un Conseil des ministres consacré au projet de Loi de finances pour le prochain exercice suivi d'un autre autour du projet de Budget économique 2026 ? En tout cas, pour être louable, la démarche n'en a pas moins suscité une certaine frustration. Car en dépit de la longueur des communiqués publiés à l'issue de chacune de ses réunions et cela dans le but d'être le plus exhaustif possible sur les objectifs assignés aux deux projets, on demeure toujours dans les sempiternelles généralités et les vœux pieux. La présidence du gouvernement a réussi la performance de ne fournir aucun chiffre, aucune donnée qui étaye ces objectifs. Pourtant, en la matière, ça ne manque pas. Aucune donnée, aucun chiffrage Au terme du conseil des ministres consacré au projet de Loi de finances, on aurait espéré que le gouvernement fournisse un éclairage sur la trajectoire budgétaire 2025 avant d'étaler ses objectifs pour 2026. Une donnée aurait suffi pour rassurer sur l'état de santé de nos finances publiques, celle du déficit budgétaire ou celle de la dette publique ou encore celle de la pression fiscale par exemple. Il n'en est rien. A ce jour, on n'a aucune connaissance de l'état d'exécution du budget de l'Etat, état qui aurait permis de dégager une perspective de la trajectoire budgétaire 2025 et d'envisager son profil en 2026. Pourtant, le ministère des Finances a obligation de publier, en vertu de l'adhésion de la Tunisie depuis 2001 à la Norme spéciale de diffusion de données (NSDD) et librement consenti, un état mensuel de l'exécution du budget de l'Etat et un état mensuel de la dette publique. La diffusion de ces données a cessé depuis mars 2025 pour le premier et depuis décembre 2021 pour le second. Circulez, y a rien à voir. Les plus déterminés pourront toujours se fier aux statistiques financières de la Banque centrale de Tunisie (BCT) et de ses interventions sur le marché monétaire pour deviner les périodes de tensions budgétaires sans plus d'une part et observer l'évolution de l'encours des Bons du Trésor pour imaginer l'ampleur de l'endettement du pays et des perspectives qu'il laisse entrevoir pour l'année prochaine d'autre part. En tout cas, le communiqué de la présidence du gouvernement n'a pas laissé insensible le président de la commission des finances de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) qui a sèchement réagi stigmatisant la désinvolture du ministère des Finances en lui rappelant ses obligations de fournir un rapport semestriel de l'exécution du budget et de la dette publique et suggérant que, dans ces conditions, la commission serait en mesure de boycotter l'examen des deux projets lois.
Aucune perspective quantitative Le projet de Budget économique est logé à la même enseigne. C'est ce que suggère le communiqué du conseil des ministres qui lui était consacré le 2 septembre 2025. Le projet pose plus de questions qu'il n'apporte de réponses aux défis socioéconomiques qu'affronte le pays. Au préalable, la croissance économique sera-t-elle conforme à l'objectif initial de 3,2 % en 2025 ? Car, compte tenu du taux de croissance enregistré en glissement annuel durant le premier semestre 2025, il faudrait que la croissance économique affiche un rythme d'environ 4% au deuxième semestre 2025, en glissement annuel, pour atteindre l'objectif de 3,2% en année pleine. Ce serait une performance historique. Présagerait-elle le bout du tunnel ? On ne demande qu'à le croire. Mais on nous laisse là aussi sur notre faim. Aucun chiffrage, aucune quantification n'est fourni en parallèle des objectifs établis. Le secteur agricole pourra-t-il réitérer le record de croissance qu'il est en train d'établir cette année. La croissance du secteur affiche déjà 8,3% en glissement annuel au premier semestre 2025 pour un objectif en année d'un peu plus de 5%. Habituellement, l'activité agricole est plus lucrative au deuxième trimestre de l'année (agrumes, dattes et olives). Le secteur de la construction, autre gros contributeur au PIB, sortira-t-il de la crise dans laquelle il se débat ces dernières années ? Au cours du premier semestre 2025 l'activité de la construction a affiché une croissance de sa valeur ajoutée de 6,5% pour un objectif de 3,5% en année pleine. Il en est de même pour l'industrie mécanique, électrique et électronique, un autre gros contributeur au PIB qui arbore 5,2% de croissance de sa valeur ajoutée au cours du premier semestre 2025 pour un objectif annuel de seulement 2,2%. Ces secteurs se comporteront-ils comme tel durant 2026 ? On en a certainement discuté au cours du conseil des ministres, mais on garde le chiffrage au secret. Voilà ce que signifie le communiqué du 2 septembre 2025. Finalement, à la lecture des deux communiqués, cela renvoie singulièrement à la fameuse chanson de Dalida : Paroles, paroles et paroles…