Par Khaled TEBOURBI Des critiques se font entendre à propos des JMC «nouvelle version».On leur reproche, surtout, le passage à la compétition des projets. «Coûteux — affirment certains professionnels — , on avait déjà du mal à concourir avec de simples petites chansons,que dire de préparer tout un travail de 30 à 50 minutes !». D'autres rappellent que la formule a été essayée par le Festival de la musique tunisienne «avec pour résultat des compositions bâclées et des candidatures de faible niveau». D'autres renchérissent encore :pour eux, «revenir au bon vieux festival de la chanson est, de loin,meilleur, car c'est ce qui sert le mieux notre musique, et qui attire le plus de public...». Arguments, à première vue, tout à fait défendables. Mais, en y regardant bien, arguments un peu dépassés. On ne veut pas prendre parti, mais force est de rappeler aujourd'hui aux raisons, encore toutes fraîches (récentes et connues de tout le milieu musicien), qui amenèrent à l'abandon du «vieux festival de la chanson» et à l'adoption du modèle des «journées musicales». A commencer par la plus urgente à «l'époque» (fin 90,début 2000) : la raison éthique. Qui n'en a pas (bien mauvais) souvenir, les éditions du festival de la chanson étaient devenues de véritables «foires d'empoigne», où des artistes, des clans et des lobbies d'artistes s'occupaient d'abord à «des règlements de comptes» et si peu, en fait, à rivaliser de talent. Triste spectacle ! Et, au bout du compte, une régression morale et musicale à la fois, et comme jamais ! Les JMC sont nées de cette extrême urgence; impossible de le perdre de vue, là, alors que la musique tunisienne en supporte encore les innombrables gâchis. Difficile d'oublier, aussi, que les JMC sont venues porteuses d'un réel projet de réforme et de restauration intéressant l'ensemble d'un secteur. Pas seulement un événement musical précis,mais encore, et à travers cela, la valorisation de tout un Art et de toute une profession. Que l'on sache, au regard de la quasi-totalité de la corporation musicienne, en 2009-2010, les Journées musicales de Carthage représentaient la voie de salut. La seule(croyait-on dur comme fer)qui pouvait «enrayer la régression» et «amorcer le renouveau». Le passage de la «simple chanson» au «Projet», c'était cela. La dédramatisation de la compétition, aussi. Et,davantage, l'ouverture au monde et à la diversité. C'était, il y a à peine quatre années, ce que tous appelaient de leurs vœux. Etranges ces critiques, étranges ces revirements ! Reste un ultime rappel (élémentaire tout de même) : l'Art financé par les deniers publics a, forcément, vocation culturelle. A travers les JMC, l'Etat se doit de poursuivre cette finalité. Et non plus arbitrer, comme il le faisait du temps du « bon vieux festival », des rivalités «artistiques» qui ressemblaient, à s'y méprendre, à des querelles de charretiers !