Des dizaines de milliers de nos jeunes sont mal dans leur peau. Souvent, ils subissent leur réalité avec fatalité. Mais il arrive à beaucoup d'entre eux d'emprunter des chemins tortueux et dangereux. On devra agir pour les sauver et leur donner de l'espoir dans l'avenir La mal-vie de nos jeunes (pas tous bien sûr) est un fait qu'on ne peut se cacher ni feindre de ne pas constater. Cela se voit à travers certains de leurs comportements de tous les jours, leur manière de s'habiller, de communiquer et de raisonner, à travers ces graffitis et tags qu'on lit sur les murs de nos rues. Telle est la réalité, résultat d'un désespoir certain dans l'avenir. La plupart de cette catégorie de jeunes est en chômage et en manque de repères. Ils sont différents de ceux de leur génération qui sont casés et ont une situation sociale rassurante. Ces derniers, employés de banques ou d'entreprises de services, arborent une mine sereine et se fringuent à la correcte avec leurs costards bien ajustés et des godasses astiquées. Ils sont en un mot bien dans leur peau. Les autres nous rappellent «The beat generation» dont parlait Jack Kerouac dans son roman In the road. Ils sont errants et désemparés, acceptant leur sort avec fatalité, ce qui peut se traduire par des réactions imprévisibles et souvent violentes envers eux-mêmes et leur environnement. Ces mêmes jeunes ont pris une part active au soulèvement du mois de décembre 2010 et janvier 2011. Ils étaient mûs par l'espoir de pouvoir agir sur le «destin» —je ne parle pas ici des casseurs et des criminels—. Ils ont occupé les rues et pris une part très active aux sit in pour exiger un vrai changement qui leur donnerait une place au soleil. Mais ils ont vite fait de déchanter, découvrant, la mort dans l'âme, la grande arnaque dont ils furent l'objet de la part des vendeurs de rêves, ces politiques qui étaient opposants, et, une fois au pouvoir, leur ont tourné le dos pour ne s'occuper que de leurs intérêts. La déception fut tellement grande que dans un élan de désespoir, beaucoup d'entre eux ont choisi, sans le vouloir, le chemin de la délinquance sous ses multiples formes. «The beat generation !» Réellement, ils se sont sentis perdus et battus. Beaucoup d'entre eux ont trempé dans les excès de la vie, l'alcool, la drogue et toutes sortes de larcins. D'autres, à l'esprit faible, ont succombé aux sirènes des obscurantistes qui les enrôlent pour aller exercer le jihad et devenir de véritables monstres assoiffés de sang. On les appâte avec les dollars et euros et on leur promet, dans l'au-delà, le paradis, rêve de tout croyant. Une troisième catégorie a opté pour l'immigration clandestine, courant des risques certains. Des centaines d'entre eux ont péri en pleine mer. Les plus chanceux d'entre eux ont découvert à leurs dépens la dure réalité de l'autre rive de la Méditerranée. Certains ont repris le chemin du retour, d'autres errent encore en Europe et finiront un jour par être débusqués et expulsés chez eux. Tel est le vécu de centaines de milliers de jeunes qui ont besoin d'être secourus et surtout reconnus en tant que citoyens à part entière. Il faudrait faire en sorte que ces jeunes reviennent dans le droit chemin et redeviennent des membres utiles dans la société. Pour ce faire, une action d'une grande envergure devra être entreprise où tout le monde y mettra du sien. Action d'envergure Elle ne doit pas être du seul ressort du pouvoir, car ce dernier a d'autres préoccupations et dossiers entre les mains. Commençons par nous départir de nos égoïsmes, de cette insouciance qui caractérise nos comportements. Le gouvernement, la société civile, les organisations corporatistes, les hommes d'affaires, tous doivent y mettre du leur pour sauver ces jeunes de cet état de clochardisation dans laquelle ils vivent. Au lieu de ces soi-disant institutions sans utilité réelle et créées sur mesure et qui représentent un gouffre financier qui accable davantage le contribuable, et dont les soucis sont tournés vers le passé, n'était-il pas plus juste de penser à la création d'une grande fondation à laquelle tout le monde participe, qui par le financement, qui par une sorte d'accompagnement, qui par la mise en place de plans qui viseraient l'insertion de cette jeunesse dans la vie active. Il est du rôle des ministères de la Jeunesse, de la Femme, des Affaires sociales, de l'Education nationale de sortir un tant soit peu des carcans de leur routine pour unir leurs efforts avec les forces vives du pays afin de trouver des solutions pour arrêter cette descente aux enfers de ces jeunes censés être l'avenir de ce pays. Le locataire du palais de Carthage, connu pour ses combats pour les droits de l'Homme, ne peut-il pas se délester d'une partie du faramineux budget de la présidence pour participer à l'alimentation d'une telle fondation et donner ainsi le bon exemple aux autres pour faire de même ? Le patronat, les syndicats ouvriers, qui ont tous de l'argent, ne doivent, pour leur part, demeurer en reste. Ces hommes politiques qui défilent sur les plateaux de télévision feraient mieux d'aller voir de près dans quelles conditions de précarité vit cette jeunesse dans les ghettos qui cernent nos grandes villes pour s'enquérir aussi de ses besoins et prévoir dans leurs programmes électoraux —malheureusement vides de toute substance— de futures solutions? Ces belles paroles, on en a rempli des sacs, voire des silos, aujourd'hui, on a besoin d'actions concrètes qui donnent de l'espoir et permettent de créer les emplois pour que la dignité dont on nous assourdit les oreilles ne soit pas un vain mot. Cette action salvatrice pour ces jeunes le sera aussi pour le pays qui est confronté à une crise aux multiples dimensions, économique, sociale, sécuritaire... Cette jeunesse est une partie de l'avenir de ce pays, on n'a pas le droit de l'abandonner ou de la sacrifier de la sorte. On devra tout faire avec énergie et conviction pour ne pas la perdre et à jamais. Voilà le vrai défi que nous devons relever et auquel nous devons nous atteler sans tarder.