Crise en Iran : Accident d'hélicoptère présidentiel et questions sur la succession    Grombalia : Hausse attendue de la production viticole cette saison (Déclaration)    RDC : Une "tentative de coup d'Etat" déjouée    Le président colombien réagit au tifo de l'Espérance sportive de Tunis    Manifestaion à l'avenue Habib Bourguiba : Soutien massif à Saïed contre la corruption et l'ingérence    En vidéos - Le folklore s'invite à la manifestation de soutien à Kaïs Saïed    Commerce: La révision de l'accord de libre-échange Tunisie-Turquie a porté ses fruits    Découverte majeure de pétrole par la Russie en Antarctique : les craintes britanniques s'intensifient    Le Burkina Faso double sa croissance : De 1,8% en 2022 à 3,6% en 2023    INM: Alerte pour vents violents    Coupe de Tunisie—huitièmes de finale—Ahly Sfaxien – ESS (0-1): L'Etoile au corps à corps    Coupe de Tunisie— L'ASM se qualifie en quarts de finale: L'aura d'antan !    Ligue des champions — finale aller — EST-Al Ahly (0-0): Verdict reporté ...    Mes humeurs: L'Ode à la joie    «Genèse sculpturale » de Hechmi Marzouk à la Galerie Saladin, du 18 mai au 23 juin 2024: Du bronze à l'émerveillement...    Avec deux nouvelles productions: Sofia Sadok, l'étoile du Festival de Jerasch    IDE en Tunisie : attirer et fidéliser    Tribune: « Mare Nostrum en danger »    Intelligence artificielle: Des opportunités offertes pour le marketing digital    Classement des gouvernorats par nombre de lits dans les hôpitaux publics    En photos - Manifestation de soutien au président de la République    En prévision de la saison estivale: Assainissement tous azimuts du littoral    Pourquoi: Savoir gérer…    Médicaments génériques et biosimilaires en Tunisie: A pas sûrs, mais lentement !    CONDOLEANCES    ISIE: La date limite pour la tenue de la présidentielle ne devrait pas dépasser le 23 octobre 2024    Tunisie: Vers un départ volontaire de 165 migrants béninois    Quelle est l'orientation future du dollar?    Tunisie – Les banques disposées à contribuer au financement d'initiatives éducatives    Tunisie – Arrestation de six takfiristes recherchés    Tunisie – Siliana : La pluie et la grêle occasionnent des dégâts dans les plantations    Tunisie – METEO : Pluies orageuses sur le nord    Finale aller Ligue des champions africaine : match nul entre l'EST et Al Ahly    Violents affrontements dans la ville de Zawiya dans l'ouest libyen    Match EST vs Al Ahly : où regarder la finale aller de la ligue des champions samedi 18 mai ?    Henri d'Aragon, porte-parole de l'Ambassade de France en Tunisie: Allez l'Espérance !    Des recherches lancées pour retrouver 23 migrants tunisiens disparus en mer    Tunisie Météo : pluies et hausse légère des températures    Symposium international 'Comment va le monde? Penser la transition' à Beit al-Hikma    Rencontre avec les lauréats des prix Comar d'Or 2024    Hechmi Marzouk expose 'Genèse Sculpturale' à la galerie Saladin du 18 mai au 23 juin 2024    Ce samedi, l'accès aux sites, monuments et musées sera gratuit    Mokhtar Latiri: L'ingénieur et le photographe    La croissance n'est pas au rendez-vous    Palestine : la Tunisie s'oppose aux frontières de 1967 et à la solution à deux Etats    76e anniversaire de la Nakba : La Tunisie célèbre la résistance du peuple palestinien    Nakba 1948, Nakba 2024 : Amnesty International dénonce la répétition de l'histoire    Urgent : Une secousse sismique secoue le sud-ouest de la Tunisie    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



«Il faut faire du nouveau avec de l'ancien»
L'entretien du Lundi — Souhir Belhassen
Publié dans La Presse de Tunisie le 24 - 11 - 2014

Souhir Belhassen n'est pas une personne que l'on présente. Son parcours de journaliste, d'écrivain, et de militante durant les années de braise a fait de cette dame de fer une icône. Récemment, et ce n'est pas par hasard, elle était consacrée par la première édition du prix Elyssa Didon, prix de l'excellence féminine, pour son parcours, sa carrière et son action en tant que première femme président de la FIDH. Nous avons eu plaisir de la rencontrer pour lui demander de retracer les grandes étapes de son engagement. Entretien.
Vous étiez à la faculté, étudiante en lettres en 1968. C'était l'époque de Perspective, de la contestation. Est-ce là que tout a commencé pour vous ?
En fait, cela a commencé bien plus tôt. Je suis née et j'ai été élevée dans un milieu destourien. Et cette culture d'engagement et de résistance, la guerre d'Algérie, la lutte anticolonialiste, le terrorisme avant la lettre, tout cela, ce bain national et international, a créé un substrat qui consacrait mes choix postérieurs. Tout cela trouvait, pour moi, son prolongement naturel dans le milieu syndical estudiantin, et au sein de l'UGET.
Le journalisme est aussi arrivé très tôt dans votre vie.
Après des études de lettres, mariée très jeune, j'ai poursuivi des études de sciences politiques. Je suis fille d'une mère autoritaire, ce qui m'a structurée, et d'un père intellectuel, vivant la tête dans les nuages. Ce père venait de loin, d'une famille différente, avec son lot d'aventures, d'histoires qui font rêver. J'ai grandi avec ce désir d'aventures et de découvertes. Et je pense que cela a été déterminant dans le choix du journalisme. Disons que j'étais presque programmée. Je commence à la radio, puis je fais mes armes à la TAP. Je vais voir Béchir Ben Yahmed : il me propose d'écrire à Jeune Afrique. Je commence par couvrir l'actualité, et petit à petit, je fais mon trou. Nous sommes à l'époque de Ben Salah, et de la montée des contestations. Je deviens également correspondante de l'agence d'information Reuters. Pour Reuters, j'ai couvert la visite de Sadate à Jérusalem, les Sommets arabes qui entraient alors dans une phase importante d'ouverture....
Vous avez pris le temps d'écrire un livre sur Bourguiba, avec Sophie Bessis
J'avais besoin de faire le point sur le passé récent. Sophie Bessis en tant qu'historienne, et moi en tant que journaliste de la vie politique au quotidien, avons entrepris ce livre sur Bourguiba. Nous avions une histoire à raconter, nous avons recueilli de très nombreux témoignages. Bien sûr, nous ne l'avons pas publié à Tunis, car si nous avons érigé une statue à Bourguiba, il y avait beaucoup de choses que nous n'approuvions pas.
Après la presse écrite, vous vous êtes laissé tenter par la télévision
Serge Adda, mon ami, lance Canal Horizon à un moment difficile de ma vie privée. Il me demande de faire partie de l'aventure. Je m'investis totalement dans la télévision, et je découvre ainsi l'Afrique : la Côte d'Ivoire, le Sénégal, le Mali, le Maroc, l'Algérie où je passe chaque fois de six mois à un an pour Canal Horizon.
Cela vous a-t-il fait oublier le militantisme ?
Parallèlement, mais sans être visible, je continue de militer et de porter les thématiques de la Ligue des Droits de l'Homme à laquelle j'ai adhéré dès sa création en 1977. Je milite également au sein de l'Association des Femmes Démocrates.
En Algérie, cependant, c'est la montée et l'installation de l'islamisme. Les femmes s'exilent. Nous, on essaie d'être solidaires. Une pétition circule à ce moment, portée par une centaine de femmes, disant qu'il ne faut pas se servir de ce qui se passe en Algérie comme prétexte pour réduire les libertés. Je la signe bien sûr, et on exige mon départ immédiat. En 1994, en une nuit, je quitte mon pays, et vends mon seul bien, ma maison. Je resterai à Paris durant cinq années, et bien sûr, je continue de militer.
A votre retour, vous retombez néanmoins en journalisme
On m'accorde, effectivement, une autorisation pour faire un journal. Totalement inoffensif, cependant, puisqu'il s'agissait d'un journal de télévision, une espèce de télé sept jours, avec le rêve d'en faire plus tard un journal de cinéma. TV5 fait une émission sur Bourguiba. Je ne peux l'occulter et l'annonce sur une double page. Cela crée un drame. On me coupe les vivres, en décourageant mes annonceurs. Je vends la petite maison que j'avais faite à Sidi Bou Saïd pour payer mes dettes, et je jette l'éponge.
Désormais, vous vous consacrez entièrement à l'action militante
Effectivement, je me consacre totalement à la Ligue des Droits de l'Homme. Au congrès de l'an 2000, je me présente, et je suis élue vice-présidente de la ligue tunisienne des droits de l'Homme. En 2003, la Fédération Internationale des Droits de l'Homme me présente pour le poste de vice-présidente, et je suis élue. Et en 2007, je suis présidente de la FIDH pour deux mandats, première femme à accéder à ce poste depuis la création de cette institution en 1922. Que dire de ces années : j'ai subi des menaces, des agressions, des harcèlements divers, j'ai été poursuivie dans 34 procès fabriqués de toutes pièces. Mais toujours, et partout, je me suis attachée à défendre et faire respecter les droits humains.
Vous souvenez-vous de vos pires moments ?
Pour la FIDH, je travaillais beaucoup à l'international, et je voyageais donc énormément. Aussi, cela a été un véritable scandale de me voir confisquer mon passeport. C'est au moment du SMSI que le bras de fer s'est durci. Là, j'ai vraiment failli être arrêtée. En tant que vice-présidente de la FIDH, j'avais proposé de tenir un contre-sommet. Nous avions avec nous Shirin Ibadhi, prix Nobel de la paix, le président de la FIDH, le ban et l'arrière-ban de la société civile. Nous n'avons jamais eu l'autorisation de tenir ce sommet, mais cela a été un grand moment : nous avons prouvé au monde entier que la société civile tunisienne existait, qu'elle était capable de se mobiliser et de faire front.
Vous êtes aujourd'hui présidente d'honneur de la FIDH. Mais ce n'est pas seulement un titre honorifique car vous continuez à être très impliquée
Je continue à m'occuper de deux aspects pour lesquels je me suis toujours battue : les femmes et les migrants. Mais je voudrais dire que cette distinction que l'on m'a offerte en me nommant présidente d'honneur de la FIDH, dépasse ma propre personne. C'est un hommage rendu aux luttes menées en Tunisie. La Tunisie a toujours eu une particularité à ce niveau. J'ai parcouru le monde, vu des situations difficiles. La Tunisie reste une exception. Il faut préserver cette exception qui nous vaut la sympathie des pays occidentaux, et l'admiration des pays arabes.
Si vous deviez tirer une conclusion de tout cela ?
Je vous ai dit que j'étais la fille d'une mère rigoureuse et autoritaire, et d'un père aventurier poète. Cette double allégeance m'a très vite convaincue qu'aujourd'hui, on peut s'engager dans l'action politique, et savoir qu'il n'y a pas de baguette magique. Moi, j'ai adopté une démarche qui compose : on ne peut pas tout raser, on ne peut pas changer la société en détruisant, on apprend que dans la réalité, il faut faire « avec », il faut gérer la contradiction. En fait, il faut faire du nouveau avec de l'ancien.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.