L'accompagnement scolaire est vu par un grand nombre de parents comme une source de profit pour des étudiants ou d'enseignants voraces qui se font de l'argent sur leur dos La réussite scolaire de leurs enfants est la préoccupation principale des familles tunisiennes. La course pour rejoindre le peloton des meilleurs de la classe passe inévitablement par les cours particuliers qui sont devenus un vrai sport national. Panne de l'ascenseur social, crainte du chômage, réussite financière, enfin, tout concourt en Tunisie à un modèle social où l'enseignement prend une place obsessionnelle dans les familles. La bataille irrésistible de l'ascension sociale fait, depuis des années, la prospérité et le bonheur de profs proposant des soutiens scolaires à domicile. Soutien censé doper les résultats des élèves à problèmes mais pas seulement car, de nos jours, il ne suffit pas d'être bon mais d'être le meilleur. Le bachotage, une nécessité ? Selon M. Mokhtar, éducateur à la retraite, «le soutien scolaire fonctionne selon le principe de l'angoisse nourri par un système de notation, d'examens et de menace de redoublement. Ce qu'on appelle couramment le bachotage qui prépare les élèves à réussir les examens sans leur donner une formation sur le fond». Pour Faouzia, mère de deux enfants, une fille en classe terminale qui passera cette année son bac et d'un garçon en troisième année secondaire : «Les cours particuliers sont une nécessité pour obtenir de bonnes notes. Je grignote sur le budget de consommation quotidienne pour pouvoir payer les cours particuliers de mes enfants. C'est grâce au soutien scolaire que mes enfants obtiennent de bonnes notes. De toute façon, ni moi, ni leur père n'avons le temps à leur consacrer à la révision des cours ». Elle reconnaît toutefois que ces cours sont nécessaires mais coûteux et ne sont pas accessibles à toutes les catégories de la population. Il est clair que le soutien scolaire sert de substitut familial à des parents très occupés par leur travail ou séparés et de béquille à un enseignement public claudiquant. «Il est un complément à la massification d'un enseignement qui ne peut répondre individuellement aux besoins de plus de 2 millions d'élèves», explique M. Mokhtar. Inégalités entre élèves Ce système marchand accentue les inégalités entre élèves issus de familles aisées et d'autres de familles démunies. «Dans les zones rurales notamment et même dans certaines régions urbaines, des élèves n'ont pas de quoi acheter un cahier ou un casse-croûte : que dire de payer des cours particuliers. Ils sont donc pénalisés par rapport à leurs camarades de classe privilégiés», relève-t-il encore. L'accompagnement scolaire est vu par un grand nombre de parents comme une source de profit pour des étudiants ou d'enseignants voraces qui se font de l'argent sur leur dos. «Le recours à l'accompagnement scolaire est beaucoup plus une question de choix personnel que de milieu social : l'éducation et la réussite des enfants sont des priorités pour les familles concernées qui aménagent leur budget en tant que tel», indique Hamza, jeune professeur de maths. Pourtant, les législations relatives à l'organisation de ces cours particuliers sont claires. Mais c'est surtout leur application qui est sujette à caution. Le décret n° 679/1988 du 25 mars 1988 et les différentes circulaires qui en découlent fixent les conditions dans lesquelles les cours particuliers doivent se dérouler et que les enseignants doivent respecter sous peine de sanctions. Or, dans la pratique et face à l'absence de contrôle, certains enseignants usent et abusent de ces cours particuliers qu'ils imposent même à leurs meilleurs élèves.