L'ONG indépendante, International Crisis Group, dont le centre d'intérêt spécifique est la prévention et la résolution des conflits armés a rendu public, le 28 novembre dernier, son rapport n°148 de quarante et une pages sous le titre : «La Tunisie des frontières : jihad et contrebande». Dans ce rapport qui rimer jihadisme et contre-banditisme, il est question «d'une réalité complexe et inquiétante est en train de prendre forme : la montée de l' «islamo-banditisme» dans les zones périurbaines des principales villes du pays pourrait à terme créer les conditions propices à une montée en puissance des jihadistes dans les filières de contrebande transfrontalière, voire à une collaboration active entre cartels et jihadistes.» Jihadisme et contre-banditisme s'entretiennent mutuellement et font la loi sur des frontières poreuses et démontrent l'incapacité de l'appareil répressif d'Etat à maîtriser la situation. Habitants des régions frontalières, des villes et des banlieues sont inquiets face à ce double hydre qui veut étouffer l'économie et le pays, semer la mort et la terreur parmi les Tunisiens, ce serpent à deux têtes qui s'est glissé dans l'interstice vide laissé par une certaine complaisance politicienne. Si, dans ce mélange explosif du jihadisme et du contre-banditisme, prises individuellement, certaines personnes sont victimes de difficultés sociales réelles et de lavage de cerveau, ensemble elles constituent une machine à tuer. Elles sont toutes des exécuteurs, des partenaires de cette entente diabolique.Toutes. Sans aucune distinction entre les personnes qui manipulent et les personnes manipulées. Toutes, font partie de la même «entreprise» du jihadisme et du contre-banditisme et doivent être punies et condamnées en conséquence. Quelle que soit l'évaluation des responsabilités des uns et des autres, le jihadisme et le contre-banditisme obligent certaines brebis galeuses (qu'on trouve dans des partis politiques et parmi les élus de l'Assemblée nationale constituante) à ne pas se tromper sur leur nature terroriste et criminelle. Et donc, à cesser de jouer la carte du discours populiste. Sans faire de la politique-fiction, International Crisis Group note que les forces politiques n'évoquent «pratiquement jamais» les questions d'ordre sécuritaire. Pire, le «manque de consensus politique» ne fait qu'«affaiblir la capacité de l'Etat à se faire respecter et à assurer la sécurité». Les excès des passions politiques, des condamnations réciproques, du discours maximaliste laissent peu de place au consensus politique et au «consensus sur la lutte contre l'insécurité ». Or, ces deux consensus «doivent aller de pair, faute de quoi la crise politique et les attaques terroristes viendront s'alimenter l'une l'autre.» Donc, seul un consensus politique des protagonistes est à même d'ouvrir de nouveaux horizons politiques au pays et de mettre en place une stratégie nationale en matière de lutte contre le jihadisme et le contre-banditisme. Avec comme principes programmatiques notamment la fin de l'impunité pour les auteurs de violences politiques pourtant parfaitement identifiés, renforcement des autorités administratives ou judiciaires chargées du dossier du lien entre terrorisme politique et grand banditisme. International Crisis Group n'a pas engagé des propositions sur ce sujet qui ne relevait pas directement de sa mission. Les quelques éléments partiels mis à la disposition de l'opinion publique, des autorités et des partis politiques, disent en filigrane une dégradation certaine de l'autorité de l'Etat. Et, donc disent les principes politiques généraux selon lesquels il devient possible de prévenir le jihadisme et le contre-banditisme et éradiquer leurs sources. Un rapport à lire et à faire lire.