Par Hamma HANACHI Années 60. Epoque fertile de la contestation aux Etats Unis : lutte contre la guerre du Vietnam, marche pour les Droits civiques, arts en mutation, contestations multiformes. Des héros politiques en action, des écrivains et poètes de la Beat Génération qui reformulent le langage et la poésie, des musiciens contestataires , des artistes peintres révolutionnent l'art, la Factory, des chorégraphes, des compositeurs expérimentaux et des activistes politiques, qui agissent sur le réel, en sautant par-dessus les murs de la « démocratie», transgressant les lois en vigueur. Parmi ceux-ci , un groupe, surnommé « Chicago Seven » dirigé par Jerry Rubin, qui a publié à l'époque un livre manifeste dont le nom, à lui seul est un appel à l'action « Do it ».Un ouvrage et un mouvement qui ont eu une notable influence sur les événements de Mai 68 en France et sur la démarche du mouvement Fluxus. La semaine dernière, Marek Halter, écrivain juif militant, marchant sur les pas et le succès de «lndignez-vous » de Stéphane Hessel, présentait un ouvrage dont le titre est une traduction de « Do it » « Faites-le » et incite la jeunesse actuelle à agir. A notre avis, il a peu de chances d'être aussi audible par le grand public, comme le fut le grand, l'étincelant Hessel. On voit par là que l'activisme en matière d'art dit de contestation politique revient. Ce n'est pas à un bottin mondain que nous vous invitons, mais il nous semble qu'il y a actuellement chez nous, toutes proportions gardées, comme une sorte d'imagination créative, des germes de contestation originale, qui mérite d'être mentionné : les actes d'Amina, de Jabeur Mejri et Ghazi Béji, ces jeunes activistes qui ont l'étoffe des héros en sont des exemples, sans oublier les rebelles du Bardo. Il a lu Jerry Rubin, trouve que son époque, la nôtre manque de sel et de piquant. Il forme un groupe, décide d'entarter les vedettes, les hommes importants, les têtes pensantes, les figures médiatiques, les stars de la politique. Idée lumineuse pour épater la galerie et descendre le roi de son trône, bref de transformer l'icône en être humain et au passage de se faire un nom : Noël Godin, l'entarteur. Il choisissait ses victimes, des célébrités de tous bords, le présentateur vedette de TF1, PPDA, Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, le psychanalyste Jacques Lacan, le chanteur sulfureux Doc Gynéco, le philosophe et écrivain Bernard Henri Lévy, etc. Détail : aucune victime ne lui tint rigueur. Félicité et craint, annonçant parfois le lieu de son méfait, il a nourri des auditoires en suspens, mobilisé des guetteurs. Le Fair Play des entartés est unanime, exemple : Sarkozy s'en sort avec une pirouette, dit regretter que les filles qui lui ont lancé la tarte à la crème ne furent pas plus attirantes, les réactions amusent le public qui se prend au jeu. Après-midi du 16 août dernier, maison de la culture Ibn Khaldoun à Tunis. Lors d'un discours en hommage à l'artiste Azouz Chennaoui, le ministre de la Culture, Mehdi Mabrouk, a été agressé. L'acteur et réalisateur Nasreddine Shili , sans raison apparente, lui a lancé un œuf à la figure. Acte spontané dû à un ras-le-bol ? Un « Dégage » à la mode ? Happening politique ? Activisme artistique ? Comme le mental des responsables est de nature faible, sur une radio, le ministre précise qu'il se trouve à l'hôpital Charles Nicolle, dramatise les faits, affirmant avoir été victime d'une agression physique et reçu un coup de poing. Il porte plainte contre l'impudent et peu civil agresseur. Ce dernier est recherché par la police, le cameraman qui a filmé la scène interrogé, l'affaire prend des proportions grotesques, le Landerneau culturel est en émoi, le mensonge d'Al Abdellia qui colle à la peau de la victime et qui sent encore l'œuf pourri remonte à la surface. La SG du Syndicat des techniciens du cinéma et de l'audiovisuel s'insurge contre la version mensongère et fait part de son intention de porter plainte pour diffamation contre l'artiste. La toile s'agite, l'œuf devient sujet de dissertation, d'amusement, l'imagination des internautes explose, un site publie un florilège hilarant de facéties, de moqueries et autres railleries dignes des citations d'Alphonse Allais ou de Raymond Devos entre autres. On y évoque l'origine de l'œuf, la nature de l'endroit où il a été pondu, la poule coupable, les avis de recherche, la filière avicole, la marque de la caméra qui a filmé la scène, les reproductions d'œuvres représentant l'œuf, des créations sont mis en ligne. Le lendemain, des activistes, dont Amina ex-Femen, lancent des œufs sur les murs du ministère, PV au commissariat et tout le toutim. Scandale en vue. Un groupe d'artistes, des sympathisants et des amateurs décident de se mobiliser contre un probable procès. Tout ça pour un œuf. *En référence à l'œuf de Colomb