Par Hosni DJEMMALI (Président d'un groupe hôtelier) Sans vouloir jouer les grincheux au cœur de l'été, il ne faut tout de même pas se leurrer. Les délices lénifiantes de la saison, l'attrait naturel qu'exerce notre pays, l'afflux habituel de nos hôtes, rien ne devrait occulter ni l'acuité ni l'urgence d'une réflexion à mener sur le tourisme en Tunisie. Les conséquences de la crise ne font que rendre plus évidente une telle prise de conscience. Le dossier du tourisme bénéficie régulièrement d'un intérêt tout particulier du Chef de l'Etat. En effet, force est de reconnaître que notre politique en ce domaine, si elle a fait ses preuves aux temps vaillants des bâtisseurs, n'est plus adaptée aujourd'hui ni aux contingences du moment ni aux ambitions que nous devrions, tous, légitimement nourrir pour l'avenir de notre tourisme. Et sauf à courir le grave risque du marasme, il nous incombe, en termes d'urgence, de repenser notre stratégie. Car aujourd'hui, la politique du nombre ne fait que déprécier la qualité du produit et celle du prix bas. Si elle contribue à gonfler les statistiques, elle ne fait qu'appauvrir toujours davantage les acteurs de ce secteur. Telle est la vérité de la situation actuelle. Le constat, pour paraître brutal, ne s'impose pas moins à tous les hôteliers. Car, désormais, l'hôtelier subit la loi des tour-opérateurs qui exigent les tarifs les plus bas possibles, et réclament le tout compris, le fameux « all inclusive ». Le tour-opérateur vend un "prix", et ne propose plus le charme, l'émotion et la beauté de la Tunisie. Fatalement, l'on est réduit à grignoter sur tout afin de pouvoir proposer un prix compétitif au détriment de la qualité de la prestation qui devient fort malheureusement une préoccupation secondaire. On l'a compris : il ne s'agit pas seulement d'un problème économique pour des hôteliers patientant des mois et des mois avant d'être payés par les voyagistes et n'arrivant plus à faire face à leurs engagements financiers auprès des banques. Car, au-delà, c'est toute la question de la vision que nous voulons définir pour ce secteur qui est posée. L'hôtellerie tunisienne doit se ressaisir et profiter de l'essor général que connaît le pays, notamment dans le domaine des TIC, pour proposer un autre modèle et un autre avenir au secteur. Le pays dispose d'une situation géographique et naturelle exceptionnelle, de la sécurité et d'un régime politique stable. Il bénéficie d'un patrimoine et d'une culture immenses. Son peuple, tolérant et ouvert, suscite unanimement la sympathie. Autant d'atouts qui militent pour un meilleur sort que celui qui est fait aujourd'hui à notre tourisme.