Par Hamma HANACHI L'année 2014 est faste en célébrations, le centenaire de la Grande Guerre d'abord a généré des tonnes d'articles et des documentaires en abondance, des livres, des essais sont publiés et des vœux pieux sont proférés, des discours de paix, de fraternité et... des illusions perdues. Les guerres, pourtant, se multiplient de par le monde, la violence s'universalise, et le mal est désormais partout, endémique. Célébration encore, les revues consacrent des spéciaux aux écrivains, aux artistes et autres intellectuels, les médias audiovisuels leurs emboîtent le pas, ici le Magazine littéraire annonce en couverture les dix ans de la disparition de Françoise Sagan (1935-2004), des hommages sont rendus à l'écrivaine effrontée, trop «pressée» qui a fait de sa vie un roman et de ses romans une autofiction. Nous retenons l'épitaphe pathétique rédigée par l'auteure: «Sagan Françoise. Fit son apparition en 1954, avec un mince roman, Bonjour tristesse, qui fut un scandale mondial. Sa disparition, après une vie et une œuvre agréable et bâclée, ne fut un scandale que pour elle-même». Modeste. Le supplément du magazine Le Point consacre un numéro spécial à Michel Foucault, philosophe et historien des idées ( 1926-1984), ce numéro, à notre avis, réserve peu de place à l'expérience tunisienne du penseur qui a enseigné à l'université de Tunis. Le cinéaste François Truffaut ( 1932-1984), «l'écrivain de cinéma», connu pour sa forte dose de consommation «trois films par jour, trois livres par semaine» fait lui aussi l'objet d'un numéro du Magazine littéraire. La liste des notoriétés mortes ou nées en cette année est loin d'être close. Du 14 mars au 22 juin de cette année, en Suisse, le Zentrum Paul Klee Berne a organisé une prestigieuse exposition, intitulée Le voyage en Tunisie 1914, Paul Klee, August Macque, Louis Moilliet, enrichie d'un catalogue exhaustif de plus de 300 pages, rédigé par des spécialistes. Ce voyage artistique majeur sera fêté à partir du 28 novembre au musée du Bardo sous l'intitulé : le Centenaire du voyage en Tunisie de Paul Klee, August Macque et Louis Moilliet. Les responsables dont la commissaire Anna Schafroth ont-ils prévu un catalogue pour pérenniser cet événement exceptionnel ? Autre anniversaire de haute valeur : la 25e année de la chute du mur de Berlin. Fête grandiose le 9 novembre dans la capitale allemande, les organisateurs n'ont pas lésiné sur les efforts et les moyens. En ce dimanche à la Porte de Brandebourg, Daniel Barenboïm, le chef charismatique qui milite pour deux Etats palestinien et israélien et la Staatskapelle Berlin ont donné le la en interprétant «l'Hymne à la joie», tiré de la neuvième symphonie de Beethoven. Le même jour, 1.000 dominos s'étirant sur 1,5 kilomètre symbolisant le mur, ont été renversés. Ils sont construits en polystyrène, peints par des écoliers à travers le monde, notamment là où des murs divisent toujours des peuples, comme dans les Territoires palestiniens ou à Chypre. Huit mille ballons lumineux blancs créés par Christopher Bauder et le cinéaste marc Bauder ont été posés sur un parcours de 15 kilomètres allant du Mémorial à la Porte de Brandebourg. Plus de 100.000 personnes en liesse, dans toute sa splendeur. La chaîne culturelle franco-allemande Arte ne pouvait pas rater cette date historique. Elle a commémoré la chute du mur par une programmation spéciale qui associe les documents historiques et l'actualité récente. 7h30 d'émission palpitante, intitulée «Au cœur de la nuit», des documentaires de l'époque, un déroulé rétrospectif des événements qui ont marqué l'histoire, des interviews de ceux qui ont vécu la chute du mur et d'illustres intellectuels, Patti Smith, l'écrivain Ken Follett, etc., livrant en direct leurs témoignages, leurs souvenirs et leur impressions sur ces jours remarquables. Où l'on voit au mois de septembre 1989 les premiers se réfugier dans l'ambassade de l'Allemagne de l'ouest à Prague, le soir du 30, le premier train part en Allemagne marquant les premiers pas de la réunification allemande. Un beau documentaire de Maria Anna Tappeiner montre les artistes allemands témoins et leurs œuvres créées en ces moments forts de leur pays. Le grand Gerhard Richter, Joseph Beuys, Thomas Demand, Hans Haacke, Cornelia Schleime, etc. De cette majestueuse fête, nous gardons une image symbolique, lourde de sens, celle du violoncelliste d'origine russe, citoyen du monde, Mstislav Rostropovitch : le 11 novembre 1989, assis devant le mur, sur les pierres arrachées à l'Histoire, le musicien joue un morceau de J.S.Bach, son dieu. Une métaphore du pape François, adéquate, juste prononcée le 9 novembre 2014 à Berlin nous a particulièrement émus «Nous avons besoin de ponts, pas de murs». Les hauts responsables et chefs d'Etat présents ont-ils pensé un instant au mur de séparation long de 700 kilomètres qu'Israël continue à construire en toute impunité ?