De notre envoyée spéciale à Marrakech, Najoua HIZAOUI Avec ses vastes terres cultivables (dont 60% sont inutilisées) et ses non moins nombreuses réserves en eau, l'Afrique peut transformer ses systèmes de production agricole Les assises de la quatrième conférence sur le changement climatique et le développement en Afrique, tenues à Marrakech (Maroc) ont démarré hier avec un dialogue de haut niveau en présence d'un grand nombre de personnalités éminentes, qui ont prononcé des communications sur les défis et les opportunités liés aux changements climatiques et leurs incidences sur la sécurité alimentaire. Les orateurs et les experts ont présenté également des analyses contextuelles pour atteindre l'objectif fondamental consistant à assurer la sécurité alimentaire. Organisée conjointement par la Commission économique pour l'Afrique (CEA), la Commission de l'Union africaine (CUA) et la Banque africaine de développement (BAD), la conférence est placée sous le thème «L'Afrique peut nourrir l'Afrique dès à présent : mettons nos connaissances sur le climat au service de l'action». Un thème d'autant plus pertinent que l'Union africaine célèbre en 2014 l'année de l'agriculture et de la sécurité alimentaire. L'objectif global est de créer une plateforme d'échanges autour de la manière pour l'Afrique d'utiliser les connaissances climatologiques afin de transformer ses systèmes de production agricoles en vue d'assurer son autosuffisance alimentaire aujourd'hui et demain, et d'améliorer ainsi le « bien-être » économique de ses populations. 300 millions de personnes livrées à la faim... En fait, malgré le ralentissement de l'activité économique dans le monde, les économies africaines ont enregistré un fort taux de croissance au cours des dix dernières années, taux qui devrait se maintenir à 5,3% en 2014. «Il faudrait toutefois que la richesse générée par cette croissance économique s'étende à la majorité pauvre qui, pour ses moyens de subsistance, dépend essentiellement de secteurs sensibles au climat tels que l'agriculture et la pêche». Incapable de satisfaire les besoins de sa population croissante, l'agriculture africaine abandonne près de 300 millions de personnes à la faim, le continent devant importer pour plusieurs milliards de dollars de denrées alimentaires par an. D'après le cinquième rapport d'évaluation du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), une hausse de la température de plus de 2°C pourrait aggraver le déficit alimentaire actuel et empêcher la majorité des pays africains d'atteindre le premier des objectifs du millénaire pour le développement (OMD), à savoir réduire l'extrême pauvreté et éradiquer la faim d'ici 2015. L'Afrique «doit donc examiner les options susceptibles d'améliorer la performance agricole et de renforcer ses capacités, l'objectif étant de transformer les changements climatiques en opportunités et de contribuer à réduire la pauvreté à grande échelle tout en assurant la sécurité alimentaire pour tous». Aux dires des experts, l'Afrique est capable de relever le défi et d'inverser ce scénario permanent de déficit alimentaire. Avec ses vastes terres cultivables (dont 60% sont inutilisées) et ses non moins nombreuses réserves en eau, «l'Afrique peut transformer ses systèmes de production agricole. Si l'on permettait aux agriculteurs africains de s'approprier les informations et les connaissances sur les changements climatiques, ils pourront non seulement produire de la nourriture pour eux-mêmes mais aussi en faire une activité commerciale et une source de revenus». Tirer parti des écosystèmes et du capital naturel En outre, la diffusion de connaissances sur le climat contribuerait à réduire les pertes liées au problème de stockage, au coût élevé des transports et aux mauvaises pratiques concernant la transformation et le commerce de détail. A regarder de plus près, «les chaînes de valeurs agricoles, l'entrepreneuriat rural et les TIC pourraient aussi créer des possibilités d'emplois lucratifs dans les zones rurales et réduire ainsi le taux d'exode des jeunes ruraux vers les centres urbains. Il est essentiel d'attirer les jeunes et de les inciter à rester dans le secteur agricole pour améliorer les performances de l'agriculture et sa viabilité». A l'unanimité, les experts précisent que pour que l'Afrique puisse se nourrir elle-même, maintenant et dans le futur, «il faudrait investir davantage dans la recherche en matière de changement climatique, en biotechnologie et développement et en innovation. Il faudrait en outre rendre la technologie accessible pour les agriculteurs, multiplier les opportunités d'accès au financement et à l'assurance agricole, faciliter les échanges et les accès aux marchés à tous les niveaux et créer des conditions propices aux investissements du secteur privé dans la chaîne de valeur agricole». Toutefois, la performance agricole ne saurait s'améliorer sans investir dans les énergies propres et efficaces. Chose toute aussi importante, «il faudrait mieux comprendre le lien entre l'agriculture, l'énergie et l'eau, et comment l'Afrique peut tirer parti des écosystèmes et du capital naturel pour réaliser son autosuffisance alimentaire». La chaîne de valeur agricole présente, en effet, des points d'entrée et des pistes multiples pour amener le programme de transformation de l'Afrique vers une économie verte et un développement à faible émission de carbone. Les quatre sous-thèmes de la quatrième conférence sur le changement climatique et le développement en Afrique ont permis d'approfondir les analyses sur la chaîne de valeur agricole en vue de relancer la productivité et d'assurer la sécurité et l'autosuffisance alimentaires sur le continent. Les sous-thèmes ont aidé à recenser les domaines stratégiques pour aligner la chaîne de valeur agricole et propulser l'Afrique vers un développement vert (nous y reviendrons).