Le rapport de l'Observatoire social tunisien décrypte les mouvements contestataires qui ont secoué le pays ces derniers mois Le président de l'observatoire, Abderrahmane Hedhili, a présenté, hier, au cours d'une conférence de presse les résultats d'un rapport qui a été élaboré sur les mouvements sociaux en Tunisie, leur nombre, leurs caractéristiques, leurs raisons, leur impact sur la situation économique... Au cours du mois de novembre dernier, 104 mouvements de protestation et de colère ont eu lieu dans dix-huit gouvernorats. Dans ce rapport, l'expert auprès de l'observatoire, Abdessatar Sahbani, sociologue de son état, les a classés en trois catégories, à savoir les mouvements spontanés, les mouvements réactionnels et les mouvements violents. Au cours de cette conférence, le sociologue a rappelé le cas des 24 étudiants à Monastir qui ont été arrêtés après avoir organisé une marche en hommage à Chokri Belaïd. « Ce rapport s'intéresse surtout aux mouvements de protestation spontanés qui ne sont pas organisés par les syndicats, note le président de l'observatoire. Ces mouvements, qu'ils soient collectifs ou individuels, sont le fruit d'une profonde colère et peuvent conduire à la grève de la faim et au suicide ». 34 mouvements contestataires ont une relation directe avec la scène politique Les raisons qui président à ces mouvements diffèrent du fait qu'elles découlent de la conjoncture du moment. Le sociologue a décrypté ces raisons qui poussent les gens à sortir à la rue afin de faire parvenir leur voix aux autorités de tutelle dans l'espoir d'obtenir un changement de leur situation. A chaque fois, c'est un secteur d'activité qui domine la scène, en se distinguant par le nombre et l'intensité des mouvements contestataires qui l'agitent, a observé le sociologue. Pendant le mois de Ramadan, la flambée des prix des denrées de base a provoqué plusieurs mouvements de colère au sein des couches sociales défavorisées. Après la rentrée scolaire, c'est au tour des enseignants des collèges et des établissements du secondaire de faire grève pour dénoncer les mauvaises conditions de travail et les salaires de « misère » qu'ils perçoivent. Il y a eu également des mouvements réactionnels et violents comme celui qui s'est déclenché dans le sud, nourri par la profonde colère des habitants de certaines régions qui n'ont pas du tout apprécié le discours tenu par l'un des candidats à la présidentielle. « 34 mouvements contestataires ont une relation directe avec ce qui se déroule sur la scène politique, a relevé, à ce propos, Abdessatar Sahbani. Il y a eu des réactions sociales violentes dans la plupart des régions suite aux propos tenus par les candidats à la présidentielle sur certains plateaux TV ». Le rapport énumère également d'autres outils de pression comme les manifestations, les grèves de la faim, le barrage des routes... Sauf que très peu de ces mouvements contestataires et des grèves ont donné des résultats satisfaisants. Dans certaines délégations et localités, les habitants ont même fini par renoncer à cause de l'absence de vis-à-vis comme les omdas ou les délégués régionaux dont le rôle est de sensibiliser le gouvernement sur les préoccupations de ces citoyens. A Sidi Bouzid, Kasserine, Kairouan et Gafsa, surtout Le rapport de l'observatoire s'est également intéressé aux régions qui connaissent le plus grand nombre de mouvements contestataires. C'est dans les régions de Sidi Bouzid, Kasserine, Kairouan et Gafsa qu'il y a le plus grand nombre de mouvements contestataires, contrairement aux villes de l'Ariana, de Ben Arous et de La Manouba où peu de marches de protestation ont été observées. « Cela est tout à fait normal, poursuit le sociologue. C'est dans les régions les plus défavorisées qui n'ont pas fait l'objet de politique de développement qu'on observe le plus grand nombre de manifestations, conséquence logique de la colère et du désarroi des habitants qui aspirent à des conditions de vie meilleures ». Au cours de cette conférence de presse, des habitants originaires de Kasserine, Sidi Bouzid et Kairouan ont apporté des témoignages sur la situation économique et sociale très difficile dans ces régions où les taux de chômage sont les plus élevés dans le pays et où l'infrastructure de base est quasi-inexistante. Enfin, l'avocate Aida Ghizani a, de son côté, mis l'accent sur la situation précaire de nombreux agents temporaires qui ont été licenciés abusivement de leur travail sans recevoir aucune indemnité. « Nous déposerons plainte auprès de la justice », a-t-elle souligné à ce propos.