Sur les milliers de Libyens qui continuent de fuir leur pays pour se réfugier en Tunisie, il va falloir, coûte que coûte, identifier les «passagers à haut risque». Dure partie entre le chat et la souris... Ils sont désormais des centaines de Libyens à devoir choisir de fuir leur pays pour venir se réfugier en Tunisie. C'est surtout au poste frontalier de Ras Jedir où les records de pic continuent d'être pulvérisés, aidés en cela non seulement par la situation explosive qui prévaut dans un pays où l'islamisme radical est roi, mais aussi par la paralysie totale qui a frappé pratiquement tous les aéroports libyens. Doublé d'une chaleur torride, le décor planté à Ras Jedir est devenu, pour ainsi dire, absolument insupportable. Pour un douanier, «c'est à un calvaire quotidien que nous sommes livrés. Un calvaire d'autant plus harassant que deux passagers sur trois, impatients et souvent crispés, font fi de la loi, en défiant les consignes de stationnement». Même son de cloche chez un autre douanier qui parle «d'alteraction avec des passagers indisciplinés, d'un côté, et entre passagers libyens, de l'autre, étant donné que chacun cherche désespérément à passer le premier, quitte à jouer des coudes. Dès lors, inutile de dire que, dans des conditions chaotiques pareilles, on ne sait plus à quel saint se vouer». Attention danger ! Or, à bien y voir, cette corvée de tous les jours, voire de tous les instants, n'a rien de grave ou de particulièrement alarmant face à cette corvée, autrement plus pénible et exténuante, à savoir celle de l'identification d'éventuelles infiltrations à haut risque. En effet, l'on sait que notre frontière terrestre avec la Libye est devenue, depuis l'année dernière, l'objet de toutes les convoitises, pour sa réputation de point de passage privilégié des groupuscules terroristes affluant de ce pays pour espérer étendre leur hégémonie en Tunisie. Certes, ceux-ci optent généralement pour les infiltrations clandestines dans lesquelles ils sont passés maîtres, à la faveur notamment de leur omniprésence musclée entre les frontières séparant l'Algérie, la Libye et la Tunisie. Cependant, les terroristes, qui ne sont jamais en panne d'idées et d'imagination, peuvent toujours user d'autres stratagèmes non moins diaboliques, en osant, par exemple, emprunter directement le poste de Ras Jedir, moyennant l'usage de faux papiers et un look trompeur. Et à ce jeu, faut-il l'avouer, nos douaniers accusent un triste manque à gagner. Certes, ils ont procédé, de temps à autre, à de jolis coups de filet matérialisés par des arrestations d'intrus et des saisies d'armes. Mais, selon des sources policières bien informées, on est encore loin du compte. Et cela pour plusieurs raisons dont: – La circulation des faux papiers en Libye est désormais incontrôlable, en raison de l'impuissance des autorités à asseoir leur pouvoir face au chaos qui règne dans ce pays. – Les terroristes sévissant dans ce pays ont réussi, à en croire certains médias locaux et occidentaux, à faire main basse de force sur des centaines de documents officiels (cartes d'identité nationale, passeports, permis de conduire, cartes grises...) qu'ils ont ensuite falsifiés. – L'émergence d'un nouveau phénomène, à savoir la prolifération des faux laisser-passer présentés aux douaniers. Ce papier de poids, les jihadistes se le procurent aisément à l'intérieur des départements ministériels où il suffit de brandir une... kalachnikov pour y parvenir ! Et les pro-Kadhafi ? Mais, ce n'est pas fini, puisqu'il va falloir aussi compter avec les infiltrations des pro-Kadhafi. Ceux-là mêmes qui continuent, par d'imposantes vagues humaines incessantes, de fuir leur pays pour espérer trouver en Tunisie un refuge sécurisant, loin des menaces de règlements de comptes et de liquidation physique. Or, rien ne garantit que ces menaces ne soient exécutées dans nos murs, surtout que l'Egypte, un autre voisin de la Libye, en a déjà fait l'amère expérience. Cherche renforts désespérément Tout cela suscite inévitablement des inquiétudes et des peurs quant au «sort» du poste de Ras Jedir qui vit actuellement la période la plus difficile de son histoire. Bien évidemment, on peut jubiler, pour le moment, le feu n'étant pas encore en la demeure, grâce à la vigilance et au professionnalisme de nos vaillants douaniers qui continuent héroïquement de faire de la résistance. Toutefois, les perspectives sont loin d'être optimistes, d'abord parce que la situation va de mal en pis en Libye, ensuite parce que la concentration des réseaux terroristes à notre frontière avec ce pays demeure, aux dernières nouvelles, massive et donc menaçante, enfin parce que le tristement célèbre Daech, incontestablement le groupuscule takfiriste le plus sanguinaire, a déjà annoncé la couleur, en promettant de...marcher un jour sur la Tunisie. Pour toutes ces raisons, notre frontière avec la Libye, et plus particulièrement le poste de Ras Jedir, a impérieusement besoin de renforts, tant en effectifs humains et patrouilles armées qu'en équipements de contrôle et de détection. N'a-t-on pas mille fois raison de dire que deux précautions valent mieux qu'une ?