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Quand l'interdit génère la transgression
Colloque international à Sidi Bou Said sur le thème de la normalité et ses dépassements en Afrique du Nord
Publié dans La Presse de Tunisie le 24 - 11 - 2014

Des enseignants-chercheurs tunisiens et étrangers s'interrogent sur les pratiques et les actes transgressifs des individus, destinés à contourner des interdits de diverses natures, imposés par la religion, la politique et la société
L'existence d'interdits dans un corps social génère des transgressions, qui représentent une manifestation de révolte contre un ordre établi. Organisé par l'Institut de recherche sur le Maghreb contemporain, le Centre Jacques Berque de Rabat et le Centre d'Anthropologie Culturelle, le colloque international qui s'est tenu, à la fin de la semaine dernière, à Sidi Bou Saïd et qui a réuni un ensemble d'enseignants-chercheurs, a permis d'engager une série de réflexions sur la question de la normalité et des transgressions en Afrique du Nord. Là où les transgressions qui découlent de l'interdit religieux, social ou politique peuvent se manifester à travers plusieurs types de pratiques : alimentaire, corporelle, sexuelle, artistique....servant à s'inscrire dans un mouvement de rupture par rapport à la normalité.
La question de la transgression prend tout son sens dans la problématique de l'interdit alimentaire. Dès la révélation du Coran, la nourriture destinée aux hommes a été soumise à des règles qu'il ne faut pas transgresser. Le Livre Saint a différencié les aliments licites et illicites afin que l'organisme de l'homme garde sa pureté et ne soit pas «souillé» par des aliments considérés comme impurs par le Divin. Ces interdits découlent de l'importance et de la dimension que revêt la nourriture dans les religions musulmane et juive. «Manger, c'est incorporer le monde. Manger un cadavre revient à incorporer la turpitude, c'est pour cela que la viande d'une bête morte d'une mort mystérieuse ou violente est considérée comme impure», explique Sihem Dabbabi Missaoui, enseignante à l'Université de La Manouba.
Outre la Sunnah qui réglemente strictement la consommation des aliments par les musulmans, la question de la nourriture est évoquée plusieurs fois dans le Coran qui identifie clairement le licite de l'illicite. Dans la Sourate 5 du Coran, plusieurs interdits alimentaires sont évoqués. «Sont illicites la bête morte, le sang, la viande porcine, ce qui a été sacrifié au nom d'un autre dieu qu'Allah, la bête assommée, la bête morte à la suite d'une chute, celle morte d'un coup de corne», dixit l'un des versets du Livre Saint. D'autres interdits sont liés à la consommation de bêtes issues de sacrifices païens ou qui n'ont pas été égorgées ou immolées au nom d'Allah. Ils touchent également le sang animal qui ne peut être ingéré par l'homme car il est impur ainsi que les substances telles que l'alcool ou la drogue qui ont pour effet de l'éloigner de sa relation spirituelle avec Dieu ainsi que de son devoir religieux. «Le comportement alimentaire est intimement lié aux traditions dans le Maghreb. Il y a ce qu'on appelle des rites anciens. Il y a très longtemps de cela, dans la tradition berbère et ibadhite, les populations mangeaient de la viande de chien. Ce n'était pas une nourriture interdite mais réprouvable et blâmable», note Sihem Debbabi.
A partir du Xe siècle, la nourriture va faire l'objet de restrictions de plus en plus sévères et des fatwas vont ajuster le comportement alimentaire des musulmans aux lois du fikh. La transgression de ces interdits alimentaires est d'autant plus difficile que le risque d'être rejeté par la communauté est élevé. En effet, les imams dépositaires des règles et des valeurs religieuses sont scrupuleux quant au respect de ce qui est énoncé comme illicite par le Coran et condamnent vivement celui ou ceux qui outrepassent les règles. «Il y a la peur de l'impur et de la souillure et la peur d'être châtié. Dans l'esprit du musulman, la violation de l'interdit crée le malin. C'est pour cette raison que la transgression liée aux interdits alimentaires est un pas difficile à franchir», rapporte l'enseignante universitaire.
Consommation de vin et interprétation coranique
Proscrit par le Livre Saint, le vin peut-il donner lieu à des transgressions? Les avis divergent à ce sujet. Des Sourates du Coran lui attribuent un côté bénéfique et maléfique à la fois. Jusqu'à la Révélation, les populations d'Arabie consommaient le «nabidh», une boisson fermentée à base de sucre de canne, de miel, de dattes... Occultant la connotation positive qu'attribue l'un des versets au vin, considéré comme «une jouissance sur terre», les exégètes le proscrivent et le classent parmi les interdits alimentaires alors que les lectures et les interprétations diffèrent autour de la signification à accorder au verbe figurant dans le texte coranique : certains parlent «d'éviter» de boire du vin tandis que des exégètes sont formels sur la nécessité de prohiber cette boisson qui éloigne le croyant de la piété et de l'élévation spirituelle et sème le désordre et le trouble au sein des communautés. «Les hadiths apportent également des interprétations différentes de la consommation du vin, explique Mme Missaoui. Ce n'est pas la consommation en soi de vin qui dérange mais les effets qu'elle entraîne. A titre d'exemple, un hadith tolère la consommation du vin tant que cela ne conduit pas à l'ivresse. Quant aux Hijazites, ils imposent une sanction à ceux qui boivent jusqu'à l'enivrement car ils peuvent troubler l'ordre public».
Un ordre social établi, encadré par des lois et régulé par des normes génère de la transgression. Dans son exposé sur la place de l'alcool dans la transgression à Meknès et à Fès, Philippe Chaudat, enseignant à l'Université Paris Descartes Sorbonne le montre. La consommation de l'alcool au Maroc est confrontée à deux types d'interdit : l'interdit religieux et l'interdit créé par la loi. En effet, sous le protectorat français, les autorités réglementent la consommation de boissons alcoolisées ainsi que l'ouverture des bars dans l'espace destiné au public. La loi fait toutefois preuve de souplesse en jouant sur les nuances : elle n'interdit pas la consommation d'alcool mais sanctionne la manifestation de l'ivresse en public. La réglementation donne lieu à des transgressions. La vente de l'alcool se fait sous manteau. Des bars ouvrent discrètement leurs portes et recourent à tous types de subterfuges pour ne pas tomber sous le coup de la loi. Les Marocains s'enivrent derrière des rideaux baissés et des fenêtres opacifiées. Ceux qui s'approvisionnent dans les rares points de vente qui commercialisent des boissons alcoolisées les dissimulent dans des sacs épais qui ne laissent rien entrevoir. «La consommation de l'alcool se cantonne à l'espace privé, intime, note le conférencier.
Substances narcotiques et génération de revenus
On brave l'interdit sans manifester le dépassement de cet interdit. En fait, la transgression se manifeste d'une façon particulière au Maroc. Il s'agit d'une négociation avec l'interdit». L'interdit touche également les substances narcotiques. Au-delà des normes sociales et des règles morales, les institutions politiques jouent un rôle crucial dans la genèse des interdits.
Dans le cas des substances narcotiques, le rôle crucial que joue leur commercialisation dans la dynamisation de l'économie nationale et la génération de revenus rendent difficile leur interdiction. Maître de conférence à l'Université de Meknès, Khalid Mouna a mené une enquête sur le terrain sur la commercialisation du cannabis au Maroc. Le chercheur a montré que l'interdit religieux n'a pas constitué d'obstacle à la culture et à la vente de cannabis, qui a été légitimé au regard du rôle qu'il joue dans la dynamisation de l'économie nationale. Dans les régions rurales du nord et du Rif central, la culture du cannabis constitue la principale source de revenus des populations qui vivent essentiellement de sa commercialisation. Les jeunes urbains au chômage quittent la ville et migrent vers la campagne pour apprendre à cultiver cette substance dont la consommation est très prisée dans les couches populaires. Ce sont les autorités coloniales et plus tard le royaume qui vont réglementer et criminaliser la consommation de cannabis.
Sous le protectorat, les autorités françaises s'octroient le monopole de la vente du cannabis, par le biais d'une régie marocaine financée avec des capitaux français. Après l'Indépendance, l'Etat interdit, dans le cadre d'une campagne d'assainissement et de lutte contre les narcotraficants, les produits stupéfiants ainsi que la vente du cannabis qui devient illégale. A l'exception des montagnes du Rif où la culture est autorisée. Le processus transgressif se met alors en marche. «La culture du cannabis va donner naissance à ce qu'on appelle les entrepreneurs du cannabis, relève Khalid Mouna. L'Etat va finalement légaliser la culture du cannabis mais uniquement à des fins médicinales. Il s'agit d'une forme de transgression non avec les normes internes mais avec les normes externes».
Au cours de ce colloque, des réflexions ont, par ailleurs, été soulevées sur le rapport de l'art à la transgression donnant lieu à un débat riche et instructif.


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