Par Abdelhamid GMATI On se vante du consensus qui prévaut, depuis quelque temps, dans la prise de décisions sur des questions d'intérêt national et relatif à cette période de transition. Soit. Qui dit consensus dit concession. Mais dans quel intérêt ces concessions ? Est-ce pour servir la Tunisie ou de simples manœuvres partisanes ? Dans un esprit de conciliation, disons qu'il y a un peu des deux. Reste que l'on peut céder sur un point ou plusieurs mais garder en ligne de mire les objectifs partisans. Cependant, il est des sujets vitaux pour le pays et ses citoyens sur lesquels le consensus doit être total sans aucune tergiversation. Comme la question du terrorisme. On assiste, cependant, à une sorte de cacophonie sur ce point. Certes, à chaque opération terroriste, les partis politiques, les associations, les personnalités de tous bords condamnent, dénoncent, organisent des manifestations. On se réjouit alors de ce consensus total, engageant. Est-ce bien sûr ? Un préalable : le terrorisme est une réalité, on en est tous témoins. Et les forces de l'ordre (militaires, policiers, gardes nationaux, protection civile) en savent quelque chose, eux qui combattent en permanence ce fléau. Vendredi dernier, une caserne militaire, encore une, a été attaquée dans la délégation de Foussana (Kasserine). Pratiquement tous les jours, le ministère de l'Intérieur nous informe des activités des unités sécuritaires; ainsi, on apprenait jeudi le démantèlement de 5 cellules terroristes qui planifiaient des attentats dans plusieurs régions du pays. 21 individus reliés à ces cellules ont été arrêtés. 9 autres sont activement recherchés. On apprend, également, que plusieurs terroristes infiltrés de Libye ont été arrêtés. Et selon l'ex-colonel de la Garde nationale et expert en sécurité, Ali Zeramdini, « plusieurs éléments terroristes et infiltrés ont franchi les frontières tuniso-libyennes grâce à de faux documents». C'est dire que la menace est réelle et grave. Le gouvernement y fait face, non seulement avec les unités sécuritaires, mais aussi en essayant de tarir les sources des recrutements. Des mosquées ont été fermées et les activités de plusieurs associations ont été suspendues. C'est que ces lieux ne disposent pas des autorisations nécessaires et on y tient un discours incitant au jihadisme. Et le chef du gouvernement a mis fin à la mission de Slim Briki, directeur général des associations et des partis politiques à la présidence du gouvernement. On sait que le ministère des Affaires religieuses interdit que les mosquées soient utilisées autrement que comme lieux de culte. Or ce n'est pas toujours le cas. Un haut responsable du mouvement Ennahdha a donné un prêche le 1er août où il appelé au jihad et à la violence. On annonce aussi la création d'un fonds de lutte antiterroriste et des incitations seront adoptées pour encourager la dénonciation des terroristes. Pendant ce temps, d'autres tiennent un discours différent. La semaine a été marquée, entre autres, par deux décisions de la Haica à l'égard de deux chaînes de télé, Nessma et Hannibal. Deux émissions au cours desquelles des jihadistes libyens ont tenu un discours d'incitation à la violence et au jihad. Et ce ne sont pas les seules chaînes à le faire; d'autres, de tendance islamiste, ne cessent d'inviter des personnes qui trouvent le moyen de défendre les terroristes. On a même vu un député le faire à Kasserine. Certes on avance la liberté de presse mais il y a des normes à respecter, en particulier l'intérêt national. Lorsque tout le pays se trouve en guerre contre le terrorisme, il n'est pas question d'inviter des personnes qui trouvent des circonstances atténuantes et qui défendent les terroristes. A quel discours s'attend la chaîne lorsqu'elle invite un jihadiste ? Il y a donc anguille sous roche, en tout cas un manque flagrant de professionnalisme et de conscience. A l'ANC, on tergiverse encore quant à l'adoption de la loi anti-terroriste si nécessaire aux forces de sécurité dans leur lutte contre le terrorisme. Il y a certainement une raison non avouée à ce blocage. Certains craignent-ils d'être concernés ? De la même manière, lors de la discussion interminable sur la loi de finances complémentaire, on a beaucoup discuté et bloqué la levée du secret bancaire. Pourquoi ? D'aucuns craignent-ils qu'on découvre des financements douteux ? En fin de compte, cela a été adopté après quelques aménagements. Certains craignent que des comptes soient vidés. N'exagérons rien ; même si cela est, le ministère des Finances peut très bien étudier les mouvements du compte et découvrir le pot aux roses. La situation n'est pas claire. Le secrétaire général du parti Courant démocratique, Mohamed Abbou, affirme «qu'il existe une alliance de fait entre certains politiciens et les terroristes. Il y avait des politiciens qui profitaient de l'émotion suscitée par les actes terroristes pour obtenir un gain politique. En principe, après un acte terroriste, la société civile et les partis politiques doivent s'unir pour contrer ce phénomène. Pourtant, on trouve des gens qui essayent de régler leurs comptes dans ce type de conditions». Il ne donne pas de nom, mais il doit savoir de quoi il parle, vu qu'il se trouve très introduit dans certains milieux politiques. En somme, selon l'adage bien tunisien «chacun a un diable dans sa poche». Espérons (vœu pieux) qu'il travaille pour le bien du pays.