Des milliers de mètres cubes d'eaux usées sont rejetés à la mer sans être suffisamment traités. Des pêcheurs remontent leur filet sur les barques en bois à la plage de Raoued. Mais à quelques mètres delà, un canal d'eau noire et nauséabonde vient se jeter dans la mer turquoise. Il s'agit des eaux usées venant de la station d'épuration de Chotrana à l'Ariana, la plus importante du Grand-Tunis. Et l'odeur ne trompe pas : l'eau qui s'écoule ici n'est quasiment pas traitée. La station d'épuration de Chotrana est défaillante. Selon l'Onas, l'Office national de l'assainissement, des travaux sont en cours sur les deux bassins de la station pour rénover l'équipement d'aération depuis environ un an. Résultat : seul un bassin sur deux est fonctionnel et l'eau qui sort de la station ne répond pas aux normes sanitaires. "Nous pensons que le deuxième bassin devrait être disponible dès le mois d'octobre" assure Samir Nasr, directeur des opérations du Grand-Tunis à l'Onas. Les normes sanitaires non respectées Mais pour l'association environnementale SOS Biaa, les travaux ne sont qu'une excuse "la situation est la même depuis 2004" assure son directeur, Morched Garbouj, "les citoyens avaient remarqué la dégradation de la qualité des eaux". Comme Sara Souissi, une habitante de Raoued qui se baigne de moins en moins à la plage : "Il y a des jours où ça sent plus mauvais que d'autres, ça dépend du vent", témoigne-t-elle. Pour elle, il est scandaleux de voir installer, dans des plages privées, des transats et des parasols alors que l'eau est si polluée. Alertée par les citoyens, l'association SOS Biaa a effectué des prélèvements à différents endroits du Grand-Tunis. Les résultats montrent que la concentration des substances organiques dépasse les normes sanitaires internationales et tunisiennes. Une pollution néfaste pour les écosystèmes marins à long terme: "Ça peut entraîner la dégradation du milieu aquatique" explique le chercheur Olivier Walid Medhioud, de l'Instm (Institut national des sciences et technologies de la mer). Un rapport accablant de la cour des comptes Mais cette pollution entraîne également des risques pour la baignade. La plage de Raoued fait par exemple partie des plages interdites par la direction générale de l'hygiène du milieu et de la protection de l'environnement cet été 2014. L'organisme qui dépend du ministère de la Santé effectue des prélèvements en fonction desquels il interdit ou non la présence des baigneurs. Les endroits prohibés du Grand-Tunis correspondent aux lieux où les eaux usées sont rejetées; on y trouve aussi les plages à proximité de l'Oued Miliane, une rivière qui reçoit les eaux usées des stations de Radès. "C'est désolant, cette rivière était une merveille de biodiversité" se souvient Morched Garbouj de l'association SOS Biaa. Le problème des rejets pollués dans la mer est connu de l'Etat. En mai 2014, la cour des comptes a rendu un rapport accablant sur l'Onas. Les experts ont observé que 75.8 millions de mètres cubes d'eau ne sont pas traités en Tunisie et sont ainsi déversés dans la nature. Seules 37% des stations d'épuration seraient soumises à des opérations de contrôle et 61% des eaux traitées seraient non conformes.