Ceux qui attendaient monts et merveilles du documentaire d'Al Jazeera sur l'affaire Belaïd sont restés sur leur faim. «Boîte noire» n'a rien éclairé... Finalement, Al Jazeera a accouché de «sa grande enquête» sur l'assassinat de Chokri Belaïd et les journalistes investigateurs de la chaîne qatarie ont laissé les Tunisiens sur leur faim puisque tout ou presque de ce qu'ils ont débité dans leur film documentaire était déjà connu, publié et rabâché dès les premiers jours de l'affaire. Le crime passionnel, l'implication d'un homme d'affaires dont le nom est mêlé à toutes les sauces, à tort ou à raison, les témoins qui se rétractent et changent leurs déclarations, sont autant d'ingrédients qu'Al Jazeera a utilisés pour pimenter son enquête. Seulement, les faiseurs de cette production médiatique que beaucoup de spécialistes de la communication n'arrivent pas à classer dans un genre journalistique quelconque ont oublié que la pilule n'est pas passée au cours des premières semaines du déclenchement de l'affaire. Deux ans ou presque après le 6 février 2013 et après l'assassinat de Mohamed Brahmi le 25 juillet 2013 au moment ou à l'heure même où François Hollande s'adressait, au palais du Bardo, aux constituants pour leur dire que la France était confiante en la capacité de la Tunisie à réussir sa transition démocratique, Al Jazeera est revenue à la charge, laissant miroiter qu'il y aurait du nouveau dans son investigation. Ce nouveau scoop annoncé sur tous les toits s'est révélé des inepties mal réchauffées auxquelles personne ne croit plus. Une basse manœuvre Pour Riadh Ben Fadhl, secrétaire général d'Al Qotb et membre du Front populaire, «le documentaire d'Al Jazeera est une basse manœuvre». Il ajoute : «J'espère qu'Ennahdha n'est pour rien de près ou de loin dans ce coup tordu. C'est un coup qui n'honore aucunement son commanditaire. Si tel est le cas, il faudrait se poser réellement des questions sur la capacité réelle de ce parti à adopter les principes de la civilité de l'Etat. Les sociétés démocratiques ne peuvent évoluer avec de telles pratiques». Solidarité avec la famille Belaïd Et maintenant que la famille Belaïd a décidé de porter plainte contre Al Jazeera, la question est de savoir quel sort sera réservé à cette requête et que pourra faire la justice tunisienne face à la chaîne de Doha ? Une source juridique répond : «D'après le Code pénal tunisien, on peut condamner la chaîne pour diffamation. Il reste que l'application du jugement a besoin d'une décision d'exequatur. C'est à la jutice qatarie d'accepter d'exécuter la sentence qui sera rendue par la justice tunisienne. Par contre, le gouvernement tunisien peut fermer le bureau d'Al Jazeera à Tunis». A la question de savoir si le juge d'instruction chargé de l'affaire Belaïd peut réagir à la lumière des données que comporte l'émission, la même source relève : «Oui, il a le droit de convoquer les représentants d'Al Jazeera à Tunis et leur demander de leur fournir les documents sur lesquels la chaîne s'est basée pour produire le documentaire». De son côté, le conseil de l'Ordre des avocats a publié une déclaration dans laquelle il dénonce le contenu du documentaire en question, estimant que les insinuations produites par l'auteur de l'enquête portent atteinte aux règles de la profession journalistique. «Les avocats expriment leur solidarité avec Me Besma Khalfaoui veuve du martyr Chokri Belaïd et avec sa famille et appellent les parties intéressées par la chose publique à éviter d'instrumentaliser politiquement l'affaire en signe de respect pour le martyr et pour son parcours militant ainsi que pour sa symbolique», souligne la déclaration.