Aujourd'hui s'ouvre la semaine que les Tunisiens veulent le point de départ du retour à l'apaisement, au dialogue et au débat des projets. Loin des appels à la division, on est convaincu que le temps presse et qu'il est impératif que la raison et le bon sens l'emportent S'il est un enseignement à tirer des événements qui ont secoué la Tunisie au cours de la semaine qui vient de s'écouler, c'est bien le fait de constater que le fossé est en train de se creuser davantage entre le peuple tunisien et son élite politique, plus particulièrement les politiciens aussi bien ceux qui ont remporté les législatives du 26 octobre que ceux qui ont essuyé un échec cuisant, alors qu'ils s'attendaient à une victoire éclatante. Le résultat est là et nul ne peut le contester : les marches qui ont traversé ces derniers jours plusieurs régions du pays dénonçant le discours de la sédition, de la division et de la violence montrent que les Tunisiennes et les Tunisiens sont attachés à l'union nationale dans sa plus noble expression, celle qui professe qu'il ne saurait y avoir de distinction ou de différenciation entre le Sud ou le Nord ou entre Sahéliens et habitants des régions montagneuses. Que ces marches aient été organisées par certaines parties politiques ou qu'elles aient été spontanées, ceux qui sont descendus dans les rues ont crié haut et fort leur refus de la sédition et le rejet des manigances de ces politiciens qui n'ont pas encore compris, en dépit de leurs stratégies de communication et des conseils des experts qui les entourent, que les Tunisiens ont d'autres préoccupations et attendent des solutions pratiques à leurs problèmes quotidiens. Béji Caïd Essebsi, président de Nida Tounès et candidat au palais de Carthage, a beau répéter à longueur de journée que ses déclarations n'ont rien d'offensant pour les électeurs qui ont donné leurs voix à Moncef Marzouki, ou aller à la rencontre des citoyens à Halfaouine pour découvrir que le couffin de la ménagère est désormais léger comme une feuille d'automne, on attend toujours de savoir comment le gouvernement que son parti va former dans les prochaines semaines va opérer pour arrêter la flambée des prix, ou au moins stopper la fermeture des entreprises tunisiennes ou étrangères qui mettent la clé sous le paillasson et renvoient des milliers de travailleurs dans la rue. Les communicateurs de Nida Tounès et ses stratèges préfèrent toujours courir les plateaux TV et les talk-shows radiophoniques pour dénoncer «le bilan catastrophique de la Troïka et reprocher à Ennahdha son discours double» et gardent un silence de mort sur les grandes réformes que les économistes nidaistes sont en train de concocter pour stabiliser au moins les prix des tomates. Marzouki souffle le froid, Daïmi le chaud De son côté, Moncef Marzouki, le président provisoire de la République et candidat au second tour de la présidentielle tire, à sa guise, les ficelles du jeu. A la délégation du Quartet parrain du Dialogue national, il dicte des conditions qu'il sait inacceptables par Nida Tounès à propos de l'affaire de la formation du prochain gouvernement. En recevant Rached Ghannouchi, président d'Ennahdha, mandaté par le Quartet qui, lui aussi, a subi une fin de non-recevoir de la part de Caïd Essebsi, Marzouki annonce, par la voix de Ghannouchi, qu'il est disposé à accepter que le prochain chef du gouvernement soit désigné par le président élu. Toutefois, son service de presse ne publie pas de communiqué officiel sur la teneur et les résultats de la rencontre Ghannouchi-Marzouki. Il pousse, encore plus, ses concessions et exprime, toujours par le biais de Rached Ghannouchi, qu'il est disposé à retirer ses recours contre les résultats de l'élection présidentielle. Parallèlement, Imed Daïmi, secrétaire général du CPR, continue sa campagne «contre les faux démocrates qui demandent éhontément à un candidat sûr que ses droits ont été bafoués et en possession de preuves irréfutables de renoncer à son droit d'ester en justice». Il pousse, encore son analyses pour déclarer : «L'équipe chargée de conduire la campagne électorale du candidat Marzouki est en mesure d'introduire huit cents recours, tous irréfutables, mais elle a préférés se contenter de huit uniquement». Et comme la promesse de Marzouki n'était pas écrite noir sur blanc, hier, des indiscrétions relayées par plusieurs médias ont laissé entendre que «la renonciation aux recours n'est pas pour demain puisque le président-candidat aurait changé d'avis». La question à se poser est la suivante : en contrepartie de quoi Ghannouchi a réussi à faire infléchir, pour quelques heures, la position de Marzouki ? Il ne faut pas être sorcier pour le deviner. Le patron de Montplaisir n'avait pas d'autre cadeau à offrir à son ancien allié que celui d'un soutien clair et net de la part d'Ennahdha lors du second tour de la présidentielle. Reste à savoir si Ghannouchi (qui a perdu les législatives) a encore les moyens de convaincre les membres du Conseil de la choura du parti nahdhaoui de le suivre. Rien n'est moins sûr quand on sait que des ténors de la direction commencent déjà à séduire Béji Caïd Essebsi à l'instar de Ajmi Lourimi qui a souligné dans une interview au journal «Assarih» du samedi 29 novembre dernier que «Béji Caïd Essebsi est un ami d'Ennahdha et que le Conseil de la choura pourrait le soutenir à l'occasion du second tour de la présidentielle. Et en tout état de cause, nous prendrons la décision qui tiendra compte des intérêts de la Tunisie». De son côté, Lotfi Zitoune, l'un des dirigeants les plus proches de Ghannouchi, multiplie les statuts sur son compte Facebook vantant les mérites de Béji Caïd Essebsi, «l'homme qui a été à l'origine des élections du 23 octobre 2011». En attendant, les Tunisiens souhaitent que la semaine qui s'ouvre aujourd'hui annonce le retour à l'apaisement, à la raison et éloigne définitivement le spectre de la sédition.