Par Hamma HANACHI Semaine chargée en événements artistiques, ce qui ne change rien au rythme du Mondial de football, qui tient le haut des discussions et des commentaires médiatiques. La fête de la Musique a accroché les mélomanes, les amateurs et les badauds, comme un aimant. L'avenue Habib-Bourguiba a attiré les foules, jusqu'à tard dans la nuit. Face au ministère du Tourisme, les ensembles populaires avec chanteurs de charme, de rap et autre Slam se sont déchaînés sur le podium. Les examens et concours sont terminés, la fête est dans l'air : de Sousse à Sfax, de Hammamet à La Goulette ou à Bizerte, la jeunesse a célébré à sa manière le solstice d'été en musique, cette fête instaurée en 1982 par Jack Lang... Après une éclipse de quelques années, les Rencontres photographiques de Ghar El Melh reprennent leur cours avec bonheur : quatre jours durant, invités et hôtes ont partagé leur expérience. Expositions dans les différentes salles du Fort et colloques au programme... Salah Jabeur, photographe et cheville ouvrière de cette manifestation, est sur un nuage. Les photographes rencontrés sont satisfaits, entre plage et débats autour de leurs œuvres. Ils cultivent le vœu d'éduquer le regard des enfants de la région. A Sidi Bou Saïd, des artistes de rue (street art) peignent les bancs de l'artère centrale, transformant l'allée en galerie ouverte : un coup de fraîcheur qui change l'aspect des trottoirs, un concert en hommage à Astor Piazzola à Ennejma Ezzahra... Tango et bandonéon, la liste des événements est ouverte, longue et tentante. Mais ces opérations sont manifestement factuelles, comparées à l'événement principal qui s'est déroulé en banlieue nord : l'inauguration d'une salle de cinéma. Cela fait des années, des décennies qu'on n'a pas assisté à une inauguration pareille. Tout amateur d'art et de culture en général aimerait cet endroit charmeur, situé en pleine cité du Kram. Chaleur caniculaire en ce dimanche de juin, les Tunisois par paquets se dirigent vers les plages, dans cette banlieue grouillante. Moncef Dhouib invite à l'inauguration de son espace : le CinéVog. Un vieux cinéma de quartier comme il en existait des dizaines à Tunis et dans les régions et qui faisaient le bonheur des citoyens. La salle fut abandonnée, comme les dizaines d'autres. D'architecture coloniale, elle est située en plein quartier, faisant angle entre deux rues. Elle appartenait à un Italien de Tunisie. Le CinéVog a été construit en 1948 par la famille italienne Lombardo. Cette petite salle a connu sa gloire dans les années 1950/60. Les anciens de la région ont gardé en mémoire des péplums, des westerns et autres films d'aventures de l'époque, au prix de cent millimes, se rappelle un quinqua habitant encore le quartier. Le bâtiment est imposant : bel aspect, peint en blanc, deux entrées spacieuses, la salle est grande, un toit ouvrant que Moncef Dhouib a transformé, une scène large de plus de huit mètres de profondeur, 450 places, de blanc vêtu... L'hôte est épanoui. Il reçoit ses anciens amis, des hommes de culture. Le ministre en charge du département est venu féliciter l'entrepreneur. Les riverains, apparemment ravis d'avoir un espace culturel à proximité, tout le gratin culturel arrive en duo ou en groupe pour découvrir le bijou. Moncef Dhouib est fort sollicité : caméras et micros. Il explique avec sa patience habituelle ses motivations, indique les étapes de construction, la durée, les coûts, l'idée de départ. Le financement de ces travaux n'est pas ordinaire, le ministère de la Culture n'a pas participé au projet. Ni les banques, ni les hommes d'affaires n'ont mis la main à la poche : c'est la société civile qui a contribué à restaurer l'espace. Le credo : ouvrir au public un endroit où l'on projette des films, où l'on donne des cours d'éducation artistique aux enfants du quartier, où l'on invite des troupes de théâtre à créer, produire et présenter leur pièce. Un espace multiforme où chaque créateur trouverait son lieu d'expression. Pendant les entractes, les spectateurs bavarderaient et se détendraient, un endroit qui permet de prendre une boisson, un léger repas, sans gêner le déroulement des spectacles. Apparemment, les hommes de culture, les journalistes et les riverains ont cautionné le CinéVog, ravis de ce courant d'air culturel dans cette cité qui en manque. Les artistes de la région ont spontanément rejoint les invités. Parmi ces derniers, Najet Ghrissi, sculpteur sur métal, chalumeau et fil en main, exécute une œuvre sur place. Une Installation photographique de Omar Lasram, des clichés d'objets jetés sur le sable, sur papiers accrochés par des pinces à linge, tendus sur une corde entre deux pots de fleurs. La plage n'est pas loin, les déchets non plus. Mach, agitateur culturel, natif de la région, en compagnie de Selima Tria, artiste plasticienne, peint in situ un tableau abstrait. L'œil des spectateurs est à l'aise, discussion autour de l'espace. Mourad Sakli, ministre de la Culture, retrouve ses aînés. Enthousiaste, il répond aux questions des journalistes. Il est rejoint par les hommes de théâtre, de la télé, du cinéma. Du beau linge. Les riverains à l'affût des nouvelles sont venus comme en inspection générale : étonnement, propos élogieux. La partie est gagnée, on attendra l'ouverture officielle en octobre.